La “skyline” marseillaise perd un gratte-ciel et de son attrait

Actualité
le 21 Déc 2016
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Alors que la tour La Marseillaise est sur le point d'atteindre ses 135 mètres, la troisième tour de la "skyline" des quais d'Arenc est bien mal en point. Le promoteur compte abaisser de plus de moitié le futur hôtel conçu par Yves Lion qui devrait ne plus faire que moins de 50 mètres.

Visuel commercial des quais d
Visuel commercial des quais d'Arenc (vue des ateliers Yves Lion)

Visuel commercial des quais d'Arenc (vue des ateliers Yves Lion)

Après la “tour couchée”, il y aura désormais la tour coupée. Il y a trois ans et demi, lors de la pose du premier parpaing du premier des quatre immeubles des Quais d’Arenc, le promoteur Marc Piétri plaisantait en qualifiant de “tour couchée” le Balthazar dessiné par Roland Carta. À l’époque, le patron de Constructa promettait que les deux derniers gratte-ciels de son projet seraient sortis de terre “pour le deuxième semestre 2016”. Nous voilà à la fin de l’année en question et si la première tour, la Marseillaise, monte presque à vue d’œil, les autres se sont faites oublier. Plus encore, la seconde plus haute tour, baptisée “Horizon”, ne fera pas 113 mètres comme prévu initialement mais 50 mètres, pour passer sous la norme administrative des immeubles de grande hauteur (IGH).

Le bâtiment a été pensé par l’architecte Yves Lion. A la différence de la première tour La Marseillaise destinée aux bureaux, il a toujours été présenté comme “mixte”, avec un hôtel de 200 chambres, une résidence de tourisme de 150 chambres et quelques appartements luxueux dans sa partie la plus haute. Les travaux de la tour Horizon, qui ne sont pas encore programmés, pourraient donc démarrer sur un projet revu à la baisse.

Euroméditerranée : “essayer de continuer la skyline”

“Cela reste une tour, explique Marc Piétri, le PDG de Constructa. Nous avons voulu la réadapter. Cela rééquilibrera aussi la skyline. Nous allons faire quelque chose d’encore plus beau. Comme cela, pour les gens derrière ce ne sera pas un mur”. Côté Euroméditerranée, on veut croire que cette reculade n’est pas irréversible. “Ce n’est pas encore complètement arrêté, commente la présidente d’Euroméditerranée Laure-Agnès Caradec. Nous sommes en phase de réflexion. Il y a un modèle économique à faire tourner derrière”. L’opérateur s’est largement appuyé sur les images des trois tours, quatre avec celle de la CMA-CGM, pour prouver son dynamisme. Mais cette carte postale urbaine s’éloigne de plus en plus de la réalité du projet. Pour l’heure, les ateliers Lion, qui n’ont pas répondu à notre demande d’entretien, n’ont pas diffusé de dessin de la tour rabotée.

“Ce sont des opérations très longues qu’il faut réadapter”, argumente Marc Piétri. Les années ont passé, les hôtels haut de gamme se sont multipliés dans la ville mais aucun n’a choisi les Quais d’Arenc, ce qui fait que le promoteur a revu sa copie. Surtout, les hôtels de luxe louent plutôt que d’acheter, surtout pas dans une onéreuse tour, qui a pourtant bien besoin d’investisseurs. “Je suis d’accord sur le principe. Les choses arrêtées il y a dix ans ne sont pas figées, réagit Laure-Agnès Caradec. Mais on a commencé une skyline, il faut essayer de la continuer. Il faut faire sortir des bâtiments, même si ce sont des opérations extrêmement longues”. De fait, l’établissement public d’aménagement ne peut pas forcer le promoteur à construire les tours promises si ce dernier estime qu’il n’a pas les moyens de les construire ou qu’il ne trouve personne pour les occuper. Il faut rappeler aussi que les trois tours sont construites face à la mer, certes, mais aussi face à une passerelle autoroutière ce qui pourrait rendre encore plus compliqué la commercialisation d’appartements ou de chambres d’hôtel de luxe qui ne seraient plus à 80 à 100 mètres du sol.

Une seconde tour CMA-CGM d’ici là ?

