Après son abandon, le parc Foresta enseveli sous les gravats

Info Marsactu
le 28 Août 2023
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Terrain privé ouvert au public pendant plusieurs années, le parc du 15ᵉ arrondissement est actuellement à l'abandon. En attendant qu'il trouve une nouvelle fonction, des sociétés de terrassements déversent chaque jour des tonnes de gravats sur le site protégé. Une grande partie de ces opérations se fait hors de toute légalité.

Des camions viennent décharger le contenu de leur benne en toute illégalité. (Photo = N.C)
Des camions viennent décharger le contenu de leur benne en toute illégalité. (Photo = N.C)

Des camions viennent décharger le contenu de leur benne en toute illégalité. (Photo = N.C)

Depuis plusieurs mois, le parc situé au bas des lettres “Marseille” ressemble à un immense terrain vague de 16 hectares. Les alentours sont déserts. À l’entrée de ce parc privé, une petite pancarte indique “chantier interdit au public”. Jusqu’à récemment, Foresta était un lieu de loisirs et de promenade pour les habitants du quartier. On y croise aujourd’hui quelques rares visiteurs peut-être pas au fait du changement de statut des lieux. Et surtout, un flux continu de camions qui entrent et sortent. Ils se dirigent tous au même endroit pour déverser le contenu de leur benne, qui peuvent contenir jusqu’à 17 tonnes. Lundi 21 juillet dernier, en un peu moins d’une heure, Marsactu a pu observer plus d’une dizaine de camions décharger des gravats sur le site.

Géraldine Billon, une habitante du quartier, témoigne : “Chaque jour, on assiste à un bal de camions, ils abîment le site sans que personne les en empêche”. Sur place, les véhicules arrivent par le rond-point qui mène au centre commercial du Grand littoral. Ils entrent en file indienne sur le site Foresta chargés de contenus inconnus. Les camions traversent tout le parc en longeant les restes de ce qui était auparavant un jardin pédagogique, un hameau et un ring de boxe ouverts au public. Sur leur route, la terre se soulève et laisse une pellicule de poussière qui blanchit l’ensemble de la végétation autour.

Les véhicules continuent leur chemin pour finalement s’arrêter à l’opposé de Grand littoral, au niveau du promontoire, pour déverser le contenu de leur benne juste à la limite du parc municipal Antoine Brégante, situé en contrebas. Le secteur est une zone protégée et boisée. Pourtant, on peut désormais y voir des gravats de différentes couleurs et de provenances inconnues polluant le site.

Deux décharges qui débordent

Selon Eric Méry, conseiller municipal délégué à l’urbanisme, les déversements ont commencé il y a deux mois et concernent deux endroits différents du site. “Dans un premier temps, une demande a été réalisée en bonne et due forme par la société Sud terrassement pour recouvrir des parcelles situées du côté du centre commercial Grand Littoral”, commence l’élu.

Près du Grand littoral, les camions terrassent en continu le site. (Photo = NC)

La société prévoyait en mars 2023 de “nettoyer les dépôts sauvages” et de “mettre en valeur le site de façon paysagère sur 34 000m²”, comme on peut le lire sur la demande d’autorisation de travaux. Sur ce même document, on lit que “le nivèlement du terrain sera réalisé en terre inerte sans dépasser les 1,9 mètre d’exhaussement”.  Mais il suffit de passer devant pour observer que les montagnes de terres font en réalité 5 à 6 mètres. À ce propos, Eric Méry assure avoir dressé un procès-verbal contre Sud terrassement au début du mois d’août. Les camions continuent pourtant de défiler.

Interrogé au sujet du procès-verbal que la société a reçu pour avoir dépassé la limite de terrassement autorisée, le directeur de l’entreprise, Mehdi Boushaba, assure être en règle. Il reste vague sur la provenance des bennes, et explique “que si quelque chose ne va pas, [il] fera le nécessaire pour changer”. Il explique que la construction d’un “lieu événementiel” est prévue à terme dans cette zone et qu’une large partie du parc “va être nivelée” dans ce cadre. Mehdi Boushaba atteste par ailleurs que les conditions de travail sur le site sont compliquées par la présence d’autres acteurs non autorisés : “c’est l’anarchie ici et tout le monde veut en profiter. On a reçu beaucoup de menaces et depuis, on vient au travail avec la peur au ventre” s’émeut-il.

