Au sein de la gauche marseillaise, l’union, mais chacun à son rythme

Actualité
le 12 Juil 2019
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Un appel paru jeudi dans Libération proclame le lancement d'un "rassemblement inédit" à gauche en vue des municipales à Marseille. S'il inclut des élus, les partis n'ont cependant pas tous clarifié leur ligne. Et un autre texte, davantage porté par les collectifs militants, est en préparation.

Soirée de lancement de Mad Mars le 7 juin 2019 aux Docks des suds
Soirée de lancement de Mad Mars le 7 juin 2019 aux Docks des suds

Soirée de lancement de Mad Mars le 7 juin 2019 aux Docks des suds

Un “Mouvement sans précédent”. Jeudi matin paraissait dans Libération un appel au “rassemblement inédit” pour les municipales à Marseille. Comme une impression de déjà-vu après celui paru en mai dernier, et nommé “S’unir ou subir”Oui et non. Car cette fois-ci, le texte n’est plus seulement porté par des mouvements citoyens – Mad Mars, Marseille en commun, Réinventer la gauche …-  mais signé par 51 personnalités, dont plusieurs élus, suivies de 600 autres signatures. Il faut donc y voir, selon ledit texte “l’acte de naissance d’un mouvement sans précédent à Marseille”. “Nous ne voulons pas d’un avenir où Marseille reste à jamais la ville de France la plus polluée, la plus embouteillée, la plus sale, la moins bien entretenue, la moins bien gérée. Ne rien faire aujourd’hui, c’est laisser s’aggraver les fractures au sein même de la ville”, clament les signataires.

“C’est le résultat de deux mois de rencontres, de débats, entre politiques, mais aussi avec les collectifs citoyens et des personnalités. Le calendrier n’était pas facile à tenir, mais il y avait nécessité d’envoyer un signal de rassemblement maintenant”, se félicite Sophie Camard. Pour la suppléante de l’insoumis Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale, le texte marque l’ouverture de la plateforme qui pourra amener les forces de gauche jusqu’à l’échéance municipale de 2020 : “On a bien senti qu’il fallait aussi que des politiques ouvrent un espace et fassent le premier pas”. “Enfin, la gauche et les écologistes se rassemblent pour porter l’espoir dans notre ville”, salue aussi le socialiste Benoît Payan sur les réseaux sociaux, tandis que le communiste Jean-Marc Coppola y voit l’espoir que “Marseille [puisse] changer de destin”.

Signatures individuelles ou parti engagés dans l’union

À se pencher de plus près sur la liste des signataires, se dessine une carte de la gauche marseillaise traditionnelle, accompagnée du monde associatif et artistique militant – on notera par exemple les signatures d’Ariane Ascaride et de Robert Guédiguian, habitués de ce type d’engagement. Côté personnalités politiques, on trouve des représentants du PS, de la France insoumise, du PCF, d’EELV, mais aussi de Générations ou de la gauche républicaine et socialiste. Mais ces signatures se font-elles à titre personnel, ou impliquent-elles les partis tout entiers ? Chaque cas est en fait différent.

Côté PCF, pas de doute à avoir, le secrétaire départemental du parti, Jérémy Bacchi signe de sa main, dans la lignée d’un appel à l’unité publié par le PCF fin avril. Pour le parti socialiste, les instances nationales ne se sont pas encore prononcées sur la stratégie à tenir à Marseille et les anciens députés Patrick Mennucci et Henri Jibrayel n’ont pas pris position depuis leur soutien à la sénatrice Samia Ghali, à l’automne dernier. La présence des noms de Benoît Payan et Nassera Benmarnia semble indiquer une tendance à l’union au sein des instances locales, décimées depuis les nombreux départs vers En marche en 2017. Quant à la France insoumise et aux écologistes, les choses sont moins claires.

Indécision chez les “insoumis” et les écologistes

Chez les premiers, après quelques passes d’armes depuis le printemps, Sophie Camard semble bien décidée à prendre le leadership en entraînant son mouvement dans cette union. “On a fait un système de pétition, où on a recueilli 90 signatures de militants très actifs et de différents secteurs, et on a aussi le soutien de trois partis associés à la FI, le Parti de gauche, Ensemble et GRS”, détaille-t-elle, estimant avoir fait la preuve du soutien apporté à sa démarche par la FI locale. Il reste tout de même quelques voix discordantes pour rappeler qu’à ce jour, personne ne s’est vu remettre de mandat pour représenter les insoumis marseillais dans leur ensemble. De plus, “l’attitude de Paris reste équivoque”, glisse un membre du mouvement en off. “Jean-Luc Mélenchon m’a laissé faire, aujourd’hui ce qui est publié rassure le national, et le local. Il n’y aura pas de liste insoumise contre nous, ça c’est sûr, on prendra le temps que chacun s’intègre à son rythme”, promet tout de même Sophie Camard.

