Le départ du directeur des services prolonge la crise à la Ville de Marseille

Actualité
par Benoît Gilles & Jean-Marie Leforestier
le 31 Août 2023
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Avec l'annonce du départ de Didier Ostré, le directeur général des services en poste depuis l'été 2021, le maire de Marseille démarre la rentrée avec une nouvelle crise politique, à 15 jours du prochain conseil municipal.

Didier Ostré au côté de Benoît Payan, lors du conseil municipal de décembre 2022. (Photo : Emilio Guzman)
Didier Ostré au côté de Benoît Payan, lors du conseil municipal de décembre 2022. (Photo : Emilio Guzman)

Didier Ostré au côté de Benoît Payan, lors du conseil municipal de décembre 2022. (Photo : Emilio Guzman)

Longtemps, une règle non écrite faisait démarrer la rentrée politique après l’inauguration de la Foire de Marseille par le maire, flanqué des grands notables de la Ville. Début octobre, dans la foulée, le maire programmait son conseil municipal de rentrée, longtemps après celle des écoliers.

Les évènements du printemps et de l’été 2023 ont largement bousculé le calendrier initialement consacré. De conseil écourté en ordre du jour bousculé, le prochain conseil municipal aura lieu le 15 septembre prochain et Benoît Payan aura une femme, Pauline Malet, à sa droite au perchoir.

Nouvel intérim au perchoir

Ce mercredi, le directeur général des services, Didier Ostré, a annoncé par mail à l’ensemble des agents qu’il souhaitait aborder “une nouvelle étape de [s]a carrière professionnelle“. Une demande acceptée par le maire, écrit-il encore, sous l’autorité duquel il continuera de suivre “plusieurs dossiers stratégiques“. La déléguée générale aux relations institutionnelles, Pauline Malet occupera son fauteuil “pour un intérim” en attendant peut-être une nouvelle nomination.

Ce départ du patron des fonctionnaires vient alimenter une crise politique alors même que la majorité de Benoît Payan abordait la rentrée comme l’occasion de poser un bilan à mi-mandat de son activité à la tête de la Ville. Difficile de ne pas établir un lien de causalité entre ce fait politique et la longue séquence de couacs qu’a dû affronter sa majorité depuis le printemps.

De l’annulation de la hausse de la taxe foncière au scandale médiatique autour de la gestion de la Buzine, en passant par l’abandon du marché du périscolaire, à chaque fois, une erreur matérielle, un accroc dans la procédure renvoyait la responsabilité vers l’administration, dont Didier Ostré avait la charge. “Il ne fait pas l’affaire mais un fonctionnaire capable de gérer une administration de cette taille ne se trouve pas si facilement”, expliquait-on dès le printemps dans l’entourage du maire. En privé, lui-même n’hésite jamais à charger l’administration pour justifier l’absence de visibilité du changement que sa gestion imprime à la Ville.

On s’est pris l’année dernière une quantité de merdes administratives impressionnante et c’est in fine au DGS de gérer cela, lâche-t-on dans l’exécutif municipal, en appui de cette thèse. À l’heure d’entamer un bilan de mi-mandat, on se dit qu’il faut trouver de nouvelles solutions administratives“. Ladite solution est donc une nouvelle valse de têtes, alors même que l’appareil municipal a connu une réorganisation de fond en comble qui a durablement bousculé l’organigramme.

La réorganisation en question

“On pourrait trouver ça drôle, que c’est là du pain béni pour l’opposition. On fait deux tweets, on rigole, réagit Pierre Robin, conseiller municipal du groupe de droite Une volonté pour Marseille. Mais cela m’attriste plutôt parce que je sais comment des élus peuvent abîmer une administration par leur choix. Au-delà des personnes, des propos lénifiants, ils sont en train d’abîmer l’appareil municipal“.

Fabien perez a fait savoir la consternation et désapprobation du groupe écologiste et pluriel-s au maire suite à l’éviction de Didier Ostré.

