Après des années d’errements, la Ville de Marseille veut reprendre en main les bibliothèques

Actualité
le 19 Oct 2022
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La Ville lance une enquête administrative sur les faits présumés de harcèlement dans les bibliothèques, en parallèle d'une saisine de la justice. Le cadre qui serait à l'origine du mal-être au travail est suspendu de ses fonctions managériales.

Après des années d’errements, la Ville de Marseille veut reprendre en main les bibliothèques
Après des années d’errements, la Ville de Marseille veut reprendre en main les bibliothèques

Après des années d’errements, la Ville de Marseille veut reprendre en main les bibliothèques

Par leur nombre et leur qualité, les messagers comptaient plus que le message qu’ils portaient. Ce vendredi, les agents des bibliothèques de la Ville ont reçu la visite d’un aréopage inédit : deux élus, Olivia Fortin et Jean-Marc Coppola, le directeur général des services, Didier Ostré, deux directeurs généraux adjoints, le directeur des ressources humaines et la directrice des affaires culturelles. “Je peux vous dire que les agents n’avaient jamais vu ça auparavant, se félicite l’élu à la culture. Cela montre que ce sujet est pris en main au plus haut niveau.” La réaction municipale est à la hauteur du mal-être au travail qui règne dans la maison depuis plusieurs décennies. Et la maison brûle par plusieurs bouts.

Enquête préliminaire en cours

Les policiers de la PJ ont commencé des auditions dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte en mars dernier pour des faits présumés de harcèlement moral. Elle fait suite à une saisine du procureur par Pierre Chagny, le directeur des bibliothèques. Ce dernier avait saisi la Ville dans le cadre d’une alerte éthique, en déposant un imposant dossier quasi intégralement consacré à Patrick Casse, délégué FO, cadre de l’Alcazar. Il serait l’auteur désigné de nombreux faits de harcèlement, mais aussi d’interventions dans la promotion – ou pas – des agents des bibliothèques.

À son tour, la Ville a saisi la justice “au titre de l’article 40”, indique Olivia Fortin, dans le cadre d’un point-presse avec Jean-Marc Coppola. L’article 40 impose à tout fonctionnaire, témoin de faits délictueux, de les dénoncer à l’autorité judiciaire.

Enquête administrative… de l’extérieur

Le deuxième étage de la fusée consiste dans le lancement d’une enquête administrative, “confiée à un avocat, qui n’est pas de Marseille”, indique l’adjointe déléguée à la modernisation de l’action publique. L’élue justifie ce recours par la nécessité de poser un regard neutre sur le fonctionnement du service. Ce choix conforte directement Pierre Chagny, dans la défiance qu’il exprimait vis-à-vis de sa propre hiérarchie, compte tenu des “appuis et protections” dont bénéficierait son subordonné au sein de la haute administration.

“C’est notamment en raison de ces appuis et protections, dont certains perdurent encore aujourd’hui, et ce de manière manifeste, que je n’ai pas souhaité —comme le permet le dispositif d’alerte éthique— transmettre ce dossier à la chaîne hiérarchique.”

Par ailleurs, cette enquête est assortie de mesures conservatoires concernant Patrick Casse, en attendant l’issue de cette enquête. Celui-ci est suspendu de ses fonctions managériales et reclassé à la direction des affaires culturelles, au moins jusqu’à son départ à la retraite, annoncée pour la fin de l’année. Cette mise au placard est une manière à l’inciter à ne pas demander de maintien en poste au-delà de cette date.

Concernant l’actuel directeur des bibliothèques, Pierre Chagny, l’adjoint à la culture n’a pas souhaité se positionner à ce jour sur la prolongation de son détachement. Conservateur d’État, il avait accepté de prendre ce poste où de nombreux prédécesseurs ont fait long feu en 2018. Son détachement doit être renouvelé au printemps prochain. Jean-Marc Coppola avait répondu plutôt vertement aux fonctionnaires de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), venus auditer le réseau marseillais de lecture publique alors que ces derniers l’exhortaient à soutenir Pierre Chagny et à pousser dehors, Patrick Casse. Pour l’heure, les deux cadres sont en arrêt maladie.

