Les quartiers populaires, cœur de la vague Mélenchon à Marseille

Décryptage
le 11 Avr 2022
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Malgré une participation globale en nette baisse, Jean-Luc Mélenchon a réuni près de 20 000 voix de plus que lors du premier tour de la présidentielle de 2017. Une analyse détaillée des résultats montre le rôle important joué par les grandes cités d'habitat social dans cette poussée électorale.

Les quartiers populaires, cœur de la vague Mélenchon à Marseille
Les quartiers populaires, cœur de la vague Mélenchon à Marseille

Les quartiers populaires, cœur de la vague Mélenchon à Marseille

Font-Vert, Félix-Pyat, Air-Bel, Frais-Vallon… Cela pourrait être la liste des cités inscrites au futur programme de rénovation urbaine. Ce sont aussi les bureaux de vote où Jean-Luc Mélenchon a le plus percé dimanche 10 avril, lors du premier tour de l’élection présidentielle. Exemple à Font-Vert. Dans cette cité du 14e arrondissement bordée par la L2 et la ligne TER Aix-Marseille, le candidat de l’Union populaire a attiré 84 % des suffrages sur son nom, son record dans la ville.

Pour mieux saisir où Jean-Luc Mélenchon a amélioré si fortement son score de 2017, nous avons isolé les dix bureaux de vote les plus représentatifs de cette poussée. Ceux où il progresse le plus en valeur absolue, c’est-à-dire en part des électeurs inscrits.

Les dix bureaux où Mélenchon a le plus progressé

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Dans cette liste, l’îlot Hoche/Versailles (3e), marqué par l’habitat indigne et le faubourg de la Cabucelle (15e) sont les seuls à ne pas être constitués autour d’une grande cité d’habitat social. En élargissant le spectre, les quartiers populaires du centre-ville (Belsunce, la Belle-de-Mai) sont aussi orientés à la hausse. Mais dans les dix quartiers qui apparaissent sur la carte, ce sont plus de 10 % des électeurs qui se sont reportés vers Jean-Luc Mélenchon par rapport à leur choix de 2017, voire déplacés pour lui alors qu’ils s’étaient abstenus cinq ans auparavant. À la Cabucelle (15e), c’est même l’équivalent de 23 % du corps électoral qui a glissé un bulletin Mélenchon alors qu’il avait fait autre chose en 2017.

Un fort recul de Macron

Autre chose, mais quoi ? Seule une analyse fine des listes d’émargement peut répondre sérieusement à cette question. En plus du plein réalisé à gauche, sur les cendres du PS, notre dizaine de bureaux pointe vers une probable migration d’une partie de l’électorat d’Emmanuel Macron. Alors qu’il progresse au niveau global à Marseille, il recule de plus de 10 points dans ces bureaux conquis par Mélenchon.

À la Cabucelle, l’ampleur de ce revirement est presque une anomalie : le président de la République perd plus de la moitié de ses voix par rapport à 2017(-141), tandis que Mélenchon fait plus que quadrupler son score (+322), moissonnant probablement une bonne part des 120 voix du candidat socialiste d’il y a cinq ans, Benoît Hamon.

Autre constat intéressant, le recul de la participation est moindre dans ces bastions (- 2 points) que sur la ville (- 6 points). Certains bureaux sont même le siège d’une mobilisation électorale accrue. À Font-Vert, la participation totale monte de deux points pour atteindre 59 % et Jean-Luc Mélenchon attire au final près d’un électeur inscrit sur deux. Son score record n’est donc pas le résultat en trompe-l’œil d’une participation en berne, recroquevillée sur la gauche, comme c’est parfois le cas.

Cette poussée reste cependant moins ample qu’en 2012. Avec François Hollande et lui-même, la gauche avait alors fait déplacer 60 % des électeurs inscrits à Font-Vert, pour un total de 72 % de participation. Dix ans plus tard, la gauche est absente pour la deuxième fois consécutive du second tour de la présidentielle. Et devra lutter contre la démobilisation et la désunion lors d’élections législatives où elle part en position de force à Marseille.

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Commentaires

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  1. Assedix Assedix

    Merci pour cet article qui devrait permettre de recentrer les discussions sur le fait qu’avec Mélenchon un candidat de la gauche est arrivé en tête, et de très loin, dans la très grande majorité des quartiers populaires, à Marseille comme en Seine-Saint-Denis.
    Alors bien sûr, pour les allergiques au bonhomme, cela ne compensera jamais le fait qu’il ait 70 ans ou qu’il aime se mettre en scène. Et les nostalgiques du PS regretteront sans doute le temps où le candidat de gauche ne s’abaissait pas à donner dans le populisme (et se faisait atomiser dans l’électorat ouvrier/employé).
    Mais j’imagine qu’il y a quand même quelques personnes pour trouver que c’est une bonne chose qu’une candidature de gauche retrouve enfin le soutien des quartiers populaires.