Une analyse qui trouve un écho dans le propos de certains syndicalistes qui voient dans ce départ, “un nouveau niveau de purge, comme au temps de l’Union soviétique. Les deux premières années, ils ont viré tous ceux qu’ils soupçonnaient de soutien à Gaudin. Ils se sont privés en faisant cela d’une connaissance fine de la Ville, analyse Pascale Longhi, la secrétaire générale du syndicat CFE-CGC, associé à la CFTC et très remontée contre la gouvernance Payan. Comme ça ne marche pas comme ils voudraient, ils font partir ceux qu’ils ont eux-mêmes nommés“.

Pour son collègue de la FSU, Yannis Darrieux, le départ du DGS était “acté depuis un mois, au moins. Mais les rumeurs d’une forme de désaccord politique avec le maire et son cabinet date d’avant encore“. Une analyse qui semble trouver écho au sein du groupe écologiste au conseil municipal, partie prenante de la majorité, où l’on indique que “Fabien perez a fait savoir la consternation et désapprobation du groupe écologiste et pluriel-s au maire suite à l’éviction de Didier Ostré”.

Au sein du Printemps marseillais, des élues de premier rang ont salué le travail du DGS, telle la maire des 1/7 Sophie Camard, qui a loué sur les réseaux ses efforts pour “réorganiser et réformer l’administration” en espérant “qu’il aura plus de temps sur les dossiers qu’il va continuer à suivre”. La maire des 6/8, Olivia Fortin, toujours chargée de travailler à la refonte des services, a quant à elle ajouté avoir “toute confiance en Pauline Malet pour prendre la suite”.

Autre éloge, celui venu du patron de FO à la Ville et à la métropole, Patrick Rué, qui a partagé son émotion sur sa page Facebook : “Nous avons pris un réel plaisir à travailler avec Didier Ostré qui a su moderniser les relations sociales au cours desquelles il a toujours mis en avant le côté humain que ce soit avec les agents ou avec les organisations syndicales !”

Les oppositions à l’agachon

Dans plusieurs dossiers brûlants, Didier Ostré s’était retrouvé, plus ou moins malgré lui au premier plan. Cela était le cas lorsqu’il avait octroyé un logement de fonction à la numéro 2 du syndicat Force ouvrière, sous couvert d’offrir un local pour les archives de la mutuelle dont elle est administratrice, avant de la sommer de partir, dès l’affaire révélée par Marsactu.

De la même façon, il s’était retrouvé au premier plan des responsabilités dans l’éviction de l’adjointe à l’urbanisme, Mathilde Chaboche, en situation de potentiel conflit d’intérêts alors qu’il avait lui-même validé le départ annoncé de son compagnon, Christophe Pierrel, vers un grand groupe du BTP français, un transfert qui a finalement avorté.

Du côté de la majorité municipale, on pointe une forme de chaîne de causalité. “Toute la séquence autour de Mathilde Chaboche, la séquence judiciaire, le périscolaire… Ils commençaient tous à le charger, énumère-t-on, sous couvert d’anonymat. Une forme de désamour s’est installée“. Avec des oppositions à l’agachon du moindre faux pas, le maire va devoir imprimer à mi-mandat un nouvel élan qui emporte sa majorité comme les 12 000 fonctionnaires de la ville.

Actualisation à 11 h 50 : Précision sur le potentiel conflit d’intérêts de Mathilde Chaboche.

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Commentaires

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  1. Tarama Tarama

    La droite : “ils sont en train d’abîmer l’appareil municipal”.

    Ne pas rire. Il y a eu des morts rue d’Aubagne.

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    • Forza Forza

      J’ai littéralement avalé de travers en lisant ça. Alors que la majorité se saborde toute seule, l’opposition ne peut s’empêcher de lâcher la petite phrase qui me rappelle brusquement à quoi on a malgré tout échappé en 2020.

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  2. Richard Mouren Richard Mouren

    Toujours là, Rué??

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  3. Alceste. Alceste.