Dépôts illégaux

Car c’est sur une autre partie du parc que la situation est plus floue. Le conseiller municipal reprend : “Dans un second temps, d‘autres camions ont changé de cap pour s’arrêter sur les hauteurs du parc Brégante, cette fois sans autorisation du tout. Dans ces bennes-ci, la présence de déchets polluants est certaine”, détaille-t-il. Eric Méry assure qu’un second procès-verbal a été déposé pour sanctionner ces pollueurs et qu’il envisage de saisir la procureure de la République. Mais malgré les démarches de la Ville, les camions ne cessent pas leur manège.

Du promontoire du parc Foresta, des camions déchargent leurs bennes à la limite du parc Brégante. (Photo : Nina Cardon)

Marsactu s’est entretenu avec plusieurs personnes à l’œuvre sur la parcelle qui longe Grand littoral. L’un d’eux évoque des désaccords entre les conducteurs de Sud terrassement et ceux des autres sociétés que l’on voit défiler. “On a tenté de mettre un cadenas à l’entrée du parc, mais il a été cassé. Puis, on a mis quelqu’un pour surveiller le promontoire et des élus sont venus sur place”, se souvient-il.

“Zone de non-droit”

Lydia Frentzel, conseillère municipale des 15e et 16e arrondissements, est bien au courant du sujet, elle assure avoir “alerté [ses] collègues depuis deux mois” mais s’être retrouvée “face à un mur”. “On sent que ça commence enfin à bouger”, nuance-t-elle. En deux mois, ce sont au minimum des milliers de tonnes de terre qui ont été déversés dans le parc illégalement. L’élue craint que ce “poumon vert devienne une zone de non-droit où tout est réduit à néant pour de l’argent”. Elle met en cause la responsabilité du propriétaire du terrain, Gurvan Lemée. Ce dernier n’a pas souhaité répondre aux sollicitations de Marsactu.

Ces dernières années, le terrain de Foresta, situé entre le centre commercial du Grand littoral et le Plan d’aou (15ᵉ arrondissement), a connu plusieurs péripéties documentées par Marsactu. Aucune construction n’y est possible, le sol n’est pas assez solide et se trouve donc classé inconstructible par le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). La gestion de Foresta a été confiée à l’association Yes we camp entre 2016 et 2022 et les traces de la présence de l’association sont encore visibles. On aperçoit sur place des cabanons abandonnés, des banderoles déchirées et les débris d’un terrain de jeu pour enfants.

Cet été, le parc Foresta a connu deux incendies consécutifs qui ont abîmé la végétation. Les conteneurs qui abritaient les ateliers ont aussi été pillés par des opportunistes. En voisine attentive, Géraldine Billon s’inquiète pour le futur du lieu : “avec plusieurs habitants, nous portons un projet de réhabilitation du site. Si on nous vole tout, il faudra tout recommencer de zéro, ça va être plus compliqué, mais on le fera”.

Un avenir en point d’interrogation

Le but initial de Yes We camp était de créer un espace pour les habitants du quartier tout en maintenant une “culture commune autour de la question de l’écologie du parc et de ses enjeux” selon le plan de gestion élaboré par la même association. Mais, comme dans tous ses projets, Yes we camp s’est inscrit dans un cadre temporaire. L’organisme passe la main à des acteurs locaux organisés en association en 2022. Mais la direction de l’organisation est confiée à Rim Mathlouthi, amie du propriétaire, qui expliquait déjà en juin dernier à Marsactu être “en train de préparer la fin de l’association Foresta”. C’est désormais chose faite. Selon des documents que Marsactu a pu consulter, l’association Foresta a été dissoute le lundi 7 août dernier.

La maire des 15/16, Nadia Boulainseur avait parlé de sa volonté de récupérer le parc dans le giron municipal. Ce qu’elle a réaffirmé en juin à Marsactu. Reste à entrer en discussions avec le propriétaire. Est-ce que cela règlerait tous les problèmes de gestion en cours ? “Je ne sais pas, ils ont tout foutu en l’air, déplore Lydia Frentzel. Si la Ville prend la gestion de la zone, il faudra de nouveau enlever la terre déposée. Il sera peut-être déjà trop tard pour la nature”.

Dans un diagnostic écologique dressé en 2022 par l’association Yes we camp, la biodiversité importante du parc était mise en avant. On y trouve de nombreuses variétés propres à la faune et la flore régionales. Deux animaux y sont sous le statut particulier “d’espèces remarquables” : les hiboux petit-duc et les couleuvres de Montpellier. Foresta est par ailleurs identifié comme une coulée verte à “vocation sportive ou de loisirs” selon le PLUI. Il n’a en revanche jamais été prévu d’y accueillir une décharge.

