Le Pacte démocratique commande un menu maxi best of à l’union de la gauche

Reportage
le 30 Oct 2019
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Objet politique protéiforme, le Pacte démocratique veut peser dans la campagne des municipales à Marseille. Réuni au McDonald's de Saint-Barthélémy, ce rassemblement de militants associatifs et politiques négocie son ralliement à l'union de la gauche, mais entend imposer ses exigences démocratiques. Un exercice périlleux, au risque de la confusion.

Le Pacte démocratique commande un menu maxi best of à l’union de la gauche
Le Pacte démocratique commande un menu maxi best of à l’union de la gauche

Le Pacte démocratique commande un menu maxi best of à l’union de la gauche

L'enjeu

Le Pacte démocratique a annoncé mardi qu'il n'envisageait pas de présenter de listes aux municipales et que les discussions étaient toujours en cours avec le Printemps marseillais.

Le contexte

Depuis l'été, ce mouvement entend représenter les habitants des quartiers populaires et porter des exigences démocratiques, en parallèle de la démarche d'union de la gauche.

Après avoir abrité une lutte sociale toujours en cours, le McDonald’s de Saint-Barthélémy se fait le fief d’un autre mouvement, le Pacte démocratique. Entre les bips des friteuses et l’appel des commandes des clients, le fast-food a accueilli au cours des derniers mois plusieurs rassemblements de cet objet politique difficile à classer. Prolongement des “états généraux de Marseille” qui s’étaient tenus en juin dernier, le Pacte démocratique met en avant l’objectif de donner une plus grande place aux citoyens dans la gestion municipale. Voilà pour le menu. Pour le reste, c’est à la carte.

Sur la terrasse du restaurant, une dizaine de porte-paroles du mouvement tenait mardi une conférence de presse pour clarifier leur position. “La gauche a perdu ses valeurs, et le Pacte les remet au centre du débat, insiste une des oratrices, Julie Digne, venue de la France insoumise. Nous voulons que le Pacte soit le garant du fait qu’il doit y avoir des représentants des quartiers et des luttes au conseil municipal”. Dans un autre essai de définition, Fathi Bouaroua, ancien délégué régional de la Fondation Abbé Pierre et une des principales voix du Pacte, estime que celui-ci doit être “le carrefour pour ceux qui pensent que les citoyens doivent être au cœur de la gestion de la Ville”.

“Le Pacte” est-il donc candidat aux élections de mars ? Oui, mais pas en solitaire, répond-on à la tribune. “Aujourd’hui nous sommes en discussion avec d’autres organisations, et nous irons dans une liste si elle contient l’idée que ce sont les citoyens qui seront au pouvoir”, indique le même Fathi Bouaroua. Pour autant, les discussions ont à ce jour un unique interlocuteur : le Printemps marseillais, ex Mouvement sans précédent (MSP), où se rassemblent Parti socialiste, Parti communiste, France insoumise ou encore Générations. En conférence de presse, la réponse est donc tranchée : il n’est pas question de se porter candidats sous l’étiquette du Pacte démocratique.

Tensions autour de la convergence avec le Printemps marseillais

La veille au soir, toujours dans l’écrin du même McDonald’s, l’assemblée plénière du mouvement avait pourtant donné un spectacle moins harmonieux. Ouverte à tous, y compris aux journalistes, la réunion avait comme premier point à son ordre du jour cette question des discussions avec le Printemps marseillais, à la suite d’une nouvelle rencontre entre des délégations des deux mouvements le jour-même. Au cours de cette troisième rencontre, les représentants du Pacte démocratique ont réitéré leur demande de pouvoir occuper une place plus large que les deux sièges attribués aux autres organisations au sein du comité de pilotage du Printemps marseillais. Une réponse est espérée pour les jours à venir. “La balle est dans leur camp”, estime Fathi Bouaroua.

D’ici là, le compte-rendu de la rencontre est l’occasion de remettre un sou dans une machine où s’affrontent les tenants de la convergence et les sceptiques, qui caressent, eux, l’option d’une liste autonome. “On n’a jamais dit qu’on voulait faire des listes. Personne ne veut se retrouver le 15 mars à faire l’arbitrage entre la droite et l’extrême-droite !”, tente Bernard Eynaud, membre des deux organisations à la fois, et représentant local de la Ligue des droits de l’homme. Les sceptiques évoquent quant à eux des échanges compliqués avec l’autre mouvement, et en filigrane se lit toujours une forte méfiance vis-à-vis du Parti socialiste.

