Avec son conseil pour l’emploi, le premier adjoint Dominique Tian bosse son CV

Actualité
le 13 Juin 2016
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Le conseil municipal extraordinaire consacré ce lundi à l'emploi a été piloté de A à Z par le premier adjoint. Un moyen pour Dominique Tian (LR) d'exister dans ce rôle qu'il devrait lâcher dans un an pour conserver celui de député. Avant de viser la mairie.

Avec son conseil pour l’emploi, le premier adjoint Dominique Tian bosse son CV
Avec son conseil pour l’emploi, le premier adjoint Dominique Tian bosse son CV

Avec son conseil pour l’emploi, le premier adjoint Dominique Tian bosse son CV

“Je ne m’exprimerai pas avant lundi. Ce n’est pas une opération de communication, c’est mon job de premier adjoint, c’est tout.” Alors que se présente un conseil municipal extraordinaire dédié à l’emploi qu’il a porté, Dominique Tian (LR) a choisi de faire profil bas. Comme depuis le début de cette mandature, la dernière de Jean-Claude Gaudin.

Discrétion ou inaction du premier adjoint ? Une chose est sûre, en coiffant ce poste dans la foulée d’une victoire probante contre le candidat PS Patrick Mennucci dans son propre secteur, Dominique Tian a choisi des thématiques certes clés pour l’avenir du territoire mais sur lesquelles la Ville n’a que peu de leviers et où les résultats d’une politique sont rarement immédiats : l’emploi et les transports. “C’est un vrai politique. Ce serait bien mal utiliser les députés que de les mettre sur des tâches de gestionnaires”, nuance un adjoint au maire qui apprécie sa sensibilité libérale. “Il est souvent à contre-courant sur les sujets d’actualité et on a parfois l’impression que tout ce qu’il touche se transforme en plomb, tacle un cadre de la majorité. Alors qu’un premier adjoint doit savoir sortir de sa délégation, il ne s’empare pas des sujets d’actualité comme lors de la polémique sur les écoles.” Et quand il décide finalement d’embarquer dans un bus conduisant les journalistes dans les écoles incriminées, le cabinet du maire l’éconduit.

Gaudin : “Ils veulent être tout demain”

Ce conseil municipal extraordinaire sonne pour lui comme une belle occasion d’exister à ce poste de numéro 2. “Il n’a pas besoin d’être remis en selle, il l’est en permanence”, corrige Jean-Claude Gaudin. L’événement de ce lundi présente en tout cas un caractère exceptionnel, comme aime à le rappeler le maire de Marseille depuis 1995. “C’est une pratique qu’avait mise en place Gaston Defferre pour évoquer un sujet particulier et écouter des acteurs extérieurs qui en temps normal n’ont pas le droit de s’exprimer au conseil municipal. Mais une séance informelle, ça n’arrive pas tous les jours. Ce ne sera que la deuxième fois que je ferai, après la sécurité en 2011, et c’est Dominique Tian qui a piloté tout ça.”

Comme souvent, le moment d’histoire municipale que nous offre ce jour-là le maire en marge d’une cérémonie à la Joliette vise à faire patienter son auditoire. Il attend son premier adjoint pour de plus amples et précises informations mais celui-ci tarde à venir. Alors, il peste : “Ils veulent être tout demain. Mais ils ne sont jamais là quand il faut.”

Dominique Tian figure en effet parmi la cohorte de successeurs potentiels qui piaffent dans l’antichambre du bureau du maire en attendant son départ. Si les aspirants sont nombreux, ils sont désormais deux – trois avec le vice-président de la région Renaud Muselier – à voir leurs noms revenir régulièrement : le premier adjoint et le maire des 6e et 8e arrondissements, Yves Moraine. Des noms prononcés plus ou moins fort dès que Gaudin entrouvre la porte pour mieux la refermer sur les doigts de ceux qui s’y voient déjà. Au “château”, on dit Gaudin “légitimiste”, ce qui le pousserait à choisir son premier adjoint le jour venu. Mais il ne manque jamais d’un “petit Tian” ou d’un “les discothèques que certains connaissent bien” pour montrer que son premier adjoint n’est à ses yeux pas encore à sa hauteur.

En retard sur Yves Moraine ?

Tian se manifeste peut-être moins que d’autres depuis 2014. Pour une de ces rares déclarations d’intention, il s’était exprimé sur Marsactu en décembre 2014 quand l’hypothèse d’un départ de Jean-Claude Gaudin pour le conseil constitutionnel était encore consistante. “Oui, je suis candidat à cette succession”, affirmait-il alors, direct. Mais, depuis, très peu : “J’ai quand même beaucoup de mal à me mettre en valeur, à parler de moi, confiait-il en décembre à TV Sud Provence. Dans un meeting politique, j’ai du mal parce que quand on est candidat à quelque chose, il faut dire du bien de soi. Je pense que les gens me connaissent et j’ai du mal à me vendre. Incontestablement, c’est peut-être mon grand regret.”

