Depuis le 9/10, Lionel Royer-Perreaut veut croire au sursaut des électeurs de droite

Reportage
le 26 Juin 2020
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Dans ce secteur du sud-est de Marseille, Lionel Royer-Perreaut mise sur les réserves de voix que la crise sanitaire a éloigné des urnes. Pour cela, il laboure le terrain, en espérant tirer son épingle du jeu là où d'autres maires sortants sont clairement menacés.

Lionel Royer-Perreaut en campagne avec sa binôme Emmanuelle Charafe.
Lionel Royer-Perreaut en campagne avec sa binôme Emmanuelle Charafe.

Lionel Royer-Perreaut en campagne avec sa binôme Emmanuelle Charafe.

Ce coin du Cabot tient plus de l’allégorie du quartier que de la carte postale. Un parking gardé dessert des commerces en L, le long du boulevard du Redon. De part et d’autre alternent les tours et les arbres des grands ensembles fermés. Au fond, la barre de la Rouvière surplombe ce fief de la droite locale. Ce secteur a longtemps été tenu d’un main ferme par le toujours député LR Guy Teissier. Le maire actuel, Lionel Royer-Perreaut est son dauphin. Même s’il a fallu qu’il lui arrache le témoin des mains pour porter les couleurs du parti dans ce secteur acquis à la droite depuis 1983 – hormis la parenthèse du grand chelem de Robert Vigouroux en 1989.

Désormais, l’éternel second, le suppléant, l’homme des dossiers, se rêve en mieux élu des candidats de droite alors que Martine Vassal bataille pour garder l’héritage de Jean-Claude Gaudin dans les 6/8 et que Julien Ravier pourrait prendre de plein fouet l’affaire des fausses procurations présumées dans les 11/12. Il parie sur “le sursaut des électeurs de droite”. “Je croise sans arrêt des gens, des personnes âgées qui culpabilisent de ne pas être allées voter au premier tour. Je pense qu’ils seront au rendez-vous du second”, argumente-t-il. En attendant ce sursaut, il sillonne pour donner du corps au mot “proximité” inscrit en gras sur le tract du second tour que les militants distribuent. Il assure que ces questions du quotidien constituent la majeure partie de ses échanges avec les administrés.

Martine Vassal en minuscules

Il faut chercher longtemps sur son matériel de campagne le nom de la candidate qu’il soutient pour succéder à Jean-Claude Gaudin. Il n’apparaît qu’en toutes petites lettres, celles du site internet martinevassal-2020.fr. Bien entendu, le candidat LR se défend de la laisser dans l’ombre. “Nous avons distribué les tracts de la campagne générale dans les premières semaines, argue-t-il. Pour la dernière ligne droite, il est normal de se focaliser sur le candidat du secteur.” Même chose pour les affiches. Les panneaux officiels le montrent avec sa binôme, la professeure en médecine Emmanuelle Charafe.

“Sur les panneaux “libre expression”, je demande à mes équipes d’alterner entre nos affiches et celle de la campagne générale”, insiste-t-il. Mais cette alternance ne se fait pas d’un panneau sur l’autre, mais de loin en loin. Comme si un cordon sanitaire avec la candidate en difficultés était désormais nécessaire pour assurer la victoire dimanche. Lionel Royer-Perreaut s’en défend. Mollement.

“Encore plus d’immigrés”

Il préfère mettre en pratique ce qu’il fait le mieux, rencontrer, écouter, ratisser le terrain. Il passe de l’opticien à la cave à vins, s’arrête un temps chez le boucher dont il est client, présente sa seconde de liste en insistant sur “le docteur”, rappelant qu’elle officie à l’institut Paoli-Calmettes. La crise sanitaire est passée par là. L’élu putatif se pose en protecteur, masqué et solidaire. Le boucher assure de son vote l’élu LR : “faudrait pas qu’ils nous fassent venir encore plus d’immigrés.” Lionel Royer-Perreaut sourit poliment, acquiesçant d’un clignement des yeux. En aparté, il glisse : “Vous voyez que sans nous, les gens vont vite vers le Front.” Le rassemblement national est ici représenté par Éléonore Bez dont il dit qu’elle ne fait plus campagne. La candidate RN est arrivée deuxième avec un fort retard, se plaçant à 21,5% quand le maire sortant s’est assuré un confortable 32,4%.

À l’entrée du parking, les militants ont posé un kakemono à son image qui sert de totem de campagne. Ils rabattent les passants vers le candidat pour qu’il réponde aux questions. “La dernière fois que nous sommes venus ici, ils faisaient la queue pour venir le saluer”, assure Karina Sadlaoud, sa directrice de cabinet en congé le temps de la campagne. En ce jeudi matin, l’affluence est moindre et les interventions variées.

