La “fête à Marseille”, Jul et la flamme olympique

Reportage
par Lisa Castelly & Marie Lagache
le 9 Mai 2024
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Scrutée par un milliard de téléspectateurs à travers le monde, l'arrivée de la flamme olympique a vu des dizaines de milliers de Marseillais se masser sur le Vieux-Port mercredi 8 mai. Immersion au cœur des célébrations.

Arrivée de la flamme olympique à Marseille le 8 mai 2024. (Photo : Emilio Guzman)
Arrivée de la flamme olympique à Marseille le 8 mai 2024. (Photo : Emilio Guzman)

Arrivée de la flamme olympique à Marseille le 8 mai 2024. (Photo : Emilio Guzman)

“C’est pas la fête olympique, c’est la fête à Marseille”. Il est tout juste 16 heures, les rues qui mènent au Vieux-Port fourmillent, comme rarement pour un jour férié, et on attrape la phrase au vol – prononcée sur un ton d’évidence. Barrages filtrants et files d’attentes interminables, scène flottante et écrans géants disent cependant à quel point c’est un événement planétaire qui se déploie dans l’anse du Lacydon. Et pourtant.

Sur les flots

Les célébrations ont démarré dès le matin, sur les flots. À bord de centaines de voiliers venus escorter le Belem, mais aussi, du Pomègues, une des navettes maritimes de la RTM qui relie habituellement le Vieux-Port à la Pointe-Rouge, qui avait embarqué du public sur inscription. Entre habitués claquant la bise au “meilleur équipage de Marseille”, touristes et curieux, la consigne est passée : “Le premier qui voit le Belem, il le dit aux autres”. Mais impossible de le louper : un millier de navires l’entoure. Les matelots apprécient le moment : “C’est historique. C’est beau de voir tous ces bateaux. Puis c’est bon enfant.”

Parmi les passagers, un couple de retraités a fait le déplacement depuis l’Alsace. “Plein de monde qu’on connaît à peine nous demande des photos du Belem depuis qu’ils savent qu’on est là”, indique le mari. Lorsque l’hélicoptère chargé de filmer la parade s’approche de la navette, il agite sa casquette RC Lens, son club de cœur et sa ville de naissance, en glissant à sa femme : “C’est diffusé en direct, tu penses ?”

En famille sous le cagnard

Retour sur les quais du Vieux-Port sous le cagnard à l’heure du goûter. Le balcon du restaurant la Caravelle est déjà bondé et les animations de l’après-midi touchent à leur fin : là une démonstration de danse énergique sous les fenêtres de la mairie, ici des stands pour être pris en photo, et surtout le merchandising municipal décliné en dizaines de t-shirts, sacs en toile et petits fanions bleus et blancs. Un groupe de mamans du 7ᵉ arrondissement décore les visages de leur progéniture avec la palette de maquillage Ville de Marseille. La “fête populaire” promise par le maire est aussi une occasion de marketing à large échelle, mais rien de comparable à un Tour de France où l’on distribue les bobs à carreau rouges et blancs par milliers. On croisera simplement une tente et une carriole de produits siglés Paris 2024 – au succès tout relatif – quelques mascottes suffocantes et bien évidemment, les drapeaux Coca Cola autour de l’immense scène flottante sponsorisée. De l’autre côté du centre-ville, plusieurs centaines de manifestants sont rassemblés pour dénoncer la tenue des Jeux en France.

Parmi les animations de l’après-midi, le défilé des pom-pom girls du Plan d’Aou. (Photo : LC)

Un cortège de pompons étincelants fend la foule. Les petites du club de pompom girl du Plan d’Aou, baptisé Les perles de l’oasis, avancent en rythme et fièrement. Les mamans suivent, pas moins fières de leurs minottes habituées des tournois. Couettes impeccables coiffées de nœuds blancs, elles rejoignent une fanfare sous l’ombrière pour une chorégraphie enflammée. “Elles représentent les filles de Marseille”, sourit une des accompagnantes. Un mois et demi de répétitions leur auront permis d’être prêtes pour déambuler ainsi pendant plusieurs heures. La discipline n’est pas olympique, mais participer à la fête les a surmotivées. “Ça m’a fait plaisir de partager mon plaisir aux autres”, confie Kylie, 10 ans, en grande pro. “C’est historique d’être là aujourd’hui, on a l’habitude des championnats, mais là c’est autre chose”, s’émeut la mère d’une de ses camarades. Lydia, 12 ans, un énorme cœur en sequins dans le dos, est satisfaite de la performance et n’attend désormais qu’une chose : “Le concert de Soprano !” Oubliant un peu au passage l’événement olympique qui doit le précéder.