    Jolie introduction, pleine d’humour , concernant la rentrée politique marseillaise qui est concommitente traditionellement avec l’ouverture de la Foire de Marseille, à ceci près que cette dernière à été inaugurée depuis le début de la prise de pouvoir par cette équipe. C’est la Foire permanente. dans cette ville. Point positif, non pas pour les habitants mais pour les fonctionnaires municipaux marseillais , rien n’est près de changer .
    25 années de Gaudin et 6 années de Payan font 31. 31 années pour rien .
    Marseille repose en Paix

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    • Andre Andre

      Alceste, détrompez vous, de nombreux fonctionnaires municipaux auraient aimé que ça change vraiment. Ne faites pas comme ces nuls du PM qui s’imaginent que tous les fonctionnaires sont estampillés Gaudin. Loin s’en faut!

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  4. Patafanari Patafanari

    Petite annonce pour le prochain : Rassemblement de gens formidables obsédés par le bien commun et disposant de la plus haute conscience morale cherche bouc émissaire présentant bien et pourvu d’une grande souplesse d’échine.

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  5. Andre Andre

    Le premier DGS de cette nouvelle municipalité, M. Quignon, faisait le boulot . Trop bien sans doute. Il ne faisait pas de cadeaux à Rué et voulait se débarrasser de responsables incompétents, notamment à la Direction générale de la Sécurité. Mal lui en avait pris. Il a été démis.
    Mis à sa place, le copain de Payan ne fait maintenant plus l’affaire. Et depuis trois ans, l’organigramme des services n’est toujours pas arrêté.
    Bande de comiques! Ils pourraient nous faire marrer si ce n’était pas l’avenir de Marseille qui était en cause.

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    • Alceste. Alceste.

      André, à quel avenir pensez vous?
      Écœuré par les années Gaudin pour lequel je n’ai jamais voté,je le reconnais et je l’avoue aux dernières élections j’ai voté pour PM.
      Sur un malentendu cela aurait pu le faire. Mais tout à mal débuté dans cette affaire : rendez-vous avec Michèle, je me retrouve avec Benoît. Surprenant !
      Pensait que l’ingénieur Rué allait lâcher le manche grâce à Benoît il joue les prolongations .Décevant !
      Attendait que l’Epadh gaudinesque municipal se transforme en equipe dynamique, nous finissons dans une sitcom , avec cocus politiques,trahisons,claquements de portes , un véritable vaudeville marseillais in fine.Hilarant!.
      Pour le reste , une ville mise quasiment sous tutelle sur les grands projets, suspendue aux lèvres de Vassal pour toute décision et qui sombre dans la violence et la décrépitude. La culture en est un exemple criant. Ah si , on inaugure des plaques.Important les plaques.
      Cet épisode du directeur des services n’est pas un accident, c’est la suite logique des choses.
      André, avec tout ceci ,à quel avenir espérez vous?

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    • Andre Andre

      Alceste, on n’échappe pas aux lendemains. Mais à Marseille ils ne chantent guère. Un nouvel espoir de déçu. Décidément, il n’y a aucune confiance à accorder à ces gens qui se prétendent de “gauche” mais pratiquent le même copinage, les mêmes combines et arrangements politiciens que la droite gaudinesque dont on avait cru se débarrasser.

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    • RML RML

      @alceste ” la culture en est un exemple criant”..j attends le développement…

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      @RML on attendra longtemps

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  6. Marc13016 Marc13016

    Payan n’a rien compris à l’administration, et il la met à l’index … (pour parodier une boutade célèbre à propos du Pape et du préservatif, pardon !).
    Attristant. Immature. Pas sur que les projets avancent avec tout ça.

    Faudrait qu’on lui fasse quelques cours de mécanique administrative. Il comprendrait peut être pas tout, mais il comprendrait que le bon patron pour les services municipaux, c’est pas forcément celui avec qui on s’entend bien. Les histoires d’amour finissent mal en général, dans ces couples Politique/Administration. Il n’y aurait pas de “désamour” aujourd’hui s’il n’y avait pas eu d’amour avant … Car c’est pas de l’amour qu’il faut dans ces unions, c’est des projets d’un côté, de la technicité de l’autre, et de la confiance au milieu, ainsi que de la persévérance.