Au lendemain, de cette annonce, la CGT a publié un communiqué dans lequel elle regrette le délai de la réponse municipale : “Le contenu de l’alerte éthique est connu de toute la ligne politico-administrative depuis novembre 2021. Pourquoi avoir attendu et perdu plus d’un an avant de lancer une enquête administrative dont les résultats ne seront connus qu’après le départ à la retraite du cadre en question ?” Le syndicat appelle une nouvelle fois à conforter le directeur des bibliothèques, par ailleurs lanceur d’alerte.

Relancer le projet culturel et scientifique

La communication municipale en direction des agents ne s’est pas bornée aux seules réponses apportées au mal-être au travail. Outre les cellules d’écoute et le rappel des procédures en cas de harcèlement, la Ville entend rassurer sur la priorité qu’elle veut donner à la lecture publique dans sa politique culturelle. “Il faut se souvenir que la précédente majorité n’a plus remplacé les départs à la retraite de 2017 à 2020, justifie Jean-Marc Coppola. Depuis notre arrivée, nous avons repris les recrutements, rouverts deux bibliothèques fermées et nous allons continuer à recruter“. Les deux-tiers des 39 postes ouverts en 2022 ont été pourvus, selon Olivia Fortin.

De son côté, Jean-Marc Coppola fait siens les chiffres avancés par le cabinet chargé d’une assistance à maîtrise d’ouvrage, demandée par Pierre Chagny. Celle-ci fixait à 90 le besoin d’agents supplémentaires pour offrir un service à la hauteur des enjeux, auquel s’ajoute le remplacement de 90 autres agents qui doivent quitter la Ville d’ici 2025.

Des recrutements sans objectifs chiffrés

Sa collègue, Olivia Fortin ne va pas aussi loin dans les objectifs chiffrés. “Il ne s’agit pas seulement de recruter, mais d’offrir un environnement de travail qui donne envie de rester, explique-t-elle. La raison de mon engagement en politique est de donner à nos agents le pouvoir d’agir.” L’élue du printemps marseillais entend donc placer ce service dans le cadre de la réforme en cours, “la plus grande transformation d’une collectivité territoriale en France“.

Il reste que les bibliothèques restent un lieu particulier, avec des compétences spécifiques où l’État a aussi son mot à dire compte tenu des missions de service public qu’il confie à Marseille. Jean-Marc Coppola doit prochainement rencontrer la ministre de la Culture, pour discuter du contrat territoire lecture, adopté en 2015 par le conseil municipal et censé permettre à la Ville d’obtenir des financements d’État à ses projets. “J’ai voté ce plan en 2015 et rien n’a été fait par la suite, commente l’élu communiste. Il s’agit pour nous de construire le projet scientifique et culturel dont les bibliothèques ont besoin.

Sur la table des discussions avec l’État, figure le détachement de conservateurs d’État. La dernière en poste est partie, car elle estimait ne pas avoir les moyens de mener à bien ses missions de préservation des fonds précieux. Jean-Marc Coppola souhaite que le ministère reprenne le détachement de fonctionnaires comme cela était l’habitude avant que Marseille devienne le repoussoir des bibliothécaires de France.

Actualisation le 20 octobre à 11 h 34 : ajout de la réaction de la CGT

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    La mairie avec cette nouvelle situation officialise un état de fait ,celle d’un type qui était payé a rien foutre.
    Va t’il d’ailleurs continuer a toucher ses primes qui,comme il se ventait d’êtres les plus élevées ?.

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    On voit là la conception des services publics de Gaudin et son gang, qui ont laissé pourrir les bibliothèques comme ils ont laissé pourrir les piscines, les gymnases, les écoles et les transports. Tout ça, c’est pour les pauvres. Les autres vont au CNM, prennent leur voiture, mettent leurs minots chez les jésuites et achètent leurs bouquins.

    Le seul intérêt des services publics est donc de permettre d’employer des copains et des coquins sous-qualifiés.

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    • Lissia Lissia

      Cher Electeur du 8ème, vous confondez la notion de “service public” avec l’usage que certains en font.