“Ce n’est effectivement pas l’idée d’origine de faire des listes, répond ainsi Yazid Attalah, membre du syndicat des quartiers populaires de Marseille. Mais est-ce que la fin justifie les moyens ? Pour moi non. Il y a des gens qu’on respecte mais on ressent aussi beaucoup de mépris. Le piège ce serait de passer notre temps à parler d’eux”. Une intervention acclamée par la soixantaine de participants à cette plénière. Le militant y évoquait notamment son inquiétude de devoir faire campagne aux côtés de militants socialistes dans les 13e et 14e arrondissements. Dans l’assemblée, on note la présence d’un représentant d’EELV, qui a choisi la voie de l’autonomie. Il dit se reconnaître dans ces critiques. Pour autant, l’option de rejoindre la liste “Marseille écologiste et citoyenne” n’est pas sur la table.

Au terme de près de deux heures d’échanges, un vote à main levée clôt la question, avec 18 votes contre une stratégie autonome immédiate, et 15 pour, dans une assistance qui s’est clairsemée en cours de route. Quelques clients curieux jettent un regard puis repartent, leurs sachets de papiers siglés du “M” emblématique à la main.

“Continuer le rapport de force”

Est aussi adopté le principe de “continuer le rapport de force” dans les négociations, ainsi que le fait de “continuer les assemblées citoyennes”. Depuis septembre, trois arrondissements ont expérimenté ces réunions ouvertes où sont débattues des idées programmatiques pour la ville. D’autres devraient voir le jour d’ici à la fin de l’année. Si l’expérimentation venait à prendre, le Pacte démocratique tiendrait là une preuve de son impact, à mettre en avant dans les négociations avec les autres organisations. Car c’est bien de cela qu’il est question. “On a le pouvoir de faire voter !”, “Sans nous, ils n’auront pas le vote des quartiers”, s’enorgueillissent plusieurs participants aux débats.

Parmi ces derniers, peu de militants de l’année. On croise des visages bien connus du milieu associatif des quartiers Nord ou du centre-ville, des syndicalistes, ainsi que les membres des collectifs Maison blanche, ou des McDo. Parmi les encartés politiques, les Insoumis sont les plus nombreux, certains, réticents à la stratégie d’union de la gauche y ayant trouvé refuge.

À l’instar de Katia Yakoubi, qui milite du côté de la Cabucelle. Si elle est aujourd’hui pour la convergence des deux mouvements, elle défend l’utilité du Pacte démocratique. “Pourquoi on a fait le Pacte à côté ? Parce qu’on a vu que ça manquait de représentativité dans le MSP [le Mouvement sans précédent, devenu le Printemps marseillais ndlr]. Où sont la jeunesse et ceux qui habitent les quartiers ? On met à disposition un outil, ils n’ont qu’à le prendre et nous faire de la place”, résume-t-elle.

AG permanente

Difficile pourtant de dire qui représente exactement le Pacte démocratique, et si ses membres sont tous au diapason sur l’objet du mouvement. Du côté du Printemps marseillais, plusieurs voix se montrent dubitatives quant à son poids réel. “Le Pacte démocratique se fabrique à chaque AG, répond Fathi Bouaroua. La démocratie directe fait que rien n’est établi. Les choses changent selon les gens présents. Dans cette diversité il y a de la conviction, et une intelligence collective”. De quoi tout de même, remplir des soirées de débats interminables dans l’odeur de friture.

“Il faut aller très, très vite dans ces discussions parce que les gens en ont marre, c’est illisible”, s’impatiente Kévin Vacher. Le militant a pour lui d’avoir participé avec le collectif du 5 novembre à la création de la charte du relogement, brandie en exemple de ce que pourrait être un “municipalisme” impliquant concrètement les citoyens. Lui se range du côté de la convergence, avec des conditions accordant une place importante au Pacte démocratique dans les instances du Printemps marseillais. “Nous ne sommes pas en train de créer quelque chose de zéro, le Pacte est la synthèse de mouvements qui existent depuis des années”, argumente-t-il pour justifier ces exigences.

Une fois fusionné au Printemps marseillais, que restera-t-il alors du Pacte ? “Les états généraux reprendront leur travail”, explique Fathi Bouaroua, pour qui l’instance citoyenne doit maintenir son travail “avant, pendant et après” l’élection. Avec, à l’agenda, des assemblées citoyennes, un “festival démocratique” annoncé pour novembre, et l’élaboration d’un texte fondateur. Un texte qui pourrait être “la première délibération du futur conseil municipal”, dans le cas d’une hypothétique victoire, et où le contrôle des élus par les citoyens serait acté. D’ici là, “le Pacte” aura peut-être eu le temps de découvrir s’il est une “méthode”, un “outil”, un rassemblement “d’experts citoyens” ou une force politique à part entière.

