Les écoliers marseillais nagent-ils mieux qu’avant comme le prétend la ministre des Sports ?

Décryptage
le 24 Avr 2024
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Lors de l'inauguration de la marina olympique, la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castera s'est félicitée du fait que le nombre d'enfants qui ne savent pas nager est passé de 50% à 35% à Marseille. Problème : cette statistique ne repose sur aucune donnée officielle.

(Photo : Diane Pezeron-Dubois)
(Photo : Diane Pezeron-Dubois)

(Photo : Diane Pezeron-Dubois)

Bonne nouvelle : désormais, parmi les écoliers marseillais, ils ne seraient plus que 35% à avoir du mal à savoir nager en entrant en sixième. Mauvaise nouvelle : Marsactu est bien en peine de confirmer la bonne nouvelle, en tout cas pas au point d’en faire une information vérifiée. Pourtant, la source est plutôt bonne. Il s’agit de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castera, venue à Marseille pour l’inauguration de la marina olympique, le 2 avril dernier.

Lors du discours officiel consacré aux Jeux olympiques et à la voile, la ministre des Sports se réjouit donc de la “bonne nouvelle” : “Désormais, à Marseille, le taux d’enfants qui ne savent pas nager est passé de 50% à 35%.”  Gagner 15% en quelques années, sans construire une seule piscine en plus, cela tient effectivement de l’exploit.

Marsactu s’est rapproché des services de la ministre pour tenter d’en savoir plus sur la source d’une telle statistique. Contacté à de multiples reprises par tous les canaux possibles, le cabinet d’Amélie Oudéa-Castera n’a pas cru bon de revenir vers nous pour confirmer ou infirmer la donnée. Silence radio. “Nous avons bien vu votre message qui a été transmis“, indique le service de presse ministériel. La transmission a donc dû se perdre dans les limbes puisque personne n’est venu éclairer la statistique.

Pas de remontée d’informations

L’évaluation du “savoir nager” repose sur un certificat remis aux petits écoliers à l’issue de leur apprentissage de la natation. À Marseille, cet apprentissage commence le plus souvent en CE1 ou CE2 et il se poursuit au cycle suivant, CM1,CM2 et sixième. Il est donc vérifié à l’entrée en sixième. Mais il suffit que la dernière séance d’évaluation saute pour que le certificat ne soit jamais délivré et ce, même si les écoliers ont été assidus aux séances. À l’entrée en sixième, le certificat ne figurera pas dans le livret scolaire de l’enfant.

Cédric Vassenaix, professeur d’éducation physique et sportive à Aix-en-Provence, est également secrétaire départemental du syndicat Snep-FSU. “Je n’ai pas de chiffres de cette nature, reconnaît-il. Peut-être que les inspecteurs pédagogiques régionaux les ont, mais ils ne nous ont pas contactés pour faire remonter l’information“. Le syndicaliste est d’autant plus sceptique sur l’origine de la statistique ministérielle qu’elle repose sur des données codifiées et complexes : “Ce test se fait sur les cohortes qui entrent en sixième. Il ne permet pas de désigner le nombre d’enfants qui ne savent pas nager, mais ceux qui échouent au test du savoir nager. C’est-à-dire entrer dans l’eau en arrière, franchir un obstacle sous l’eau, nager sur le ventre puis sur le dos pendant 15 mètres…

Mais puisque le certificat existe, les statistiques de réussite ou d’échec doivent bien être centralisées quelque part. Au hasard, au rectorat de l’académie. Mais, là encore, en dépit de nos multiples sollicitations, les services n’ont pas réussi à retrouver d’informations permettant d’accréditer l’affirmation d’Amélie Oudé-Castera. Le service presse de l’académie finit par reconnaître n’avoir “aucune stat’ sur le sujet“.

55% de plomb dans l’eau en 2013

Pourtant, en 2013, le Monde a publié un article très détaillé à ce sujet. À l’époque, la direction académique annonce que, “selon les tests pratiqués à l’entrée en classe de sixième, 55 % des petits Marseillais ne réussissent pas les gestes du « savoir nager », c’est-à-dire avancer dans l’eau sur une quinzaine de mètres”. Dans certains quartiers de Marseille, cette statistique culmine à 75%, notamment du fait de l’éloignement des bassins.