L’olympisme au second plan

Car si la fête est familiale, certains parents ont en effet besoin de revoir les bases. “Le spectacle, c’est l’allumage de la flamme olympique”, cadre une dame de l’autre côté du port, en emmenant sa fille vers un coin d’ombre. L’attente devient pesante et le soleil ne rend pas les armes. Certains sont assis contre les barrières qui ceignent le plan d’eau pour sécuriser leur place au plus près du spectacle de l’arrivée du Belem. Un peu après 18h, on se choisit un point de vue pas trop bondé et proche de l’unique arbre du quai du port en espérant un peu de fraîcheur. Aurore et Michaela, mère et fille, sont arrivées il y a une bonne heure… du Plan d’Aou elles aussi. Pour voir la fête olympique, et puis aussi le concert “de l’enfant du quartier”. Soprano, encore lui. Peut-être faut-il y trouver une explication à cette surreprésentation de la cité parmi nos interlocuteurs. Aurore, la mère, 54 ans, aime regarder les Jeux pour la natation “et voir les nageurs du Cercle”, car avant tout, elle est “fan de Marseille”. 

Il y a une communion, on regarde tous dans le même sens.

Heder

Slidja, Heder et leurs amis ont choisi le même spot. Pour eux, les célébrations olympiques ont démarré dès le matin. Plaisanciers, ils ont accompagné le Belem dans son grand tour de la rade. “C’était grandiose, chargé d’émotions, ça donne une autre image de Marseille que celle qu’on voit d’habitude à la télé”, partage la Berroise. Heder la rejoint : “On se sent fiers d’être Marseillais, quand on voit ça. Il y a une communion, on regarde tous dans le même sens.”

Sur la scène, les deux animateurs, un peu à court de moyens pour animer l’immense foule – 200 000 personnes selon le président de la République, installé dans la tribune officielle – qui ne réagit pas toujours. Aux grands maux les grands remèdes, le dernier quart d’heure sera marseillologique en diable. Le footballeur de l’OM 1993 Eric Di Meco fait son entrée et vole la vedette en termes d’applaudimètre à sa binôme, la championne olympique Marie-José Pérec. “Ça va être une belle pub pour Marseille”, se réjouit-il. Des breakdanceurs débarquent ensuite aux sons de Bande organisée, Belsunce breakdown et autres Bad boys de Marseille. Deux autres footballeurs olympiens, et non pas olympiques, viennent parfaire le tableau. Didier Drogba est accueilli en dieu vivant et Basile Boli lance un “Aux armes” qui résonne du quai des Belges au Pharo. Les organisateurs du comité Paris 2024 l’ont compris : pour faire vibrer Marseille, encore plus à la veille d’une demi-finale européenne, inutile de faire semblant que le foot n’est pas roi.

Bouquet final

La patrouille de France survole trois fois le Vieux-Port au moment de l’arrivée du Belem. (Photo : Emilio Guzman)

Quand c’est au Belem de faire son entrée, la moustache de Florent Manaudou crève les écrans géants. Les trois mâts se devinent depuis le quai du Port, les smartphones sont brandis un peu trop vite par rapport au rythme de navigation de l’antique navire, mais l’enthousiasme est là plus que jamais. Tout s’emballe : Marseillaise, explosion d’artifices d’abord bleu, blanc, puis rouge, apparition de la patrouille de France qui trace les anneaux olympiques entre les rares nuages et s’offre en tout trois passages. Et enfin, le Belem accoste pour laisser descendre le nageur habitué du centre de formation des Catalans.

Le bouquet final auquel on ne s’attendait plus, c’est ce troisième porteur de la flamme non-identifié qui enlève sa capuche une micro-seconde avant d’allumer le chaudron. Le visage du rappeur de Saint-Jean-du-Désert s’affiche en immense. “Maman c’est Jul !”, articule une adolescente en se prenant le visage entre les mains. Sa sœur se couvre la bouche pour ne pas hurler. La foule ne s’en prive pas et lui offre l’acclamation ultime qu’aucun des sportifs n’avait encore reçue. Les flammèches font le tour de l’anneau. Nouvelles explosions de couleurs depuis le cœur du port, conquis. Et prêt à enchaîner pour encore quelques heures de “la fête à Marseille”.

Le rappeur Jul a créé la surprise en allumant le chaudron olympique. (Photo : Emilio Guzman)

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Commentaires

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  1. Fabien Canetto Fabien Canetto

    Une belle journée, une bonne ambiance tant dans les rues de Marseille que sur les plateaux télé, une émotion palpable chez les participants dont la fierté teintée d’humilité faisait plaisir à voir, une cérémonie en grande pompe allant crescendo…

    Et là c’est le drame : Jul !

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    • vékiya vékiya

      Et oui, la cata incapable d’aligner deux phrases

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  2. julijo julijo

    rooooohhh ! c’est marseille, bébé !

    et jul aussi !

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  3. Pussaloreille Pussaloreille

    Je m’étonnais hier, justement, qu’il ne soit pas de la fête… Il en était ! Rien que de très légitime ici. Saluons quand même cette arrivée de flamme réussie (la famille qui vit ailleurs et regardait la TV a trouvé « grandiose » et s’est émerveillée des vues de Marseille), ainsi que l’atmosphère populaire et bon enfant, de nature à faire passer les petites contrariétés (cargo CMA pas du meilleur goût, Coca cola et cie).