“Ces gens dont personne ne s’occupe”

Un monsieur, masque en bouche, maugrée en rentrant dans sa voiture “contre ces élus qui ne travaillent pas pour leurs administrés.” Lionel Royer-Perreaut l’interpelle. “Je suis le parent d’un enfant handicapé, explique-t-il. À ce titre, je vais souvent à la maison départementale des personnes handicapées, près de la grande tour de la CMA. À chaque fois, je passe devant le marché aux puces. Vous avez vu ces gens qui vendent dans la rue­ ? Ces enfants qui mendient ? Ils vivent dans des taudis, et personne ne s’occupe d’eux. C’est une honte.”

Lionel Royer-Perreaut tente de s’expliquer : “vous savez, c’est le public rom.” Mais le monsieur n’en démord pas : “Philippe Langevin a remis un rapport sur cette situation à Jean-Claude Gaudin ! Qu’en a-t-il fait ? Rien. Il s’est assis dessus”. “Mais vous savez, c’est le périmètre Euroméditerranée, essaie encore le maire de secteur. Cela avance, sans doute pas assez vite, mais cela change.” Le monsieur n’entend pas, insiste sur “ces gens dont personne ne s’occupe”. “Moi, c’est le 9-10, vous savez”, freine Lionel Royer-Perreaut. Le monsieur n’entend pas, ne votera pour personne. “C’est un chrétien de gauche”, analyse le candidat.

La fin du golf de Borély

À l’aplomb du kakemono, un militant bataille avec une dame vêtue de rose. Elle souhaite parler d’un enjeu spécifique : “la fermeture du parcours de golf de Borely”. “Maintenir un simple practice comme le veut madame Vassal, ça n’est pas du tout possible, explique-t-elle avec véhémence. Où va-t-on aller s’entraîner ?”. Lionel Royer-Perreaut est bien en peine pour répondre. “Je n’y connais rien”, mime-t-il en aparté. La dame n’en démord pas. Électrice de la Panouse, elle en fait un point clivant. Lionel Royer-Perreaut fait la moue : “elle votera quand même pour nous.” Même si elle n’a pas répondu à son “check” de rigueur en temps de Covid. Sur le parking, les voitures se succèdent. Souvent les conducteurs ont un petit geste pour lui.

Dans l’argumentaire qu’il déroule, le maire met désormais en première ligne les parcs réalisés et “le premier parc départemental [à Marseille, NDLR] dont l’acquisition sera votée en juillet.” Il devrait être rejoint par celui des Charmerettes dont ses adversaires du Printemps Marseillais, Aïcha Sif et Hervé Menchon ont fait un symbole de la bétonisation du secteur. Le maire sortant valorise “les 13 hectares de parc en plus.” Et pour dégonfler la polémique autour du boulevard urbain Sud, il promet de nouvelles trémies – comprenez des tunnels plus ou moins couverts. C’est désormais ce qu’il propose pour éviter le passage en plein milieu des jardins familiaux Joseph-Aiguier. Et qu’importe le coût d’envoyer un tunnelier pour ne pas déloger les courgettes. “C’est une réserve de biodiversité.”

Le besoin d’oxygène

Lionel Royer-Perreaut saisit l’air du temps. Il ne croit plus guère à la théorie des courants mais sent “une dynamique” dans son secteur, en sa faveur. Il y a deux ans, il lançait Oxygène actifs, son club. “Vous vous souvenez que j’y parlais de fin de cycle, de besoin d’oxygène, de changement d’ère…”, insiste-t-il pour mieux souligner qu’il incarne ce virage. Il pense être bénéficiaire de la “gentrification du centre-ville”. “Dès que les gens veulent un balcon, un jardin, une chambre en plus, ils viennent ici”. Et voteront pour lui, espère-t-il.

Par un hasard géographique dont ce secteur a le secret, deux élus font leur apparition dans le paysage. L’ancien adjoint au stationnement, Maurice Talazac part faire ses courses au magasin de surgelés. Et concomitamment, l’ancien adjoint à la culture 2008-2014, Daniel Hermann se gare en vrac, cigare aux lèvres. “Je vous promets que ce n’est pas moi qui leur ai dit de venir”, assure le maire. Les deux sont des quasi-retraités de la charge élective. Ils vont en roue libre. Daniel Hermann vitupère contre les journalistes : “Avant quand il y avait de la magouille, on n’était pas au courant”. “C’est du off”, veut couper Lionel Royer-Perreaut. Daniel Hermann se calme, veut croire à la victoire.

Quant à Maurice Talazac, il veut pousser l’analyse au mépris de la chaîne du froid pour ses courses. “Je ne me suis pas battu pendant 40 ans en sacrifiant ma vie personnelle et professionnelle pour voir arriver la gauche, peste-t-il. Regardez ce qu’ils ont fait à Grenoble en un mandat. Ils l’ont détruit. S’ils gagnent ici, on est partis pour 25 ans.”

Lionel Royer-Perreaut n’est pas loin de penser pareil : “c’est ce qui s’est passé à Paris après Chirac, c’est ce qui va se passer à Lyon après Noir et Collomb.” Derrière le spectre de l’alternance “des amis de monsieur Mélenchon”, il voit celui de la gentrification en marche. “C’est ce qui s’est passé dans le centre-ville, dans le 1-7, dans le 4-5”, note-t-il en pointant la large avance des listes du Printemps. Comme un monde qui se renverse. Et lui qui reste.

