Deux ans après le drame, la rue d’Aubagne s’entrouvre

Actualité
le 28 Oct 2020
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Ce mardi, des engins ont libéré le haut de la rue d'Aubagne des grilles installées depuis les effondrements. Désormais la stabilité des immeubles permet de rétablir la circulation piétonne dans cette partie de l'artère.

Patrick Amico et Sophie Camard soulèvent symboliquement les grilles qui barraient la rue d
Patrick Amico et Sophie Camard soulèvent symboliquement les grilles qui barraient la rue d'Aubagne. Photo : BG.

Patrick Amico et Sophie Camard soulèvent symboliquement les grilles qui barraient la rue d'Aubagne. Photo : BG.

“Je savais qu’on avait été élus pour lever des barrières”. Ce mardi matin, la maire de secteur Sophie Camard et l’adjoint chargé de l’habitat, Patrick Amico jouent les forts à bras devant les objectifs et caméras, en soulevant les barrières qui fermaient jusque-là le haut de la rue d’Aubagne. Depuis ce mercredi, cette partie de la rue est rouverte à la circulation des piétons, là où il y a deux ans, deux immeubles s’écroulaient, laissant huit corps sous les gravats.

Avant d’entrer dans le dur des politiques publiques qui concernent le quartier de Noailles ou de la lutte contre l’habitat indigne à l’échelle de la ville, les élus du Printemps marseillais multiplient les actions symboliques d’un changement d’ère. Les premières barrières à tomber ont été celles qui entouraient l’hôtel de ville. Celles qui bouclaient la rue d’Aubagne sont d’un maniement plus complexe. L’opération inaugure une série de manifestations en hommage aux victimes jusqu’à la date anniversaire.

Plus de démolition mais toujours un arrêté

Depuis le 3 avril dernier, les immeubles 69 et 71 faisaient l’objet d’un arrêté de démolition décrivant une situation “d’extrême urgence” créée par “le risque aggravé d’effondrement du fait des mouvements constants des structures”. Cet arrêté entendait répondre à une missive de la procureure qui faisait elle-même état des difficultés que la mise en sécurité de la rue posaient aux enquêteurs.

Sept mois plus tard, l’urgence s’est transformée en attente avant d’être remisée au placard. “Il n’y a pas de risque d’effondrement des deux immeubles. Nous avons mené toutes les études nécessaires en août et septembre pour être rassurés sur ce point. Les experts sont tous d’accord, explique Patrick Amico. En revanche, ils ont besoin d’être confortés et mis hors d’eau, car on sait que c’est un des facteurs aggravants pour ce type d’immeubles.” Des travaux sur ces immeubles devraient durer jusqu’au printemps.

En revanche, l’arrêté de démolition pris par Jean-Claude Gaudin n’est pas abrogé. “Il doit nous permettre de réagir très vite, s’il y a le moindre signe d’un affaiblissement d’un des immeubles”, reprend Patrick Amico.

Une rue entrouverte aux piétons et modes de déplacement doux

Les travaux destinés à rendre la rue praticable devraient durer deux jours. “Regardez on a même eu le temps de réaliser la végétalisation de la rue. Après vous ne direz pas que le Printemps ne respecte pas ses promesses”, plaisante Sophie Camard en visant des herbes folles qui ont poussé le long des glissières en béton qui soutenaient les grilles. Il s’agit de les faire reculer jusqu’à 1,5 mètre de distance des immeubles du côté impair. Cette nouvelle bande passante permettra de rétablir les cheminements “doux”, à pied, à vélo ou en trottinette.

Alors qu’elle avance, clopin-clopant, aidée de sa canne, Thérèse salue d’un grand “ouf” la perspective d’une réouverture de la rue. Elle avait pris l’habitude de faire un détour plutôt que d’emprunter le passage étroit qui subsistait. “Enfin !, s’exclame la grand-mère en boubou de 78 ans. Cela fait des mois que je suis obligée de faire un grand tour pour aller voir ma fille, rue Fontgate.” Elle a déjà vécu six mois de délogement avant de pouvoir réintégrer son immeuble du n°2 de la rue Jean-Roque. Désormais, elle pourra grimper sans détour et sans crainte de rencontrer des voitures.