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Commentaires

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  1. Richard Mouren Richard Mouren

    Je ne comprends pas tout dans cet article qui mélange un peu tout. Une seule vraie question: les décharges sont-elles autorisées, par qui et pour quel volume? Si tout ou partie de cette décharge n’est pas autorisée, elle est donc illégale. Comment se fait-il alors que l’autorité concernée ne porte pas plainte devant la justice en demandant l’appui de la force publique pour faire cesser l’infraction? Les amendes, la société concernée semble s’en moquer complètement: elles rentrent dans les frais d’exploitation dans la mesure où elles sont payées. D’autant plus qu’elles ne représente que peanuts en comparaison des bénéfices d’une décharge sauvage.

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    • MarsKaa MarsKaa

      Même reflexion à la lecture de l’article. Si c’est illégal, que font la police, la justice, la municipalité ? Pourquoi les élus interrogés semblent ils dépassés, incapables d’agir immédiatement ?
      Est-ce que le statut de terrain privé y est pour quelque chose ? (Si le propriétaire ne se plaint pas…)

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  2. Fabienne Fabienne

    Apolcalyptique. Avec en bonus le paquebot derriere qui crache bien.

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  3. kukulkan kukulkan

    mais quel scandale ! pour qui était déjà allé voir le parc et les installations au succès grandissant c’est une perte énorme, comment la ville a t elle pu laisser le projet dépérir ??? expropriation !

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  4. Pascal L Pascal L

    ” la responsabilité du propriétaire du terrain, Gurvan Lemée. ”
    Comme propriétaire, il y a aussi Xavier Giocanti, non ? Il a vendu ses parts ?

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    • Christian Stouvenot Christian Stouvenot

      Bonjour a tous,
      Concernant la question de légalité de ces dépôts, il conviendrait de vérifier s’ils ne font pas l’objet d’une procédure d’échange de terres entre chantiers voir explications sur https://ssp-infoterre.brgm.fr/fr/application/terrass … sans doute que non !

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  5. Mars, et yeah. Mars, et yeah.

    Absence de contrôle du propriétaire du terrain + absence de contrôle des maîtres d’ouvrages propriétaires des déblais évacués + soutien politique à un projet fumeux + choix des prestataires les moins chers = ça.

    Sud Terrassements n’est qu’un terrassier / transporteur : l’argument de son DG disant qu’il “va aménager” est mensonger (faut un permis d’aménager sur une telle surface), idem pour sa promesse de “[régler le problème]” s’il y a des déchets inappropriés (ce qui est forcément le cas).

    Bref, des maîtres d’ouvrage peu scrupuleux propriétaires des déblais / déchets ainsi “évacués” (la loi du moins-disant) ont recours à un prestataire sans aucun scrupule, et tout ce petit monde agit en sachant qu’ils ne risquent rien puisque personne ne contrôle rien. Bravo les bandits, sur toute la chaîne de valeur.

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  6. Alceste. Alceste.

    Certains ici se demandent ce que fait la mairie, en la matière,la réponse est rien,nibe,nada,niente.
    En revanche cette semaine deux gros soucis pour Payan et son orchestre qui en etaient visiblementémus:.le couscous géant annulé ainsi que le baleti de la Plaine.
    Révélateur des priorités du PM, en revanche la liste des assassinats, s’en fouti.

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    • gastor13 gastor13

      On ne peut pas être d’accord avec vos propos. Payan et sa clique ne restent pas inactifs face à ce problème.. Ils tweetent !!! Mais pour l’instant ils le font mollement car ils cherchent comment mettre cela sur le compte de la Métropole…

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  7. Richard Mouren Richard Mouren

    Il serait intéressant que Marsactu suive le dossier et nous tienne au courant……

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  8. Christian Amiraty Christian Amiraty

    Bonjour

    J’ai une très bonne expérience dans la lutte contre ce phénomène de dépôts massifs issus de terrassements ou/démolition.

    Nous serons tout d’abord d’accord sur le fait que ce n’est pas seulement le petit artisan qui dépose là mais que nous sommes à l’échelle d’une massification qui nous fait regarder vers les grands chantiers Marseillais et de la périphérie marseillaise.

    Voici, à mon sens, la démarche à conduire qui doit fortement impliquer et mobiliser la police et la Commune. Je précise que cette proposition qui n’a pas l’ambition de donner des leçons mais qui est issue d’expérience territoriale vécue à la fois dans les constats et dans les moyens mis en œuvre.

    Tout d’abord l’identification de tous les camions et de leurs chauffeurs se rendant sur le site.

    Cette identification doit se réaliser encadrée par la police au moins 12 heures par jour. aux entrées et sorties des camions.