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Commentaires

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  1. Pussaloreille Pussaloreille

    Ah ! Ah ! « pousser l’analyse au mépris de la chaîne du froid » !! Bravo pour cet article qui joint l’utile à l’agréable (on s’y croirait).

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    • Happy Happy

      J’ajoute mes félicitations aux vôtres. J’aime beaucoup le style de Benoît Gilles, il y a du fond, un talent pour peindre une ambiance et juste la pointe de malice qui va bien, à distance du sarcasme ou du dénigrement partisan.

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    • guillaume-origoni guillaume-origoni

      Oui, c’est. vrai, il dit beaucoup de chose avec un style qui roule bien…il cueille le lecteur avec son récit mais n’oublie pas de l’informer.

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  2. Jean Pierre RAMONDOU Jean Pierre RAMONDOU

    Guy Teissier,
    Lionel Royer-Perraut,
    et l’école et les bureaux de vote Coin-Joli sont toujours pas accessibles aux handicapés.

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    • Amusernameatleast Amusernameatleast

      J’abonde avec le reste des commentateurs, bon papier, le ton de la campagne bien restitué en laissant les intéressés s’exprimer. Ah oui, la cerise sur le gâteau, le golf de borelly en sursis … Drame à la Panouse. Les motivations d’une partie de la bourgeoisie marseillaise…

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Impressionnant, tout de même, ce procès en illégitimité fait en permanence à la gauche par ces gens bouffis de suffisance. Grenoble “détruit en un mandat” ? On va attendre ce qu’en disent les électeurs grenoblois, sans doute plus compétents pour en juger qu’un retraité marseillais. Vu l’état de la ville de Marseille après 25 ans de “gestion” très approximative par la droite locale, il n’est pas sûr que celle-ci ait des leçons à donner.

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    • matbusnel matbusnel

      surtout quand on connait la situation d’autres villes de gauche que sont Rennes et Nantes qui cartonnent d’un point de vue économique tout en alliant ça avec des pratiques plutôt respectueuses de l’environnement. Faudrait qu’ ils sortent un peu de Marseille ces élus.

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  4. Alceste. Alceste.

    Ce qui est genial avec cette équipe qui nous parle de gestion c’est que aucun n’a géré quoi que ce soit. Bien sûr à part leurs carrières, leurs portefeuilles en Suisse, leurs appartements pourris loués à des pauvres gens sur le dos de la CAF.
    Pour le reste je dépense et j’emprunte, et j’embauche, et je clientelise.
    Et quand je plante mon entreprise je vais voir mon godinou pour qu’il me trouve un job à la mairie.
    Sans oublier la famille et les amis.
    Ce n’est plus à ce stade là de la gestion municipale mais de la gestion de patrimoine.
    Allez virez moi toutes ces j’en foutre

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    • Jean Pierre RAMONDOU Jean Pierre RAMONDOU

      Martine Vassal a géré l’entreprise de son père.
      Avec quel résultat ?

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  5. Mistral Mistral

    Grenoble détruit en un mandat !!!
    Et ce sont des élus aux commandes depuis 25 ans qui osent dire cela alors que c’est bien à Marseille que les immeubles s’effondrent, c’est bien ici qu’il y a eu 8 morts le 5 novembre 2018, c’est bien ici qu’hier le balcon d’un bâtiment propriété de la Ville est tombé sur le trottoir et qu’il aurait pu tuer ou blesser quelqu’un.
    C’est bien à Marseille que la chambre régionale a fait 2 rapports accablant, c’est bien à Marseille qu’une ancienne élue, recasée au Cabinet pléthorique du Maire malgré le dépassement de la limite d’âge, a égaré sa voiture de fonction !!!
    Regarder votre bilan messieurs !

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  6. PierreLP PierreLP

    Ah Grenoble ; la ville de ce bon monsieur Carignon, semble nous dire Lionel Royer Perreaut. Détruite en un mandat ? comme c’est curieux, Eric Piolle a eu 46% des voix au premier tour…
    Marseille ? Ecoutez donc des connaisseurs du système, comme Annette Placide, qui ont -eenfin- quel était de système pourri qui veut faire voter des malades d’Alzheimer

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  7. Alceste. Alceste.

    Cher Ramondou Jean Pierre. Elle a baissée le rideau de l’entreprise de papa et puisque ce dernier était copain comme cochon avec Gaudin on a recasé la fifille

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  8. Pitxitxi Pitxitxi

    Parmi cette litanie d’arguments politiques foireux et de pensées rances, j’ai quand même envie de retenir une phrase : « Vous voyez que sans nous, les gens vont vite vers le Front. »

    En gros, au lieu de combattre leurs idées, on les récupère à notre compte. Et c’est à ces gens-là que la gauche veut encore appeler à voter pour eux dans le cadre du “barrage républicain” ?

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