Europe écologie – les Verts connaît des atermoiements encore différentes. Si plusieurs signataires du texte sont issus du parti, dont notamment la conseillère départementale Michèle Rubirola, Sébastien Barles, qui oeuvre depuis des mois au projet d’union via Marseille en commun, n’a pas apposé son nom au bas de l’appel. “On a travaillé longtemps sur ce texte, mais au niveau d’EELV, on a décidé de ne pas le signer collectivement, car on considère qu’il est redondant avec S’unir ou subir, et qu’aujourd’hui il faut travailler à des propositions basculantes”, explique-t-il simplement.

Il met en avant le manque de représentants des quartiers populaires parmi les signataires et la nécessité de mettre autour de la table les participants à la marche du climat, comme les jeunes de Youth for climate. En parallèle, il regrette des délais trop serrés pour la publication du texte. “Il était impossible pour nous de consulter les militants en 24 heures. On a beaucoup de respect pour la démarche, on y a contribué et il n’y a pas de raison d’en faire un casus belli“, appuie son camarade Hervé Menchon, qui compte sur une reprise des discussions à la rentrée, après avoir pris le pouls des militants EELV.

Dans les autres organisations, il se murmure que persisteraient au sein d’EELV, arrivé troisième aux européennes à Marseille, quelques tentations pour rejoindre les listes de la République en marche, ainsi que l’indiquait La Provence ces derniers jours. Mais personne ne confirme ouvertement côté EELV. “Il n’a jamais été question d’alliance, balaye Hervé Menchon avant de nuancer son propos. Mais on ne peut pas fermer la porte aux électeurs de Macron en 2017 qui ont été déçus. Et au second tour, il faudra faire barrage au FN, on ne peut pas claquer la porte à tout le monde dès maintenant.” Au niveau national, le conseil fédéral du parti a cependant clairement posé le cadre : “Les partis soutenant le gouvernement actuel, dont la politique environnementale, économique et sociale est incompatible avec l’écologie, n’auront pas leur place sur ces listes. Aucun accord politique ne pourra être signé au nom d’EÉLV avec eux.”

Un “Pacte démocratique pour Marseille” en parallèle

Pendant que certains partis prennent encore le temps d’ajuster leurs violons, une autre démarche unitaire tente d’exister en parallèle, ce qui explique le peu de signatures issues des collectifs citoyens sous le texte paru dans Libé. Le samedi 6 juillet se réunissaient au McDonald’s en grève de Saint-Barthélémy les tenants d’une démarche qu’on pourrait qualifier de plus radicale sur les principes d’une démocratie participative, sous le nom de “Pacte démocratique pour Marseille”. La cinquantaine de personnes présentes, parmi lesquelles Fathi Bouaroua d’Emmaüs Pointe-Rouge, Kévin Vacher du collectif du 5 novembre, y ont discuté de la rédaction d’un autre appel mais aussi d’une campagne participative, reposant sur des agoras de quartier, dans le sillon des états généraux de Marseille (Lire notre article).

“Les états généraux ne doivent pas être aspirés dans la logique électorale, et en même temps, il y a parmi les représentants des quartiers populaires des personnes qui veulent faire partie de cette campagne, précise Kévin Vacher. Le pacte démocratique pour Marseille ce ne sera donc pas seulement les états généraux, mais aussi des gilets jaunes, des militants pour le climat, des gens d’autres couches sociales”. La volonté affichée n’est pas celle de s’opposer à la démarche portée notamment par Mad mars. “La démarche du Pacte est parallèle aux autres, notre rôle est de rassembler la société civile, les quartiers, le mouvement social pour aller vers une campagne démocratique inclusive”, poursuit-il, avant de conclure : “Mais l’idée n’est surtout pas de négocier des places sur les listes”.

