Michea Jacobi vous présente
Les Nouvelles heures marseillaises

Les nouvelles heures marseillaises : épisode 22

Chronique
le 7 Nov 2020
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En 1876, le journaliste Horace Bertin publiait un délicieux ouvrage intitulé Les Heures marseillaises. Il offrait aux lecteurs, heure après heure, vingt-quatre croquis de sa ville, du Nord au Sud. Cent quarante-deux ans plus tard, Michéa Jacobi reprend le principe et en fait un véritable feuilleton.

Les nouvelles heures marseillaises : épisode 22
Les nouvelles heures marseillaises : épisode 22

Les nouvelles heures marseillaises : épisode 22

Deux heures

Entre Notre Dame et le Roucas, il y a une grande coupure. C’est la trace de la carrière d’où a été extraite une partie des pierres de la Digue du Large. Et c’est dans cette faille que les nuits de Marseille sont les plus belles et les plus intenses.

La nuit descend dans la faille, juste au-dessous de Notre Dame. Elle étreint les amandiers, elle fait pâlir les lumignons des lampadaires, elle congédie tous les matous du quartier.

Allez miauler ailleurs.

Il ne s’agit pas d’absence de lumière, de rotation de la terre ou de passage vers un autre jour. Non, c’est quelque chose de plus noir qui vient de s’emparer de la ville. Quelque chose qui veut revenir à la plus élémentaire géographie : ramener les hauteurs surchargées de villas et de bicoques à l’état de rocher nu, refaire du Vieux-port une calanque et du nouveau une barre de rochers inabordable.

La nuit descend dans la faille. Elle serre l’étau des deux pans de calcaire, elle exige le silence.

La ville se sent comme un roman sans personnage.

Tout le monde s’est calfeutré à l’intérieur de quelque chose : qui dans une chambre, qui dans une boîte de nuit, qui sous un carton entre les bogies d’un wagon abandonné.

Heureusement, il y en a qui veillent.

Deux amants s’étreignent sur un banc vers la mer. Un chenapan fait vrombir le moteur de son scooter pour mieux parvenir, sur une roue seulement, à réveiller tout le quartier. Un club louche met le feu à une automobile, en bas des immeubles de la Paternelle.

Un poisson sort du bain pour gober un papillon de nuit.

Dans la cabine téléphonique du boulevard Longchamp, il y a encore quelqu’un qui téléphone. C’est une belle rousse. Elle dit au jour d’attendre, elle lui promet que son heure viendra.


Michea Jacobi
Michéa Jacobi est graveur et écrivain. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages. Chroniqueur à Marseille l’Hebdo pendant plus de dix ans, il a rassemblé ses articles dans un recueil intitulé Le Piéton chronique (Éditions Parenthèses) et il a écrit pour le même éditeur une anthologie littéraire Marseille en toutes lettres.

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