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  4. LOU GABIAN LOU GABIAN

    il est ou Zidane il est ou???

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    • Alceste. Alceste.

      Zidane oui il est né à Marseille, oui bon. Pour le reste la seule implivation opérée par ses soins est à Aix . Trahison suprême.
      C’est son choix.

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    • cyrille cyrille

      et Canto …?

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  5. Patafanari Patafanari

    Ils sont faits l’un pour l’autre.

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    • Alceste. Alceste.

      J’allais oublier, suis je étourdi , la création d’une entreprise en zone franche à Marseille pour éviter de payer l’impôt à l’époque (1999/200).

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  6. Richard Mouren Richard Mouren

    Zidane n’était pas là mais Monsieur Rodolphe Saadé et la CMA-CGM y étaient en grand format. L’inauguration de Tangram, l’école de formation de la société, dans les locaux de l’Ecole Nationale Supérieure Maritime (ENSM) à la Pointe-Rouge avec tambours, trompettes, couple présidentiel et la présence lourde et écrasante du Cma Cgm Greenland au milieu de la rade arborant en lettres gigantesques Paris 2024 au-dessus de la mention CMA CGM de la coque. Publicité maximum pour pas un rond (dans l’eau?). Cette société et son directeur commencent vraiment à envahir l’espace public marseillais avec la bénédiction des plus hauts personnages de l’état.

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  7. Alceste. Alceste.

    Cher Richard Mouren, concernant l’ENSEM de Marseille, mais les gens ont la mémoire courte, était plus que menacée dans sa pérennité car en conccurence avec d’autres sites , la création d’un nouveau bâtiment au Havre et un rapport de la CC.
    Si CMA-CGM a contribué à maintenir le site de Marseille , on peut éventuellement le saluer.

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    • vékiya vékiya

      Et oui, la cata incapable d’aligner deux phrases

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  8. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    Puisque la cérémonie a été diffusée dans le monde entier, comment les propos de Jul, surtout la phase finale “Mercé la dzône”, ont-ils pu être traduits ?

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  9. MarsKaa MarsKaa

    L’article est fidèle à l’ambiance que j’ai pu observer à deux endroits et deux moments différents. C’était populaire, bon enfant, paisible, calme. Les gens étaient joyeux et heureux de vivre et partager ce moment.
    Alors oui, il y en a des choses à dire contre ces JO, il y a des enjeux politiques et financiers, il y a de quoi être critique, mais nous avons aussi besoin parfois de ce type de festivités, de ces moments populaires où l’on se retrouve cote à cote, c’est tellement rare. Profiter de ce que ça a de positif, sans être dupe sur les aspects négatifs.

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  10. cyrille cyrille

    Merci pour ce bel article

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  11. Christian Christian

    Une belle fête, et le rappeur (râpeur ?) Jul tout-à-fait à sa place, il est même regrettable qu’il n’ait pas chanté le plus bel échantillon de son oeuvre immense : “N’te déshabille pas, je vais te violer”.
    Quel talent !

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  12. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    Ça va vous couter cher… ces ( vos ) petites sauteries !!!

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      Le Monde donne quelques chiffres. Coût des festivités de l’arrivée de la flamme: la région, le département et la métropole: 250.000 chacun, Marseille 900.000. Les deux “prologues”: 150.000 € chacun (département ou métropole). Droit de passage de la flamme dans le département: 180.000 € (département). Sous réserve que je n’aie pas compris de travers. Marsactu, avez-vous un chiffrage des coûts?

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      T’inquiète c’est censé en rapporter beaucoup plus.

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    • Patafanari Patafanari

      Et à la fin, il ne restait presque plus de sous. A peine assez pour se payer un neuneu en pyjama.

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    • Pascal L Pascal L

      Les questions sont aussi : ça coûte à qui ; ça rapporte à qui ?

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    • julijo julijo

      un coût difficile à évaluer : le coût de l’ “image”
      à entendre nos zédiles dans les media, après coup, c’est fantastique, on dit partout du bien de marseille. ça change…
      une journée entière en direct à la télé, avec des vues et des rencontres magnifiques ! mais oui !
      et il parait que ça rapporte…. aux hoteliers, restaurateurs, rbnb…..peut être.

      pas si sûr que le rendement positif atterrisse en compensation sur les comptes des institutions.

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  13. GlenRunciter GlenRunciter

    1 milliard d’yeux, dites vous, rivés sur Marseille et (accessoirement…) la France ? Et puis là, le dernier relayeur trié sur le volet, choisi parmi tant d’autres, s”écrie, avec la forme de gène palpable de celui qui se pense en imposture, “Salut la zone !”
    No comment

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    • Patafanari Patafanari

      Ne déformez pas la parole de notre Pontife. Il a dit «  Merci la dzone ( ou l’azote ?) »

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