Le texte du Pacte démocratique ne devrait en tout cas pas être finalisé et rendu public avant quelques semaines, afin de mûrir la démarche. “La question c’est celle de la méthode, estime Mohamed Bensaada, qui cumule les casquettes FI et syndicat des quartiers populaires de Marseille et penche davantage pour le Pacte démocratique. Derrière l’appel publié [jeudi], on a quand même un cartel de partis. Nous on est investis dans une autre dynamique, avec les principes de la démocratie directe. Si on aboutit à une large concertation qui permet aux assemblées de quartier de participer pleinement au programme et à la stratégie électorale, là, on pourra converger”. Le “mouvement sans précédent” annoncé dans Libé est certainement bien vivant, mais pour l’heure, il avance sur des pas différents.

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Commentaires

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  1. lilicub lilicub

    Un appel dans libé où des cosignataires écrivent: “La situation nous impose de passer aux actes. Car nous sommes certains que Marseille n’est pas condamnée. Ni au clientélisme ni à rester la capitale des retards dans tous les domaines.”
    Une petite exploration biographique de Marsactu aurait permis de constater que parmi ces cosignataires, un nombre non négligeable ont soit concouru à la mise en oeuvre de systèmes clientéliste dans la ville, soit tirés parti des effets de la corruption de leur marchés publics. Un peu de sérieux Marsactu

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  2. Opiniatre Opiniatre

    Au delà de l’événement lui-même qui est inédit et essentiel, et qui a du demander un très gros effort à ceux qui l’ont lancé puis abouti, Marsactu donne une place démesurée aux explications des non-signataires qui sont plutôt faibles (ce qui est son droit bien sûr). Barles rêve de rééditer la merveilleuse aventure Pape Diouf ? Chacun rêve d’une union dont il fixe lui-même les règles ?
    Certains collectifs comme Mad Mars sont très actifs et permettent une réelle régénération de la vie politique mais d’autres regroupent une poignée de personnes autour d’un porte-parole qui défend ses propres intérêts. Une liste doit aussi rassembler des compétences, des gens capables de gérer 1,5 milliard d’euros. Elle doit mobiliser des fonds importants.
    Un texte comme celui-là, signé par des gens aussi représentatifs des collectifs, des personnalités (Langevin, Pujol…), et de la partie hors système des forces politiques est un évènement majeur. C’est la (seule) chance pour que Marseille évite le RN, Vassal ou LREM. Puisse les sectaires de tous bords ne pas l’handicaper.

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    • Raymond Dayet Raymond Dayet

      Pour quelqu’un qui veut prôner le renouveau, je trouve triste et affligeant de commencer par taper sur les collectifs indépendants et non liés à des appareils politiques. Justement, ces collectifs se sont créés pour suppléer l’absence du travail des élus sur le terrain. Leur démarche est saine et ils ont raison de vouloir rester libre. D’ailleurs, il suffit de lire cet article et de faire le tour des signataires pour comprendre: Monsieur Coppola élu PC depuis au moins 20 ans . Monsieur Payan dans les instances du PS depuis des années et anciennement élu sur les listes Andrieux-Guérini. Madame Camard, qui est passée des Verts aux Insoumis et que les militants LFI ne semblent pas vouloir suivre dans cette galère. Madame Benmarnia, ancienne suppléante et attachée parlementaire de Mennucci et aujourd’hui salariée de la fédération du PS. Monsieur Bacchi, patron de l’appareil du PC.
      Quel renouveau! C’est pour ça qu’il est inacceptable et choquant de vouloir faire des procès d’attention aux collectifs citoyens qui ont une démarche désintéressée.

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  3. Sébastien Barles Sébastien Barles

    C’est dingue cette spéculation gratuite sur une connivence, voire même une alliance des écologistes avec LREM. Une motion de cadrage d’EELV votée par le Parlement des verts pose bien le fait qu’aucune alliance avec un parti de la majorité présidentielle ne pourra se faire lors des municipales. CQFD. Merci de cesser de colporter ce type de rumeurs qui portent préjudice à l’image des écologistes.

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    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Bonjour, nous avons ajouté à l’article l’extrait de la motion du conseil fédéral.

