Les nouvelles heures marseillaises : épisode 18
Les nouvelles heures marseillaises : épisode 18
Résumé des épisodes précédents : Le petit Jacques Santiago a trouvé refuge chez Iliès et Angelina Mejdoub. Ces hôtes sont partis au match et l’ont laissé seul. Au bon soin de la nuit.
Vingt-deux heures
Le petit Jacques, n’ayant rien trouvé qui lui convienne dans sa maison d’accueil refuse de s’ennuyer plus longtemps devant le poste de télévision. Il change d’écran, il se met à la fenêtre pour regarder la nuit.
Trottoirs abandonnés, çà et là secourus par le passage d’un couple uni jusque dans la marche, ou d’un vieux fou en short qui monte et descend inlassablement le boulevard. Chaussée inerte, seulement réveillée par l’arrivée aléatoire d’escouades de voitures qui s’arrêtent à contrecœur au feu, en faisant ronfler les moteurs.
La scansion véhémente d’un rap monte d’un cabriolet ; une dame jette un mégot imprégné de rouge par la vitre de sa Twingo ; un monsieur en savate traverse pour aller vider ses ordures dans le conteneur d’en face.
Puis tout à coup, on entend les échos d’un fracas qui approche. Un moteur qui s’emballe puis se tait, le crissement des freins, le bruit d’une sorte de destruction puis des cris d’hommes. Et la sarabande qui recommence, plus nette à chaque fois. C’est le camion-benne qui s’approche. Dans la cabine un cocher mastard qui, les trois-quarts du temps, mène son engin avec le cou tourné vers l’arrière. Derrière, les acolytes dont il guette les signes, deux rugueux ouvriers, qui, lorsqu’ils ne manipulent pas les conteneurs, se perchent à l’arrière du carrosse, comme autrefois les valets en livrée. Et l’équipage avance, inexorablement, avalant le train éparpillé des détritus avec la régularité d’une horloge. Il en avale, il en avale des saloperies, le monstre zélé. Peu lui importe si son estomac résonne d’éclats de verre brisé, de branches cassées ou de barres tordues ou s’il écrase mollement les fruits pourris, les restes de purée, le carton des emballages. Il s’en fout, tant qu’on lui donne quelque chose à compresser.
Les hommes de l’arrière le servent en continu. Quand ils n’ont plus de wagonnets à lui mettre dans les mâchoires, ils ramassent tout ce qui traîne autour et, avec de long balancement de bras, ils le jettent dans sa gueule. Ainsi avance le convoi que Jacques n’en revient pas de pouvoir si bien observer, du haut de son troisième.
Qu’il est beau ce jouet en bas de la nuit. Qu’il semble réel ! Qu’il fonctionne bien !
Mais déjà la benne s’éloigne, faisant avec art décroître le chant de ses pistons et de ses vérins.
L’enseigne en forme d’épis de la boulangerie diffuse une lumière pâle. Une chauve-souris reprend son vol entre les façades. La nuit essaie de se glisser dans une poche de silence. Elle cherche entre les lumières un endroit où se reposer, mais tout ce qu’elle trouve, c’est un sommier crevé que les poubelles n’ont pas pu emporter.
Le calme ne dure pas. De nouvelles automobiles arrivent déjà.
Elles sont plus nombreuses maintenant, elles défilent d’une manière plus continue. Le match est terminé. Les amateurs regagnent leurs domiciles, sans klaxonner ni entonner de chant par les vitres baissées : l’OM ce soir s’est contenté de partager les points.
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Cher m Jcobi, heureux de vous retrouver dans la presse, fan absolu , je ne vous quitte plus !
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