Or, depuis 2013, le nombre de piscines publiques n’a pas progressé à Marseille, en dépit d’un ambitieux plan, voté par l’ancienne municipalité, mais resté sans lendemain. En arrivant aux manettes, le Printemps marseillais a dû remettre à plat les projets municipaux et en lancer de nouveaux. Si la nouvelle équipe n’a pas encore de nouveaux bassins disponibles, elle revendique de premiers résultats. Dont les fameuses statistiques avancées par la ministre…

Source municipale

C’est une vraie information, la ministre a repris les chiffres, sur lesquels on a communiqué. Notamment quand on a parlé des résultats du dispositif  “j’apprends à nager”, en février lors d’un point presse à la piscine de la Busserine”, se félicite Sébastien Jibrayel, l’adjoint au maire chargé des sports. Effectivement, plusieurs médias relaient des statistiques à l’occasion de ce point presse auquel Marsactu n’a pas été convié. Ainsi France Bleu Provence reprend une statistique de l’adjoint aux sports qui ressemble à quelques nuances près à celle de la ministre : “Aujourd’hui, 30% des enfants de 6ᵉ ne savent pas nager à Marseille, contre 45% en 2021”.

En 2022, déjà, le même Sébastien Jibrayel se félicitait auprès de La Provence de statistiques en hausse : “On est sur environ 4 enfants sur 10 qui, à la fin de leur scolarité en primaire, ne savent effectivement pas nager.”

Disons qu’aujourd’hui, c’est un enfant sur trois qui ne sait pas nager alors qu’avant, c’était un sur deux.

Sébastien Jibrayel, adjoint aux sports

Gansaillé par Marsactu, l’adjoint aux sports finit pas relativiser l’exactitude à la virgule près : “Ce n’est pas une étude officielle, ce sont les premières tendances qu’on a. Et ça nous permet de constater que dans les endroits les plus concernés par la question, notamment dans les collèges situés dans le Nord de la ville, le nombre de jeunes qui ne savent pas nager est en baisse”. Il dit se baser sur un “recensement volontariste” réalisé à l’automne dans les collèges du Nord de la ville, à partir de discussions avec des principaux et des professeurs d’EPS. “Visiblement, les chiffres sont en baisse, autour de 35% des entrants en sixième ne savent pas nager. Disons qu’aujourd’hui, c’est un enfant sur trois qui ne sait pas nager alors qu’avant, c’était un sur deux“, poursuit Sébastien Jibrayel qui admet qu’il ne s’agit là que d’une “fourchette”.

Dans les collèges trop éloignés des bassins, les familles ont pris le relais en profitant du dispositif  “j’apprends à nager“, détaille encore l’élu du Verduron. Cela permet à 15 000 enfants de passer un diplôme d’aisance aquatique. L’essentiel est de poursuivre nos efforts pour éviter les noyades“. L’été prochain, en plus des créneaux dans les piscines, la Ville prévoit de déployer quatre bassins mobiles dans les quartiers les moins bien dotés, cet été. Elle promet des statistiques consolidées par le rectorat, à la rentrée prochaine. Pour éviter à la ministre de sortir des chiffres au doigt mouillé…

Avec Yasmine Sellami

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    “. Il dit se baser sur un “recensement volontariste” réalisé à l’automne dans les collèges du Nord de la ville, à partir de discussions avec des principaux et des professeurs d’EPS”
    Wouahou, ça c’est du solide !
    Et le ministère reprend sans scrupules cette approximation de coin de table …
    Le sujet mérite mieux,c’est quand même un des scandales de la ville de Marseille.

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      Après les chiffres à la louche, les chiffres à la fourchette.

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  2. BRASILIA8 BRASILIA8

    Incroyable cette “câlinothérapie” de la part des macronistes

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  3. jacques jacques

    pinochio et Pinochiette se jettent à l’eau:qui ment le plus?