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Commentaires

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  1. Blaah Blaah

    On aurait pu avoir une vraie richesse, avec sur le plan politique un rassemblement réussissant enfin l’union de la gauche, et chez la société civile un mouvement impliqué et exigeant. Mais évidemment, l’un comme l’autre vont avoir pour activité principale de se mettre des bâtons dans les roues d’ici à mars, afin d’être bien certains que Martine ait juste à se baisser pour ramasser (ce qui reste de) la mairie.

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    On s’était gaussé ici de l’immense mouvement populaire qui avait conduit les écolos d’EELV à choisir la stratégie du Vert solitaire : 74 votants. On découvre maintenant que l’immense mouvement populaire incarné par le Pacte démocratique se prononce sur sa ligne par “18 votes contre une stratégie autonome, et 15 pour” : 33 votants, donc. Ces maigres troupes en disent long sur le manque de vitalité de la vie démocratique dans cette ville, épuisée par des décennies de gestion clanique. C’est absolument terrifiant. Comment peut-on prétendre être représentatif de qui que ce soit quand une assemblée générale remplit à peine une cabine téléphonique ?

    Mais peut-être une partie de l’explication réside-t-elle dans ces phrases : « Le Pacte démocratique se fabrique à chaque AG, répond Fathi Bouaroua. La démocratie directe fait que rien n’est établi. Les choses changent selon les gens présents.” Comment, sans s’épuiser (et perdre les électeurs), peut-on bâtir sur du sable si rien n’est jamais décidé parce que “les choses changent” d’un jour à l’autre ?

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    • AGNES MEDJAD AGNES MEDJAD

      D’abord, il faut dire que les périodes de vacances scolaires ne sont pas propices à une présence maximale des habitants.es et que les semaines comprenant un jour férié ne le sont pas non plus. Ensuite, il faut savoir que les Assemblées plénières du Pacte sont le lieu des décisions, mais que de nombreux citoyens travaillent lors des réunions thématiques par secteur. Ainsi nous n’avons pas le don d’ubiquité, la mobilisation est là, partout dans nos quartiers, elle prend forme et s’organise !
      De plus, “les choses” changent parce que TOUT est en mouvement, la vie n’est que mouvement,mais nos convictions, elles ne changent pas !
      Rejoignez une réunion d’arrondissement ou commission thématique de votre quartier. Agissons, ensemble maintenant!

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    • Raymond Dayet Raymond Dayet

      Arrêtez de mépriser tout le monde et respectez un peu la décision des gens qui se prononcent en fonction de leurs convictions. Vous en avez plein la bouche de la démocratie mais quand les décisions ne vont pas dans votre sens, vous les critiquez et posez la question de leur légitimité! Vous n avez pas compris que c est ce mépris permanent qui éloigne les gens de vous. Et quelle légitimité a de plus un Payan qui représente la moitié du quart d’un PS qui ne pèse plus rien ? Quelle légitimité ont de plus certains collectifs qui viennent de se créer et dont on ne sait rien?

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      C’est bien dommage, Raymond Dayet, que vous ne sachiez pas lire. Sinon, vous ne me feriez pas dire ce que je n’ai pas écrit. Il se trouve que la décision prise ici par le Pacte va, précisément, “dans mon sens” !

      Ce n’est absolument pas cela que je questionne, assez clairement, je pense, puisque Agnès Medjad m’a répondu sur le fond.

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  3. julijo julijo

    C’est vrai que c’est terrifiant.
    Il semble aujoud’hui que toute idée de rassemblement soit d’une fragilité exceptionnelle. Rassembler qui, quoi, comment…mais ou est pourquoi ?
    M’inquiète encore plus le manque de programme.
    Finalement qu’ils soient 20 ou 100, ces « rassemblements » manifestent une bonne volonté, mais pour quoi faire ???? alors soit la journaliste n’a pas donné l’info..ce que je ne crois pas, soit et cela transparaît bien, , cet aspect des choses n’a pas été abordé !
    Alors que l’essentiel c’est effectivement un rassemblement, à gauche, oui bien sûr mais POUR QUOI FAIRE ?
    Or nous en sommes à on se rassemble mais pas, avec celui-ci, ni avec celui là, celui ci peut être pourquoi pas, ou l’autre…..POUR FAIRE QUOI ?
    A l’ordre du jour,d’une prochaine AG des “printemps marseillais”, “pacte démocratique” ou autres associations, je propose l’élaboration d’un programme.
    cela permettra sans aucun doute aux électeurs de reconnaître les siens !!