C’est d’ailleurs l’engagement en 2013 de l’ancienne communauté urbaine sur l’achat de plusieurs étages qui avait permis à la tour la Marseillaise d’enfin sortir de terre. Elle accueillera finalement les services de la nouvelle métropole dès qu’elle sera prête. Le promoteur assure que la troisième tour, H99, dessinée par le fiston Jean-Baptiste Piétri lui-même, n’est pas remise en cause pour l’heure. “Nous la ferons en dernier car il est compliqué de vendre des appartements alors qu’il y a des travaux autour, explique Marc Piétri. Elle répondra à la tour de Jean Nouvel [la Marseillaise, ndlr]“. D’une hauteur de 99 mètres, l’immeuble doit accueillir 149 logements de “très haut standing”. Il pourrait se faire doubler par une “seconde tour CMA-CGM”, attendue par Euroméditerranée. L’entreprise serait en train d’étudier la valorisation de la parcelle de son ancien siège, non loin de sa tour existante, avec la construction d’un grand immeuble de bureaux. Une envie sur laquelle CMA-CGM n’a pour l’heure pas communiqué.

Ce rabotage de la tour Horizon, en plus d’être un signal négatif pour les investisseurs, est également une mauvaise nouvelle pour les recettes d’Euroméditerranée. Cette dernière devait percevoir, à chaque construction de tour, une “participation constructeur”, relatela chambre régionale des comptes dans un récent rapport sur l’établissement public. L’organisme de contrôle détaillait le manque à gagner pour l’établissement public. Euromed doit percevoir, selon une convention de 2008, “13,5 millions d’euros échelonnés jusqu’en 2019, à condition toutefois que les trois autres immeubles soient entièrement réalisés dans les délais prévus (6,5 millions d’euros en 2015 pour la tour la Marseillaise, 2,9 millions d’euros en 2017 pour la tour H99 et 4 millions d’euros en 2019 pour la tour Horizon)”. Compte tenu du prix “d’ami” auquel la société de Marc Piétri a acquis le terrain, la CRC estimait à 14 millions d’euros la perte financière d’Euromed sur ce coup-là. Le document ne dit pas si la contribution est au prorata de la surface effectivement bâtie. Si tel est le cas, Euromed peut déjà dire au revoir à plus de la moitié des quatre millions d’euros associés à la tour Horizon.

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Commentaires

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  1. corsaire vert corsaire vert

    Bétonner le front de mer de cette façon c’est un scandale !
    Marseille est défigurée par ces réalisations de matuvus et de nouveaux riches .
    Ils se la jouent émirats du golfe ? à celui qui montera le plus haut ? ( le plus con aussi …)
    N’ aura t- il pas quelqu’un ou quelque chose pour arrêter ce massacre ?
    Hôtels et appartements de luxe dans une ville sinistrée économiquement on se demande à quoi cela va servir , d’autant que le quartier ne brille pas particulièrement …

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    • Gilda Gilda

      vous avez bien raison !! c’est un massacre !!!

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  2. LaPlaine _ LaPlaine _

    C’est un retour à la réalité. Une partie des programmes de “prestige” initiés par Piétri sont loin d’être des succès (H99, les Docks). Le problème de base ne vient-il pas du fait qu’il aurait fallu “enterrer” l’autoroute en amont de cette zone faisant ainsi disparaître cette passerelle disgracieuse?

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  3. florian florian

    Avez-vous des informations sur la demande placée de bureaux à Marseille sur ces dernières années ? Quelle est la demande pour des appartements de luxe sur le secteur ? Il me semble que l’offre créée actuellement sur Euromed dépasse la demande du marché. Hypothèse à confirmer ou infirmer par les chiffres du marché.

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      Pas de chiffres à proposer, juste le fait que H99 est commercialisée depuis au moins 2013… On peut raisonnablement penser qu’en trois ans ,le seuil de ventes nécessaires au lancement des travaux (50%?) n’a pas été atteint…

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Un indice sur la demande de bureaux face à l’offre créée sur le périmètre Euromed : le déménagement précipité du siège de la RTM, dont l’un des motifs inavoués était de faciliter le remplissage de bâtiments dont la commercialisation était laborieuse dans ce quartier (https://marsactu.fr/demenagement-siege-rtm/).

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    • Benoît Gilles Benoît Gilles

      Bonjour
      lorsde la conférence de presse d’Euroméditerranée, les chiffres annoncés étaient plutôt au redressement après plusieurs années de crise. Les responsables de l’établissement public parlent même de tension. en 2016, le taux de placement était de 17 000 m2. Il devrait être supérieur en 2017 avec 20 000 m2 qui trouveraient preneur l’année prochaine.