Dans le même temps, Yves Moraine se positionne de plus en plus clairement dans la foulée du patriarche. France 2 l’a récemment interrogé sur son avenir pour savoir s’il s’imaginait en successeur. L’œil gourmand, celui-ci a répondu : “Je ne m’y vois qu’en rêve mais parfois les rêves deviennent réalité”. Et quand le maire, le 6 juin, donne une grande interview sans annonces particulières à La Provence, il ne cite que le quadra des 6/8. “Il y a de nombreux candidats, s’amuse-t-il, se refusant à les citer… avant d’encenser le maire des 6e et 8e arrondissements, Yves Moraine”, écrit le quotidien. De quoi laisser le sentiment que le premier adjoint a pris du retard sur celui qui verra toutefois sa candidature avorter s’il ne devient pas député en 2017, dans l’ancienne circonscription de Renaud Muselier, détenue depuis quatre ans par la socialiste Marie-Arlette Carlotti.

“Dominique est dans une posture d’humilité”

“Aujourd’hui, Dominique est dans une posture d’humilité avec beaucoup de respect pour le maire. À trop vouloir tout, tout de suite, on se brûle. Chaque chose son temps”, assure la maire des 1er et 7e arrondissements Sabine Bernasconi, une de ses fidèles. Elle préfère vanter un travail de long terme dont ce conseil dédié à l’emploi est l’empreinte. “Cette réunion, c’est un moment où les enjeux vont être posés. On fait le bilan du chemin parcouru et des ambitions que l’on se donne. C’est la marque de quelqu’un qui pense à l’avenir”, jure celle qui est sa suppléante à l’Assemblée nationale.

Dans un an, Dominique Tian quittera son poste de premier adjoint s’il est réélu député dans une circonscription qui couvre deux arrondissements étiquetés à droite, le 7e et le 8e. Bien conscient que le poste n’est pas une garantie pour l’avenir à Marseille, ville qui a vu tour à tour les dauphins Michel Pezet et Renaud Muselier s’échouer sur la plage, selon la formule consacrée.

Quelle empreinte laissera-t-il ? Chacun s’accorde à dire que Dominique Tian, classé à l’aile droite du parti Les Républicains, a un goût pour le débat d’idées… et une certaine capacité à mettre les pieds dans le plat.

Entre ouverture d’esprit et pavés dans la mare

Côté pile, on lui reconnaît jusque dans les oppositions municipales une capacité d’écoute comme à affronter les problèmes. “Il est davantage ouvert que ses prédécesseurs. Pour lui, ce n’est pas parce qu’une idée vient du Front qu’elle est fondamentalement mauvaise, il n’est pas dans ce genre de posture”, estime Bernard Marandat, opposant FN à la scène quoiqu’ami, à la ville, du premier adjoint. “Si nous avions eu une autre présidence que Dominique Tian la prole aurait été tenue, ficelée. Là, au contraire, les auditions ont été libres”, salue le nouveau président du groupe socialiste Benoît Payan.

Côté face, l’homme montre une certaine capacité à créer de la zizanie, en s’écartant à l’occasion de la ligne commune comme lorsqu’il s’oppose seul à la vente du siège de la RTM, lors d’un conseil d’administration de la régie, ou s’empoigne avec Didier Réault sur les questions de nautisme qui lui sont chères. Dans ce registre du pavé dans la mare lancé sans que l’on sache la part de calcul que le geste charrie, son passage chez Contribuables associés n’est pas passé inaperçu. L’élu s’était lâché sur divers thèmes, en sachant pertinemment que Marsactu était présent dans l’assemblée.

Ces sorties en ont fait tressauter plus d’un à l’hôtel de Ville. De bonnes âmes se sont même empressées d’imprimer et de porter sur le bureau du maire les extraits les plus virulents du discours du premier adjoint. “Sa sortie sur les sénateurs est très mal passée”, croit savoir un des messagers zélés. Dominique Tian s’en était alors pris aux lois sur les collectivités locales bricolées la plupart du temps par des sénateurs qui sont des élus locaux en fonction des complicités politiques”. Plus que les propos sur les PPP “bombes à retardement” ou sur “la suppression de la fonction publique territoriale”, on peut comprendre que cette sortie sur la chambre haute puisse agacer le maire, premier vice-président du Sénat et grand organisateur de la loi créant la métropole Aix-Marseille qu’il préside depuis sa création en novembre. “En une intervention, il se met une bonne partie de la majorité à dos. Il dit que les sénateurs votent des textes entre deux soupes Royco et une couche”, se lâche un élu de premier rang de la majorité.