    Il va en résulter que nous aurons souvent à faire à (pas toujours) à des camions loués conduits par des chauffeurs locataires qui travaillent à la tâche et qui refuseront souvent de donner l’identité des commanditaires et de prouver pièce à l’appui l’origine de ces commandes.

    Il conviendra alors de placer en discrète filature les camions qui défilent et monter un dossier étayé pour saisir la justice

    Enfin, on se rendra compte de l’origine des chantiers et l’on se mettra en relation avec ces entreprises souvent des entreprises majors et même des collectivités territoriales qui ne réclament pas les bons de décharges dans des lieux de recyclage spécialisés.

    Vous l’avez compris les entreprises de terrassement facturent à leurs clients cités plus haut, déversent dans la nature et se mettent directement dans la poche l’argent consacré à ce recyclage.

    Mais cet argent là est également ensuite utilisé pour être plus compétitif sur les appels d’offres publics ou des mises en concurrence dans le secteur privé.

    La concurrence devient déloyale avec les entreprises qui respectent la Loi. C’est un système mafieux tenu par des délinquants qui ont gangrené en grande partie ce secteur d’activité.

    Soyons conscients que s’attaquer à ce dossier c’est se confronter à un système mafieux. Ceci vous donnera mieux la dimension des moyens à mobiliser Républicains à mobiliser

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    • Oreo Oreo

      Comme c’est dans les quartiers nords, tous s’en foutent… Elle est où Mme la première adjointe là, celle qui veut envoyer l’armée pour les dealers, elle ferme les yeux sur les benneurs ?

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    • Moaàa Moaàa

      Donc si je vous lis, derrière se cacheraient de gros promoteurs et par là des élus ? Ghali qui s’en mettrait plein les poches avec les propriétaires ?

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  9. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Marseille, zone de non-droit partout, des trottoirs squattés par les délinquants automobiles aux terrains libres squattés par les délinquants de l’environnement. Et des autorités locales qui regardent, se lamentent et ne font rien.

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    • Alceste. Alceste.

      Vous oubliez les délinquants trotinettistes et velocipedistes qui emboucannent les trottoirs .

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    • Syol Syol

      Pour les trottoirs ajoutons les deux roues motorisés !
      Et puisqu’on en parle ajoutons tous ces deux roues motorisés aux pots trafiqués qui font un boucan infernal de jour comme de nuit, empêchant les gens de dormir.
      C’est le maire qui est censé agir contre ces atteintes à la tranquillité publique, la police municipale est de plus en plus invisible à Marseille.
      Quand on va dans d’autres villes (les vacances en donnent l’occasion) on voit des polices municipales au travail !

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  10. Tarama Tarama

    Yes We Camp, il y a un lieu où ils sont passés qui ait bien tourné ?

    Moi à leur place, j’en aurais marre de vendre de la poudre aux yeux à tout le monde.

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    • Alceste. Alceste.

      Pourquoi se gêneraient t’ils, à chaque fois les quiches politiques locales plongent.

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    • Patafanari Patafanari

      Yes we décamp. Take the money and run.

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    • polipola polipola

      Ah je l’attendais celle-là, elle est si facile. Mais puisque vous avez l’air de tout savoir, racontez-nous vous, ce qu’il s’est passé là-bas pendant que yes we camp y était, ça m’intéresse.

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  11. Christian Stouvenot Christian Stouvenot

    Bonjour a tous,
    Concernant la question de légalité de ces dépôts, il conviendrait de vérifier s’ils ne font pas l’objet d’une procédure d’échange de terres entre chantiers voir explications sur https://ssp-infoterre.brgm.fr/fr/application/terrass … sans doute que non !

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  12. Haçaira Haçaira

    Marseille, la Gotham City du sud

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  13. Andre Andre

    Des actions illégales, des pouvoirs publics qui réagissent mollement… Rien que de très normal, car ça concerne les quartiers Nord. Je serais curieux de voir la réaction des pouvoirs publics si ces bennages se faisaient vers les Plages, par exemple.
    Le commentaire de Chtristian Amiraty est très intéressant car il donne l’ampleur du problème et décrit les mesures à prendre qui sont sans commune mesure avec les réactions symboliques de la municipalité.
    Mais il semblerait que, pas plus que les quartiers N, les espaces verts n’intéressent cette équipe municipale. La municipalisation pourrait être une solution à terme si les services adéquats étaient structurés pour gérer efficacement ces espaces, ce qui est loin d’être le cas.
    En attendant, il y a urgence. Méry, Payan, bougez vous, assumez vos responsabilités !

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