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  4. Raymond Dayet Raymond Dayet

    je suis d’accord avec lilicub. Les gens ne croient plus à ce genre d’appel qui revient avant chaque élection. La plupart des gens qui ont signé cet appel sont dans le système politique local depuis des années: le PS, le PC et tous les autres. Je comprends que les vrais militants de LFI n’aient pas envie de se laisser entraîner dans ce genre d’affichage qui les décrédibilise complètement. les vrais collectifs citoyens, ceux qui ne sont pas politisés, n’ont pas signé et ils ont bien raison de garder leur indépendance

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    • christian Nochumson christian Nochumson

      “vrais militants de LFI”? Engagé dans la France Insoumise depuis 2016 je ne savais pas qu’il y avait des vrais et des faux militants. Ce qui est exact c’est que “DES” militants FI sont opposés à ce rassemblement. Singulièrement ce sont ceux trés engagés dans ces “vrais” collectifs. Au passage ces collectifs n’ont fait l’objet d’aucune attaque. Au lendemain des Etats Généraux de Marseille tout le monde a bien compris que leur tempolarité n’est pas la même. C’est donc avec compréhension que nous attendons leur convergence.

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  5. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    C’est marrant, toute tentative d’unification de la gauche à Marseille entraîne toujours une rafale d’excommunications…

    Entre celui qui voit du guérinisme et du clientélisme partout, celui qui estime qu’être passé d’un parti politique à un autre disqualifie l’auteure de tels errements, ou encore que les membres des appareils politiques devraient se cacher, que de commentaires constructifs !

    Je me mets un instant dans la peau d’Yves Moraine et, à la lecture de ces interventions, je me marre.

    Qui peut croire sérieusement que, pour gagner la mairie, la gauche pourra se passer des partis politiques ? On a déjà vu ici ce que donnait une démarche comme celle de Diouf, sympathique, improvisée, brouillonne. Et surtout tardive : il ne reste plus que huit mois avant les municipales. Nous aurions encore deux ans devant nous, je ne suis pas sûr que je tiendrais le même discours… Mais nous n’avons plus deux ans : nous avons la moitié d’une année… ou six ans et demi, ça dépend de l’objectif que l’on se fixe.

    Il faut tout de même trouver 303 noms à mettre sur huit listes, mais aussi des priorités programmatiques et un futur maire crédible. Il n’est plus temps d’attendre, il faut se bouger.

    Il faut espérer que les différentes initiatives qui coexistent actuellement pourront converger, plutôt que chercher pourquoi untel ou unetelle n’est pas qualifié pour parler.

    Pour la clarté, je précise que je ne suis encarté nulle part – sauf dans un syndicat -, que je n’ai aucun mandat électif, que je ne suis ni corrompu, ni corrupteur, mais que je suis signataire de cet appel au rassemblement (pas dans les 51 premiers…).

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    • Raymond Dayet Raymond Dayet

      cher électeur du 8eme,
      je ne doute absolument pas de la sincérité de ton engagement mais tu risques d’être déçu. Et vite!
      La plupart des gens qui s’expriment dans cet article baignent dans le système depuis plusieurs décennies. Pour éclairer nos choix, pour mesurer la sincérité des uns et ses autres, il faut bien s’appuyer sur quelque chose. Or, le moyen le plus objectif reste encore de regarder le parcours de chacun et ce qu’il a fait durant ses mandats électifs. Or, en faisant cet exercice, on se rend compte que dans cette liste, il y a beaucoup d’apparatchics, de gens payés par les partis, des élus qui sont passés d’un parti à l’autre en fonction des moments, des élus qui sont passés d’un secteur à l’autre en fonction des opportunités politiques, des acteurs de la ville comme on dit qui ont largement été subventionnés par les institutions locales, des intellectuels brillants et très respectables qui viennent théoriser à chaque élection… Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg! Bref, ce qui est fatiguant, c’est qu’à chaque fois on nous présente ça comme le renouveau et le début d’une nouvelle histoire. En réalité, c’est comme d’habitude ; on est dans la pure bouillabaisse marseillaise.

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  6. Raymond Dayet Raymond Dayet

    Christian,
    Je n ai pas de doute qu’il n’ ait que des vrais militants à LFI. Je voulais simplement dire que cela ne me parait pas étonnant que beaucoup d entre eux s’étranglent face à la décision de Madame Camard de faire un accord avec le PS de M. Payant qui a travaillé pour Carlotti dans le gouvernement Hollande et de Madame Benmarnia qui été la suppléante de Mennucci . Il y a des couleuvres dures à avaler!!

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  7. Mars1 Mars1

    Oui mais alors, que faire ? Attendre Mélenchon ? Ne compter que sur les collectifs qui préfèrent la démocratie directe ? Eliminer tous les acteurs politiques connus depuis des années ?
    N’oublions pas qu’à la fin, il y aura des noms sur des bulletins de vote et qu’il faudra convaincre les électeurs de choisir les candidat.e.s qui veulent un vrai changement pour cette ville. Dur labeur en perspective…

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