“C’est sûr que parfois, ce genre de propos ne le sert pas sur le moment, mais il poursuit dans sa logique de mettre son grain de sel, de faire un peu de provocation”, estime Didier Réault, l’adjoint au maire en charge du littoral proche de Guy Teissier, historique concurrent de Jean-Claude Gaudin au sein de la droite locale.

“Ultra libéral” plutôt que démocrate-chrétien

Sur le fond, Dominique Tian n’incarne pas la ligne démocrate-chrétienne de Jean-Claude Gaudin. “Bien avant d’autres, il a su couper le cordon ombilical avec Gaudin”, note le président de LR dans les Bouches-du-Rhône, Bruno Gilles, qui soutient Yves Moraine dans la guerre de succession. “Il lui a succédé dans son secteur municipal, dans son canton, dans sa circonscription, il y a une sorte de filiation politique entre eux et un lien particulier”, nuance Sabine Bernasconi. Dans la campagne des primaires présidentielles, Tian a pourtant choisi Bruno Le Maire plutôt que Nicolas Sarkozy avec qui s’engage toute la Gaudinie.

A droite, l’homme peut s’enorgueillir d’une vraie carrière de chef d’entreprise. “C’est un des rares à avoir un métier, c’est important dans la vie politique”, approuve un de ses prédécesseurs Renaud Muselier. Dans la foulée de cette expérience professionnelle, Dominique Tian se présente en “ultra-libéral” après avoir porté le fer en tant que député contre “la fraude sociale”.

Cette carte politique nationale de la lutte contre “l’assistanat” pourrait lui être utile dans un combat où le Front national pourrait arriver en position de force. “Quand il mène un combat contre l’aide médicale d’État, ça peut nous plaire évidemment, admet le frontiste Bernard Marandat. Mais ça ne cache pas qu’il suit la ligne européiste et mortifère de son parti.”

Dominique Tian est pourtant conscient qu’il lui faut travailler son image et fédérer plutôt que cliver s’il veut conquérir la Ville, comme il le confiait au Monde en mars. “Celui qui succédera à Gaudin devra être consensuel et rassembleur”, expliquait-il en se définissant comme “modéré et pragmatique”. Dans l’hypothèse d’un départ anticipé de Jean-Claude Gaudin de la mairie – ce qui fait partie des scénarios alimentés par le maire lui-même – l’élection se fera en interne au groupe LR-UDI. Il faudra alors compter ses troupes au sein de l’hémicycle que Tian continuera de fréquenter en simple conseiller municipal s’il est réélu dans sa circonscription.

“Il ne met peut-être pas tous les moyens pour y arriver”

Yves Moraine l’a bien compris et c’est à cette aune qu’il faut lire son rapprochement avec Bruno Gilles. Dominique Tian semble, lui, enregistrer moins de ralliements. “Il a cette capacité mais il ne met peut-être pas tous les moyens pour y arriver”, estime Didier Réault qui sait que les proches de Guy Teissier sont en nombre au conseil municipal et pèseront en cas de désignation interne. “Alors que beaucoup d’élus regrettent de ne pas être perçus comme sympas et tombent la veste et la cravate pour améliorer ça, il fait partie des élus les plus appréciés. La marque de fabrique de Dominique Tian, c’est celle du travail en équipe”, note Sabine Bernasconi qui voit en son compère l’homme d’une “transition en douceur”.

Sur ce chemin, Dominique Tian devra aussi se débarrasser d’une épine plantée dans son pied par le parquet national financier : une enquête préliminaire pour ne pas avoir signalé dans sa déclaration de patrimoine un compte en Suisse. Pour succéder à celui qui met régulièrement en avant son attachement au “respect des règles et des lois de la République”, cela pourrait faire tache.

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Commentaires

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    • Jean-Marie Leforestier Jean-Marie Leforestier

      Bonjour. Vous n’avez pas dû lire l’article jusqu’au bout 😉
      “une enquête préliminaire pour ne pas avoir signalé dans sa déclaration de patrimoine un compte en Suisse. “

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  1. LaPlaine _ LaPlaine _

    Tian, Moraine, et les autres, aucun élu de cette ville n’est compétent pou la faire évoluer intelligemment et harmonieusement, ce qui leur manque c’est une certaine vision du Marseille de demain, ce ne sont que de petits boutiquiers politiques.

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