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  3. Lissia Lissia

    Ah c’est beau comme l’antique ! Rien que le premier paragraphe, c’est déjà du grand art journalistique ! On pourrait croire que cette situation est prise en main toutes affaires cessantes ? Mais, au fait, ça durait depuis combien de temps ?
    En fait, on raccroche les wagons comme on peut tout en donnant l’impression qu’on est à la pointe du combat …
    J’invite cordialement M. Gilles à se reporter à mes commentaires des 8 et 9 septembre et à sa réponse du 8 septembre 2022, article : “Enquête ouverte pour harcèlement moral dans les bibliothèques de Marseille”.
    Et sur ce, je me replonge dans cet article qui débute sur le mode du plus haut comique !

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  4. Lissia Lissia

    Et après lecture, on comprend bien que tout ce qui a trait aux moyens et à la relance du “projet culturel et scientifique” ne visent qu’à noyer le poisson. On ne saura donc jamais pourquoi “de nombreux prédécesseurs ont fait long feu”….
    Enfin, restons positif : puisque cette affaire semble avoir ouvert les yeux de la Ville et qu’elle a ouvert des “cellules d’écoute et le rappel des procédures en cas de harcèlement”, espérons que ces personnels n’auront plus besoin d’en venir aux procédures de lanceur d’alerte pour être, sinon entendus, du moins écoutés.

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  5. B Filippi B Filippi

    En définitive, le lanceur d’alerte, on le vire ou pas?

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  6. Alceste. Alceste.

    Ce qui est vraiment gênant dans cette affaire , c” est que Payan et Fortin viennent de re-découvrir l’Amérique.
    Ils font les cow-boys à un mois et demi de la retraite de l’ intéressé alors que tout le monde savait ce qui se passe à la “Ville” ( il suffit de lire Marsactu à cet effet depuis des années) et surtout après avoir reconduit Rué et son orchestre en toute connaissance de cause.
    J’appelle cela de la politique politicienne, en bon français, c’est de la malhonnêteté intellectuelle.

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  7. eolienne eolienne

    C’est le passé qui dure depuis plus de trois décennies. Parlons-en ! L’ambiance délétère était déjà en place avec le pouvoir de FO et sa protection de Patrick Casse, comme d’autres salariés de la ville. Ainsi ce poulain a pu accroitre ses nuisances avec les années, soutenu par les hiérarchies diverses et successives. Merci au directeur actuel d’avoir alerté les diverses autorités et aux élus de prendre enfin les plaintes au sérieux et de saisir la justice. Avant l’ouverture de l’Alcazar une enquête avait déjà été diligentée par la médecine du travail de la ville, déjà à cause de la souffrance du personnel, ….sans suite probante. Que la justice fasse son travail sérieusement. Espérons que nos élus et responsables en tireront les conclusions pour l’avenir. Il est temps d’ouvrir une nouvelle page d’histoire de la lecture publique à Marseille et de la conservation de son fonds de conservation. Tous deux le méritent bien

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  8. Jeanne 13 Jeanne 13

    Enfin après différentes pressions et articles de presse la municipalité a fini par enclencher des mesures
    Énormément de retards dans le traitement de ce problème
    Beaucoup trop de souffrance au travail des agents de dysfonctionnements internes à tous les niveaux
    Des enquêtes à rallonge qui ont amené à des préconisations non suivies jusqu’à aujourd’hui
    A se demander si la mairie n avait pas du mal à respecter ses promesses de campagne de fin de la congestion et du clientélisme avec FO pourtant cette affaire est le symbole qui aurait permis de montrer enfin un début de réel changement
    1 an de retard !
    Espérons que le changement des pratiques va enfin commencer
    Et que la politique culturelle musées bibliothèques va enfin pouvoir se développer sereinement avec des moyens humains à la hauteur des besoins
    Dommage qu il ait fallu saisir la justice pour que les choses commencent enfin à bouger du côté de la municipalité
    Une sanction disciplinaire aurait dû être engagée dés le lancement de l alerte
    Le lanceur d alerte n a pas du tout été protégé et le non renouvellement de son contrat en est la preuve

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    • Patafanari Patafanari

      Sous la couronne de fleurs du Printemps Marseillais, le front de taureau du bébé Guerini. « On est jamais excusable d’être méchant, mais il y a quelque mérite à savoir qu’on l’est ; et le plus irréprochable des vices est de faire le mal par bêtise. »

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  9. didier L didier L

    Cela ressemble à une ” opération de sauvetage en urgence” mais c’est triste pour cette ville, car cette situation existe depuis pas loin de 20 ans, la plupart des professionnels en lecture publique recrutés lors de l’ouverture de l’Alcazar sont partis au fil de ces années, démissionnaires ayant trouvé ailleurs des conditions de travail et un relationnel décents.. Le PM est en place depuis 2 ans et la personne en question part à la retraite dans 3 mois, avec sans doute une bonne pension. Tout est dit ! Cette ” démarche” des élus est purement symbolique, le mal est fait, avec FO en coulisse protecteur de la personne en question. Cette histoire marseillaise est tellement énorme et grotesque qu’il fallait bien, au PM ” faire quelque chose”. C’est bien tard … in extrémis dirions nous !!