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  2. TINO TINO

    Je préfère une personne âgée et grincheuse qui propose l’harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature, plutôt qu’une autre jeune et méprisante qui éborgne et mutile….Propos entendu sur une radio hier et que j’approuve.

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  3. Mistral Mistral

    Il est important de préciser que c’est la gauche qui gagne et que pour beaucoup d’électeurs (dont je fais partie) Mélenchon a été le vote utile à gauche et non un vote d’adhésion à LFI.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Merci d’apporter cette précision indispensable. Environ un électeur sur deux de Mélenchon aurait ainsi “voté utile”. Il serait bon de s’en souvenir et de respecter leur choix. J’ai déjà lu un article de presse selon lequel le score de JML “conforte le rôle central à gauche de La France insoumise” : le fait que maints électeurs de gauche aient voté “utile”, et non selon leurs convictions, est zappé, et c’est désagréable.

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    • Tarama Tarama

      Le même journaliste écrira après les européennes que les écolos ont désormais le leadership de la gauche blablabla.

      Ce sont des maronniers médiocres qui ne correspondent qu’à l’avis de ceux qui les rédigent, et sont démentis à chaque nouvelle échéance (mais ça fait du clic).

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    • leravidemilo leravidemilo

      Vraiment surprenant de constater le degré de déni dans lequel ont plongé certains suite aux résultats de cette élection. Ainsi ici par exemple, un électeur sur deux de l’union populaire serait issu d’un vote “utile” venant pour l’essentiel, c’est implicite, des autres partis de gauche et expliquant leurs scores cata. Mélenchon ayant rassemblé 7.715.OOO voix, cela ferait donc 3.857.000 votes “utiles” et autant qui seraient en quelques sortes de conviction… Complètement oublié/gommé le fait qu’il ait réuni 7.06O.OOO voix en 2017, sans qu’une seule petite voix ne se soit alors faite entendre au fond de la salle ni dans les média, invoquant le “vote utile”. Et donc il faudrait, pour que de telles élucubrations au doigt mouillé se vérifient, qu’il ait perdu entretemps quelques 3.203.000 voix (7.060.000 – 3.857.OOO), soit du fait de la mortalité covid, soit par une fuite éperdue des concernés vers le refuge de l’abstention, soit vers Macron, soit vers l’extrême droite, puisqu’il semble bien établi qu’ils n’ont pas fuit vers les autres partis de gauche…
      Euh, il est temps de redescendre sur terre…
      Ceci d’autant plus que du fait de la candidature Roussel, faut il le répéter encore, les voix des autres partis de gauche ont progressé de 756.OOO voix et de 33% par rapport au score du seul “autre” candidat de gauche de 2017, B Hamon. (3.047.457 voix pour Jadot+Roussel+Hidalgo contre 2.291.288 voix pour Hamon (!!!))
      Ceci d’autant plus qu’en terme de transfert de voix il y en a bien eu un, mais juste dans l’autre sens avec les 803.000 voix de Roussel, dont 500.000 auraient aisément suffit pour éviter un deuxième tour avec Le Pen, ou comme le disent les adeptes du front républicain, faire barrage à… dès le premier tour.
      Ceci d’autant plus que, parmi les voix déplacées (vers Mélenchon ce coup ci) ^par le “vote utile”, qui a effectivement joué ce coup ci, nombre ne viennent pas des autres partis de gauche, mais bien des abstentionnistes. Et ils sont très divers, dont une forte provenance notamment des milieux libertaires et même plus, et donc d’abstentionnistes de convictions qui ont fait exception à leur habitude, considérant qu’il serait plus facile de continuer à lutter contre Macron que contre Le Pen .
      N’en jetez plus la cour est pleine…
      Cerise sur le gâto, d’autres (et parfois les mêmes) se fiant à des “sondages” après boire ou du lundi matin, en vienne à nous demander des comptes sur la “prédiction” d’un vote Le Pen à venir pour 30% des électeurs de Mélenchon au premier tour.
      Il convient alors d’être aussi “sérieux” qu’ils le sont dans l’analyse et le maniement de de l’arithmétique électorale, en leur rétorquant qu’il s’agit là bien sur de 30 des 50% des votants utiles de Mélenchon, ayant voté sans bien sur lire le programme puisque là n’était pas la question, et venant bien sur des trois autres partis de gauche !!!

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Je ne doute pas, @leravidemilo, que vous avez vos sources. Quant à moi, je m’appuie d’une part sur un sondage paru au lendemain du premier tour, et d’autre part sur le comportement de nombre de mes ami•e•s et collègues qui, comme moi, ont voté “utile” (ce qui était, soit dit en passant, recommandé par les mêmes qui récusaient le vote “utile” à l’époque révolue de l’hégémonie du PS).

