À Martigues, des locataires du bailleur municipal se battent contre les punaises de lit

Actualité
le 10 Août 2023
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Des habitants de la résidence des Quatre-vents se mobilisent pour dénoncer leurs conditions de vie et pointent l'inefficacité des actions de la Semivim, bailleur social de la Ville de Martigues, dans sa lutte contre la présence du nuisible.

Des locataires de la résidence des Quatre-vents à Martigues sont obligés de jeter de leur literie, infestée par les punaises de lit. (Photo : ML)
Des locataires de la résidence des Quatre-vents à Martigues sont obligés de jeter de leur literie, infestée par les punaises de lit. (Photo : ML)

Des locataires de la résidence des Quatre-vents à Martigues sont obligés de jeter de leur literie, infestée par les punaises de lit. (Photo : ML)

En ce début du mois d’août, une famille s’apprête à emménager dans la résidence des Quatre-vents à Martigues, gérée par la Semivim, le bailleur social de la Ville. Valises à la main et sourire aux lèvres, le couple et leur enfant font leur entrée dans le bâtiment G3. À l’ombre de l’immeuble, leurs nouveaux voisins ne partagent pas le même enthousiasme. “Ça se voit qu’ils ne savent pas dans quoi ils s’embarquent”, souffle une mère de famille présente depuis près d’un quart de siècle dans ces murs.

Il y a quelques années, les punaises de lit y ont fait leur apparition. “Au début, il n’y en avait pas beaucoup ou les gens ne savaient pas ce que c’était”, se remémore l’habitante. Mais aujourd’hui, l’infestation s’est répandue et touche maintenant plusieurs habitations des 14 immeubles et 245 logements qui composent la résidence. Dans une réponse écrite à Marsactu, la Semivim confirme que 15 logements ont été traités depuis le début de l’année 2023. Les habitants souhaitent toutefois exposer au grand public leurs difficultés au quotidien et montrent en exemple des photos de leurs jeunes enfants couverts de piqûres.

Cafards et punaises à l’emménagement

Lassés de cette situation, plusieurs locataires ont décidé de se regrouper pour dénoncer leurs conditions de vie. Cette mobilisation a été lancée par Samia Query, elle-même résidente aux Quatre-vents, avec l’appui de Thierry Boissin, conseiller municipal d’opposition au sein du groupe Martigues en lutte, élu au sein d’une liste Modem et La République en marche. Le tandem s’appuie également sur l’Amicale confédération nationale du logement des locataires des Quatre-vents, en lien avec la CGT. Sur ce dossier, comme sur d’autres problématiques liées à l’habitat auparavant, les habitants de la résidence n’en sont pas à leur première mobilisation.

Dans un courrier d’alerte, consulté par Marsactu, les résidents interpellent la Semivim, la préfecture et l’agence régionale de santé (ARS). Les habitants des Quatre-vents y témoignent d’une même voix des difficultés rencontrées. “Le logement loué doit être exempt de toute infestation de nuisibles et de parasites, peut-on ainsi lire dans la lettre. Il est évident que ces exigences n’ont pas été respectées, car le logement que j’ai loué était infesté de cafards ou de punaises dès mon emménagement.” 

Mon logement n’aurait jamais dû être remis dans le circuit de location.

Un habitant

Les voisins soulèvent aussi dans cette lettre la responsabilité du bailleur. “La Semivim était pleinement consciente de l’infestation, mais n’a pas remédié pleinement à la situation dans les délais impartis, affirment les locataires. Mon logement n’aurait jamais dû être remis dans le circuit de location.” Pour ces habitants, le bailleur aurait remis sur le marché des appartements sans procéder à un nettoyage en profondeur contre les nuisibles, causant l’entrée de nouveaux locataires dans des habitations infestées.

Demande d’indemnisation

Ils demandent de manière générale une indemnisation pour les loyers payés sur cette période et les dommages subis. Une trentaine d’entre eux auraient déjà signé ce texte, qui devrait être envoyé sous peu. “Les gens sont encore en vacances pour l’instant, relate Samia Query. Mais au moins ils peuvent échapper à tout ça.”