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  10. Alceste. Alceste.

    Une chose s’impose face à la Métropole, FO , la RTM, les Poubelles, RDT 13 et le reste des plaies qui touchent notre ville
    Une messe d’action de Grâce est absolument nécéssaire comme au temps de la peste de 1720 pour conjurer tout ceci ,et si cela ne marche pas reste le maraboutage.

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      Et puisque nous parlons bibliothèques, organisons un autodafé

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  11. diasdominique diasdominique

    “lancement d’une enquête administrative, “confiée à un avocat,
    qui n’est pas de Marseille”, indique l’adjointe.”
    Normalement c’est l’IGS inspection générale des services qui fait ces enquêtes.
    On a enfin un désaveu de la sinistre IGS dont le palmarès doit être souligné, pour avoir laissé trainer cette alerte éthique des bibliothèques, laissé trainer les problèmes dénoncés au parc auto, fait décapiter la DPGR sans explication et malmené nombres de situation de RPS risques psychosociaux. On est nombreux à s’en réjouir !

    Bon après “un avocat qui n’est pas de Marseille” je trouve ça complètement excessif. Tous les avocats locaux ne sont pas malhonnêtes !

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  12. Zorro13 Zorro13

    Cela sent quand même le minimum minimorum de la part de la majorité municipale, avec le couteau de la justice sous la gorge, espérant limiter la casse de l’opinion publique déjà largement consommée, après celle tout en faux semblant de Casse. On est bien loin de l’éthique politique vertueuse et courageuse revendiquée haut et fort en 2020 dans l’euphorie des élections municipales, et cela laisse supposer d’obscurs et inavouables arrangement avec le co-gestionnaire qui s’est donc révélé parfaitement incontournable. Et s’il n’y avait que les bibliothèques affectées par ce syndrome qui déshonore Marseille …

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  13. Zorro13 Zorro13

    On attend à présent de la part de la municipalité un acte fort et impactant, qui ne laisse plus planer le moindre doute sur les véritables intentions politiques des élus que nous avons crus et adoubés il y a 2 ans et demi : la reconnaissance explicite de la valeur professionnelle, du courage et de l’exemplarité du directeur des bibliothèques pour avoir été au bout de sa démarche de lanceur d’alerte, alors qu’il savait les risques encourus. Cela commence par la reconduction de son détachement par le biais d’une intention exprimée sans réserve et sans délai. Voilà qui sera indiscutablement concret et cohérent. Allez, on vous attend chers élus !

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  14. Zorro13 Zorro13

    Et bien sûr en tout premier lieu des mesures radicales de protection de Pierre Chagny en tant que lanceur d’alerte doivent être prises de manière visible et incontestable. Leur absence à ce ce jour fait cruellement défaut et jette le discrédit sur la ville qui n’a toujours pas assumé sa responsabilité légale en la matière.

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  15. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    Coppola doit absolument prendre le taureau par les cornes et faire ce ménage dans les bibliothèques, mais aussi au conservatoire, dans les musées et à l’opéra. N’oublions pas que les suppôts de la Vassalie dans ces établissements ont raconté à qui ont bien voulu les croire que les affreux gauchistes fermeraient tous les établissements culturels s’ils gagnaient l’élection

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  16. pm2l pm2l

    Ce que l’on lit en filigrane dans cet article c’est que le pouvoir de nuisance de FO qui plombe cette ville et la tire vers le bas depuis des décennies est toujours bien en place. Si nous avions pu nourrir quelques espoirs à l’avènement du Printemps, les voilà évanouis. Nul doute que Rué va bientôt laver son image à grand coup d’affiches dans le métro nous imposant à nouveau l’image de la médiocrité satisfaite.

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