Cette rue qui s’ouvre ne lève pas toutes les inconnues concernant le futur. Les vigiles resteront pour surveiller la zone toujours grillagée, réduite aux immeubles qui sont encore inscrits dans le périmètre de sécurité. Costume impeccable et cravate courte de sapeur, Jean-Magloire Mimpfoundi s’approche des élus en interview. Il est le patron du restaurant Le Kribien dont on voit encore le panneau jaune.

Ce restaurant camerounais est fermé depuis deux ans. “J’ai réalisé 60 000 euros de travaux pour le mettre aux normes, explique le propriétaire. J’espère qu’avec la libération d’une partie de la rue, mon restaurant pourra enfin rouvrir. Il n’y a pas de péril, rien.” Son immeuble situé au 77 de la rue d’Aubagne fait partie de ceux que l’établissement public foncier doit racheter pour le compte de la Ville. Il devra ensuite être rétrocédé à la société publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN), chargée de mettre en œuvre le projet partenarial d’aménagement (PPA) porté par la métropole, l’État et la Ville.

“Coupe gorge et zone de non-droit”

Autre problème épineux, celui de la sécurité, soulevé par de nombreux participants à la première réunion d’information sur le devenir du quartier Noailles, ce vendredi. Sophie Camard avait employé les termes forts de “coupe-gorge” et de “zone de non-droit” pour qualifier l’évolution récente de la place du 5 novembre et de ses abords. La barrière formait en effet un goulot d’étranglement extrêmement anxiogène pour les riverains. À cela, s’ajoute la présence d’une bande de jeunes qui a pris ses aises sur l’ancienne place Homère. Durant la visite des élus, ils ne cessent de monter et descendre les rues en pente, en roue arrière, à plusieurs et souvent sans casque. À les entendre, ils se réjouissent plutôt de la réouverture de la rue, y voyant une nouvelle issue pour échapper aux contrôles de police.

Les riverains témoignent depuis plusieurs mois des nombreuses incivilités et menaces que feraient ces jeunes hommes. “Cela témoigne de ce que j’appelle la zone grise de l’insécurité, explique Sophie Camard. Il y a ici de la consommation de drogue, sans doute de la vente, et tout un tas de nuisances qui sont insupportables pour les habitants.” La Ville a annoncé la mise en place de patrouilles d’îlotiers de la police municipale, conjointement à des contrôles renforcés de la police nationale, notamment en soirée. En parallèle, Destination Familles, association de soutien aux habitants implantée au bas de la rue, a mis en place un partenariat avec l’association de médiation Contact club, notamment présent à Belsunce, pour tenter de mettre en place un travail de médiation sociale en direction de ces jeunes.

Ironie de l’histoire, ce mardi, la police bloquait la place du 5 novembre et la rue Moustier pour la reconstitution de la scène d’un crime commis deux ans et demi plus tôt. À quelques jours de la date anniversaire des effondrements, cela rappelle à tout le monde que cette rue est encore un théâtre judiciaire.

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Commentaires

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  1. 236 236

    Bravo!
    Symbole fort qui redonne espoir aux délogés et aux petits propriétaires qui respectaient la dignité de leur locataire et qu’on tente de spolier.

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    • Jacques89 Jacques89

      Joli coup de com, mais l'”espoir” viendra surtout de la volonté d’aller au bout avec ou sans “les autres” qui ne manqueront pas de mettre les bâtons dans les roues. Va falloir slalomer entre les compétences pour éviter les “barrières”.

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    • 236 236

      Frédéric Guiniéri démissionne de ses fonctions, trop honnête pour rester à la Métropole ou trop de casseroles en instance

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    • 236 236

      ou les deux

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  2. Danièle Jeammet Danièle Jeammet

    Camard et d’Amico qui posent avec leurs barrières, c’était nécessaire ?

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    • 236 236

      Une image vaut mille mots

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  3. saveria555 saveria555

    Coupe gorge, zone de non droit…ce serait bien que les élus du Printemps marseillais n’emploient pas les mêmes termes que leurs homologues de droite, voire d’extrème droite, et surtout qu’ils se donnent les moyens d’objectiver une situation. La réponse policière est un peu courte.

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