      L’état de l’électorat et des partis de gauche en 2022 n’est pas celui de 2017. Mélenchon a prouvé, lors des élections intermédiaires, qu’il ne retrouvait jamais le score qu’il a réalisé il y a cinq ans. Les ambiguïtés de son discours – pour le dire très gentiment – sur la gestion de la crise sanitaire ou sur les crises internationales et son âge avancé ont découragé une partie de ceux qui le soutenaient alors ; j’en connais, notamment parmi les plus jeunes.

      Personnellement, je regrette qu’il ne soit pas au second tour, en dépit du peu de sympathie que m’inspire le personnage. Mais j’en fais nettement moins le reproche à ceux qui ont voté Jadot ou Roussel qu’à ceux qui ont voté Le Pen. C’est ceux-là qu’il fallait convaincre, ainsi que les abstentionnistes – et surtout les jeunes abstentionnistes – dont le nombre a progressé.

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    • leravidemilo leravidemilo

      Vous faites peut être allusions à des commentaires d’autres intervenants mais, perso, je ne souhaite pas reprocher leurs votes aux autres électeurs; Il ferait beau voir! Chacun vote ce qu’il veut et c’est d’ailleurs un des fondements de la démocratie.
      __ De la même façon, je ne reproche pas aux autres forces politiques (ici de gauche) de présenter un candidat (à l’exception du PCF concernant cette élection), dans la mesure où ces partis avaient d’autres choses à proposer que LFI/Union Populaire. Je n’ai d’ailleurs fait à aucun moment parti de ceux qui appelaient à l’union de la gauche pour le premier tour, tant cette “union” aurait été factice pour un présidentielle. Les verts par exemple, “européistes” avant d’être écologistes (selon moi) ont fait campagne sur leurs convictions qui n’étaient pas et n’ont jamais été celles du programme l’avenir en commun.
      — Concernant l’exception de la candidature Roussel, et vu l’absence de divergences notables, autre que sur le nucléaire. Il s’agissait d’une candidature très majoritairement axée sur des logiques d’appareil, très couteuse, comme prévu, pour l’opposition au système, et sans doute autant pour l’appareil en question (on verra)..
      — Concernant les autres électeurs qu’il fallait convaincre, juste deux ou trois remarques :
      — C’est assez paradoxal de reprocher à LFI de ne pas avoir convaincu des électeurs de Le Pen, lorsque c’est précisément la seule force politique à gauche qui s’est avéré capable de le faire, en 2017 et en 2022. Pas beaucoup certes, pas suffisamment c’est certains, mais le phénomène est réel.
      — Concernant le vote des jeunes, toutes les premières études montrent que c’est Mélenchon qui a le plus progressé en la matière, beaucoup plus que Le Pen, qui était en première ligne de ce vote en 17, et que Macron qui était juste derrière Mélenchon en 2017. Et ces votes venaient pour une bonne part de jeunes précédemment abstentionnistes. Même si, perso, je préfère attendre les études plus tardives et fréquemment plus précises et sérieuses, quand la poussière est retombée, les premiers constats sont assez unanimes. Cela se voit d’ailleurs assez aisément, dans les quartiers en difficultés, et dans les milieux étudiants sur les grandes métropoles.

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  4. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    Comme dit Assedix “je suis allergique au bonhomme” ; toutefois comme Mistral et pour les mêmes raisons que lui, j’ai voté Mélenchon dimanche, même si, lui personnellement je pense que c’est un Fillon de gauche, et si je suis loin d’être d’accord avec tous les éléments du programme de LFI.

    En revanche, pour avoir milité dans les quartiers nord de Marseille de 1978 à 2015 et avoir été élu de 2001 à 2015 : je suis vraiment content de voir les électeurs et électrices se mobiliser autrement que par l’action des leviers clientélistes. Je ne sais pas si cela provient du travail des militants de terrain de la LFI et s’ils ont commencé à s’enraciner et à jouer un rôle d’éducation populaire et d’élaboration collective. Mais s’ils l’ont fait honneur et bravo à eux !

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  5. Tarama Tarama

    Ségolène Royal avait été portée par “les quartiers” elle aussi.

    Et quelques semaines plus tard, l’abstention avait fait déferler une vague de droite sarkozienne sur l’assemblée.
    Les néo-électeurs de Royal se sentaient trahis disait la presse.

    A croire que personne ne connait le fonctionnement du scrutin uninominal majoritaire à deux tour, qui est une forme de “démocratie” très particulière.

    Pour la gauche, c’est très mal barré. Ça ne peut que l’être avec un bloc de droite qui fait 60-70%.

    La France découvre ce que c’est d’être la région PACA.

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