En pleine nuit je dois me lever pour laver mes draps à 60 degrés et les changer.”

une locataire de 85 ans

Pour ceux qui passent leur été aux Quatre-vents, l’ambiance n’est pas au repos. Toujours à l’ombre des bâtiments G, les résidents réunis de manière informelle partagent leurs galères du moment et se confient des conseils pour survivre à cette présence insupportable. “En pleine nuit je dois me lever pour laver mes draps à 60 degrés et les changer”, déplore par exemple une locataire de 85 ans. En septembre 2022 une société mandatée par la Semivim a pourtant réalisé une désinfestation à sa demande. Mais moins d’un an après, l’habitante vit à nouveau avec des nuisibles dans son appartement. “Tous les mois un de mes fils doit prendre l’avion pour venir chez moi enlever le maximum de punaises de lit”, s’indigne la vieille dame, qui n’arrive plus à gérer seule cette situation.

Appel à une société privée

Le budget mensuel pour ce nettoyage est d’au moins 40 euros pour la retraitée qui achète elle-même ses produits en pharmacie. Certains voisins ont ainsi décidé de prendre les choses en main, à leurs frais encore. “Ils passent deux fois dans l’année mettre des produits qui ne font pas effet, expose ainsi Samia Querry au sujet de son logement. Alors on a contacté une société privée et depuis on n’a plus rien. Ça nous a coûté 90 euros chacun.” Elle n’a pas été indemnisée par le bailleur pour cette intervention.

Un locataire du bâtiment G3, l’immeuble plus touché par les nuisibles, est absent de cette petite réunion de voisins, mais il a laissé au groupe le courrier qu’il a adressé au bailleur le 4 avril. “Il y a deux mois je vous ai signalé des problèmes de punaises dans mon appartement, indique l’homme dans sa lettre. Vous êtes venus faire la désinfestation qui s’est trouvée sans résultat donc j’ai été obligée par mes propres moyens de faire à nouveau la désinfestation qui n’a abouti à aucun résultat. J‘ai été obligé de jeter tous mes meubles et depuis je ne vis plus dans ma maison car ma femme et moi-même sommes asthmatiques et le produit est très gênant pour ma santé.”

La Semivim relativise

Interrogée par Marsactu sur cette situation, la Ville de Martigues renvoie la balle à son bailleur indiquant qu’elle “n’a pas compétence à intervenir sur le patrimoine privé”. “Depuis la dissociation des fonctions de président et de directeur général de Gaby Charroux, maire de Martigues, les sujets que vous évoquez, concernant notamment les punaises de lit, relèvent de la direction générale de la Semivim”, précise la municipalité, dans une réponse écrite. “Les logements concernés ont été traités individuellement comme il se doit”, a toutefois avancé l’adjointe Nathalie Lefebvre lors du conseil municipal du 22 juin, interpellée à ce sujet par Thierry Boissin.

Le locataire doit être un acteur pro-actif dans la lutte contre les punaises de lit.

La Semivim

La Semivim, également sollicitée par Marsactu, indique, elle, avoir demandé à son prestataire de réaliser une évaluation de la situation sur l’ensemble du site. “Aucune présence de punaise de lit n’a été constatée jusqu’à présent dans les parties communes, d’une part, et d’autre part, les logements incriminés étant situés dans différentes entrées de la résidence (…) il apparaît pour notre prestataire qu’il ne peut pas être question d’infestation mais davantage de cas isolés ne nécessitant pas d’action globale”, répondent les services du bailleur.

“Le département des Bouches-du-Rhône est actuellement fortement touché par ce fléau, dont la prolifération est certainement favorisée par les conditions climatiques”, poursuit la Semivim avant de renvoyer la responsabilité sur les habitants. “Le locataire doit être un acteur pro-actif dans la lutte contre les punaises de lit, développe la société. Il est possible que la non-application de ces recommandations participe à la non-éradication des punaises de lit”. Une réaction qui risque de ne pas enrayer la colère des habitants.

La Semivim toujours visée dans une affaire de corruption
Au delà des problèmes de punaises de lit dans la résidence des Quatre-vents, le bailleur social de la Ville de Martigues est depuis fin 2021 au cœur d’une tempête judiciaire dans une affaire de corruption présumée. Révélée dans la presse il y a presque deux ans, l’enquête menée par le parquet de Marseille se poursuit. Elle porte sur des faits relevant de la corruption passive, du favoritisme, de la prise illégale d’intérêts et du trafic d’influence. Deux salariés de la Semivim, la directrice du patrimoine et son compagnon, lui aussi salarié, sont au centre des soupçons. Au total, une dizaine de personnes ont été mises en examen dans ce dossier, toujours en cours, dont la directrice générale de l’entreprise, ainsi que deux élus municipaux.

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