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    • AGNES MEDJAD AGNES MEDJAD

      Rassembler les habitants.es autour des préoccupations du quotidien et unir autour des questions plus larges de la gestion des quartiers, des secteurs, de la ville et de la Métropole.
      Pour quoi faire ? Pour vivre ensemble !
      Pour réfléchir, gérer et construire notre présent et envisager notre avenir.
      Pour quoi faire ? Pour trouver ensemble les réponses aux questions cruciales de l’écologie, du logement, des mobilités et de l’activité du bassin marseillais.
      Pour quoi faire ? Pour unifier le Nord et le Sud de la ville au sens propre er au sens figuré.
      Et tellement d’autres “choses” à construire ensemble,hommes et femmes, grâce à notre intelligence collective.

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    • julijo julijo

      oui, bonne réponse. mais la question est : ou est le programme ??
      la nullicipalité gaudin laisse la ville exsangue….par quoi on commence ?
      il faudrait avoir le debut d’une réponse à ces nombreuses questions.
      clamer partout “vivre ensemble”….. ça suffira pas !

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  4. Titi du 1-3 Titi du 1-3

    Le lieu de réunion !

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  5. AGNES MEDJAD AGNES MEDJAD

    Rassembler les habitants.es autour des préoccupations du quotidien et unir autour des questions plus larges de la gestion des quartiers, des secteurs, de la ville et de la Métropole.
    Pour quoi faire ? Pour vivre ensemble !
    Pour réfléchir, gérer et construire notre présent et envisager notre avenir.
    Pour quoi faire ? Pour trouver ensemble les réponses aux questions cruciales de l’écologie, du logement, des mobilités et de l’activité du bassin marseillais.
    Pour quoi faire ? Pour unifier le Nord et le Sud de la ville au sens propre et au sens figuré.
    Et tellement d’autres “choses” à construire ensemble, hommes et femmes, grâce à notre intelligence collective.

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  6. Raymond Dayet Raymond Dayet

    Electeur du 8eme,
    Quand vous parlez de gens qui pourraient se réunir dans une cabine téléphonique, oui c’est une forme de mépris. On pourrait alors dire la même chose de la photo du Printemps Marseillais publiée par Marsactu sur laquelle il n’y a pas plus d’une trentaine de personnes. Et en plus, sur cette photo, on retrouve toujours les mêmes qui sont dans la politique marseillaise depuis des années. Alors tant qu’à faire, quitte à se retrouver dans une cabine téléphonique, au moins que ce soit avec des gens neufs et qui ne sont pas dans le système depuis des années et des années…

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      L’expression où vous voyez du “mépris” (le second degré n’est pas accessible à tout le monde) a été créée par Le Canard Enchaîné, plutôt réputé pour son ironie.

      Quant à ce que vous pensez du Printemps marseillais, comme c’est la 48ème fois que vous l’écrivez ici, ça ne rentre plus dans une cabine téléphonique et tout le monde est maintenant bien au courant.

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  7. Raymond Dayet Raymond Dayet

    Électeur du 8eme,
    Vous pouvez essayer de justifier autant que vous vouler vos propos, un coup par l’ironie, un coup par les grands principes de la démocratie, il n empêche que vous n arrivez pas à admettre que les autres ne soient pas formatés comme vous et qu ils peuvent prendre un autre chemin que le votre en allant au bout de leurs convictions. Quant au Printemps marseillais qui porte bien mal son nom, je répèterai autant que nécessaire que les gens qui entendent piloter cette démarche sont tout sauf ie renouveaux politique, citoyen et démocratique que vous appelez de vos vœux. Il faut le répéter pour ouvrir les yeux de tous. C est de la prévention politique!

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Mais puisque nous ne nous comprenons pas (c’est pas grave), je me vois contraint de répéter que le chemin emprunté à ce stade par le Pacte me convient : c’est celui que j’appelle de mes voeux.

      Mon propos initial, que vous refusez de comprendre, visait, pour la déplorer, la faiblesse de la vie démocratique dans cette ville. D’autres l’ont compris ainsi.

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  8. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    Habitat indigne, écoles communales dégradées, transports en commun, équipements sportifs et culturels notamment dans les quartiers populaires, tels devraient être les priorités d’un programme d’une union des gauches marseillaises. Malheureusement on a souvent l’impression que les débats se limitent à faire violence aux diptères

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