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  4. Patafanari Patafanari

    Au doigt mouillé, ils sont plus intéressés par l’escrime.

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  5. Alceste. Alceste.

    Brasiliab tout est question de vocabulaire.
    Calinotherapie en macronie, clientelisme à gauche et arrangements à droite.
    La langue française est d’une richesse quand même incroyable.

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  6. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Le gaudinisme avait su tirer la quintessence de l’art de la com dans l’inaction. Il ne faudrait pas que la municipalité actuelle suive son exemple : le flambeau a été repris par Mme Vassal, ce qui suffit à notre bonheur.

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    • Alceste. Alceste.

      Cher 8eme , concernant la “com” de la municipalité actuelle , auriez vous raté quelques épisodes ? .Le dernier en date avec la voile pour tous les minots est assez cocasse.

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    • Pascal L Pascal L

      D’autant qu’il fut un temps où, pour pouvoir embarquer sur un voilier, il fallait présenter un brevet de 25 m !

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Je n’ai pas pu rater cet épisode, puisque je l’ai commenté en rappelant la nécessité de ne pas mettre la charrue avant les boeufs, c’est-à-dire de savoir nager au préalable.

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  7. Alceste. Alceste.

    Visiblement cher 8eme, quand l’on vous chatouille cela vous gratouille.
    Bien sûr que vous ne ratez rien, mais avouez que cet épisode “voileux” se rajoute aux autres miroirs aux alouettes.
    J’attends avec impatience au prochain conseil municipal quand notre ” bon ” maire entonnera

    Tiens bon la vague et tiens bon le vent
    Hissez haut Santiano !
    Si Dieu veut toujours droit devant,
    Nous irons jusqu’à San Francisco

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  8. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    Si les enfants apprennent à nager’ quand peuvent-ils ensuite aller à la piscines avec leurs parents puisque les piscines sont si rares er pour celles qui existent’ les horaires sont tellement réduits ?

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    • Alceste. Alceste.

      Vous avez voté Gaudin?
      C’est le même type de raisonnement qu’à tenu ” m’en fouti” durant des décennies.
      Raisonnement valable pour les piscines bien sûr,pour les bibliothèques encore, les musées bien entendu , sans oublier les stades,etc.
      Mais le plus ennuyeux c’est que son successeur et admirateur à tendance à jouer sur le même registre, y compris en employant le désormais légendaire ” c’est pas moi,c’est les autres”.
      Ne prenez pas mal votre vote supposé, c’était une boutade.

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  9. petitvelo petitvelo

    Pour des chiffres précis, il suffit que chaque collège ait sa piscine comme à Stanislas et un prof d EPS : chiche ?

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  10. Régine HAMZAOUI Régine HAMZAOUI

    Il faut toujours être vigilant et le nombre suffisant de piscine et de bibliothèques n’est pas encore atteint bien sûr, mais en tant qu’habitante des quartiers et fréquentant depuis 8 ans (ma prise de retraite) la piscine de la Castellane je dois dire que depuis deux ans, sans que j’en connaisse les raisons, la piscine est enfin quasiment toujours ouverte, ce qui était loin d’être le cas au début de ma pratique. Elle est très fréquentée aujourd’hui ce qui renforce le constat de l’insuffisance du nombre de bassin tout en pointant un réel progrès!

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    • Zumbi Zumbi

      Merci de parler d’un fait réel, certes parcellaire, mais ça vaut toujours mieux que de commenter sans argument de vérification une annonce manifestement fallacieuse.

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  11. toto toto

    En tout cas les enfants n’ont toujours qu’une dizaine de séances de natation sur toute l’école primaire alors que dans les villes normales, c’est chaque année de l’élémentaire.
    Mais bon, soyons rassurés, nous allons avoir deux centres aqualudiques confiés au privé pour faire trempette alors que pour le même tarif, nous pourrions avoir 8 piscines municipales dans lesquelles les enfants pourraient apprendre à nager.
    On ne remerciera jamais assez nos élus qui ne font que continuer l’œuvre de leurs prédécesseurs : tout pour le privé avec des projets inutiles au détriment des besoins des habitants.

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