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    • Benoît Gilles Benoît Gilles

      Bonjour
      lors de la conférence de presse d’Euroméditerranée, les chiffres annoncés étaient plutôt au redressement après plusieurs années de crise. Les responsables de l’établissement public parlent même de tension. en 2016, le taux de placement était de 17 000 m2. Il devrait être supérieur en 2017 avec 20 000 m2 qui trouveraient preneur l’année prochaine.

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    • Tarama Tarama

      Est-on obligé de les croire ? (vu le pipeau qu’ils racontent sur la rue de la République ou sur le “plus beau centre commercial du monde” – ne pas rire -, à savoir les Docks.

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  4. toine toine

    Le GPMM dispose d’un siège vieillot disséminé dans 3 bâtiments sur la Joliette et à Arenc. Pourquoi ne construit-il pas un nouveau siège sur Euromed pour rassembler l’intégralité de ses équipes dans un même bâtiment? Pouquoi pas une petite tour?

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    • Clémentine Vaysse Clémentine Vaysse

      Bonjour,
      Aux dernières nouvelles, le port avait repoussé jusqu’à nouvel ordre le projet de se faire construire un nouveau siège faute de finance

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    • toine toine

      Merci Clémentine pour votre réponse. Dommage…

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  5. Distrait Distrait

    C’est très beau (ou pas) toutes ces tours, mais qu’est qu’on en fait une fois qu’elles sont sorties de terre ?
    Est-ce que quelqu’un a pensé à aller solliciter les banquiers de la City qui vont devoir quitter Londres après le Brexit ? En dehors de cette cible je ne vois pas bien qui va être intéressé à s.entasser dans ces tours….

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  6. LOU GABIAN LOU GABIAN

    C est coincé entre 2 passerelles d’ autoroutes , ca marchera jamais

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  7. Tarama Tarama

    Normalement, les plus grands on les met derrière non ? Construire des tours sur le littoral, il faut être un peu c*n ? La vue de dizaines de milliers de personnes est gâchée. Je sais bien que ces considérations ne préoccupent que très peu les affairistes et les politiques, mais quand même.
    Les tours, symboles phalliques, du “pouvoir” de ces gens. De leur vacuité aussi.
    Et cela sans parler de l’esthétique des bâtiments… La tour CMA-CGM est plutôt moche, datée.
    Et pour ce qui est des financements, entre cadeaux des élus pour les terrains et financements publics à travers des locations d’immeubles dont personne ne veut…

    Électeur, bien vu de rappeler le coup du siège de la RTM, dont le déménagement laisse “disponible” des terrains très rentables eux, à côté du Parc Borély, à donner aux copains. Où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir…

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  8. Pitxitxi Pitxitxi

    Personnellement, cela m’enchante de savoir qu’on aura un gratte-ciel de moins sur le front de mer. Cette “skyline” est d’une mocheté sans nom et défigure tout Marseille (la “skyline” – mouarf… – est reconnaissable et bien visible depuis le sommet de ND de la Garde et vient gâcher l’environnement de bon nombre de quartiers alentours).

    Sans parler bien évidemment de l’intérêt de tout ceci. Dans un quartier qui accumule les flops (rue de la République, Docks village), pourquoi s’obstiner à vouloir en faire un nouveau Manhattan ou un nouveau Dubaï ? Franchement, ça vous donnerait envie vous de loger/séjourner dans un quartier désert, avec une passerelle autoroutière et à la vue sur la mer la moins intéressante de la ville ? Vous sentez un quelconque engouement pour le quartier de la Joliette, nouvelle place forte de l’économie européenne, the place to be ?

    La folie des grandeurs d’Euromed et de la ville est totalement en contradiction avec les véritables besoins de cette ville, où des quartiers sont totalement isolés faute de transport en commun dignes de ce nom ; où le centre-ville brille par l’absence d’espaces verts même réduits à la portion congrue ; où le mal-logement est une réalité et que des immeubles partent en lambeau à deux pas de l’hypercentre ; où les commerces disparaissent petit à petit du centre-ville à cause de projets périphériques, promus notamment par Euromed ; où… (je vais m’arrêter là).

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