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    • Alceste. Alceste.

      Et pendant ce temps Rué vient d’épingler sur le mur de son bureau un scalp supplémentaire. Une véritable collection de trophées .

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    • Andre Andre

      En effet, Marc. Ils n’ont rien compris. Ils se sont imaginé que tous les fonctionnaires étaient dans le camp d’en face et, au lieu de relancer la machine administrative par des réformes que beaucoup attendaient au sein même de l’administration, ont préféré bombarder des copains chargé de mission à des postes clef, mis de côté un DGS qui connaissait le fonctionnement d’une collectivité et voulait faire le ménage à haut niveau. Cela a dû déranger FO dont de hauts responsables gaudiniesques sont adhérents et sans doute aussi déplu à Gaudin lui-même que le nouvelle équipe semble ne pas vouloir trop contrarier (ah les barbichettes!). Cette stratégie du mauvais compromis et des petits arrangements politiquards touche aussi des élus qui avaient à cœur de faire le boulot comme Mme Chaboche qui, ce faisant, s’était mis à dos Ghali et qu’on a remplacée par, semble-t-il, un mollasson qui ne fait pas de vagues.
      Sur les dossiers techniques, on a vu ce que cette politique a donné depuis trois ans …

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    • Marc13016 Marc13016

      Oui, en effet André. C’est la classique Parano des non-techniciens face aux hommes de l’art … “comme je comprends rien, il va me berner, ou rien glander …”
      Fais confiance, entoure toi de gens compétents, évite de te faire éblouir par les profils “brillants”, c’est pas eux qui vont te faire avancer les projets. Et ne vire pas l’entraîneur tous les 6 mois, c’est pas du Football.

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  7. Alceste. Alceste.

    André, il y a une morale à cette histoire et qui n’augure rien de bon aux trois dernières années de cette équipe.
    Je tire cette morale en paraphransant Eric Tabarly:”“Commander ( Naviguer) est une activité qui ne convient pas aux imposteurs. Dans bien des professions, on peut faire illusion et bluffer en toute impunité. En bateau, on sait ou on ne sait pas.”

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    • RML RML

      En même temps Tabarly ne gérait pas’12000 personnes lol…

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    • Louise LM Louise LM

      Tabarly a mal fini, malgré son immense savoir

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  8. Alceste. Alceste.

    Votre observation est pleine bon sens.A ceci prêt que les aptitudes au commandement du locataire actuel de la mairie à la gestion de une ou de 12000 personnes sont les mêmes, nulles.
    Le commandement est un véritable art, certains ont le don ,d’autres pas.Il fait partie de ces derniers.Tabarly n’avait pas cette imposture, l’essentiel, voire l’immense majorité de nos politiques locaux l’ont.Ceci expliquant cela au passage.

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    • Marc13016 Marc13016

      Ben justement, je ne pense pas que le Maire doive commander 12000 personnes. C’est à son Directeur des Services de le faire (avec une hiérarchie en dessous). Le Maire doit se contenter d’indiquer les directions, les projets. Et en contrôler la mise en œuvre et l’avancement, en se faisant aider de techniciens “politisés” si nécessaire.
      Tabarly, on lui disait tu traverses l’Atlantique, tu fais le tour du monde, etc. Il avait des directives en somme. après, il commandait sa barque pour faire la course. (parfois tout seul d’ailleurs, sans commander personne que lui même !).

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  9. Jean Gabian Jean Gabian

    Ne pas confondre la potentialité de prise d’intérêts frauduleuse qui est la définition du conflit d’intérêts, et la potentialité du conflit d’intérêt.
    Le conflit d’intérêt peut être établi sans que la prise frauduleuse d’intérêts ait été réalisée.
    Donc pas besoin en cela de qualifier le conflit d’intérêt de “potentiel”.
    Exemple : si mon cousin était chef d’entreprise du bâtiment, je ne pourrais pas diriger le service municipal du logement.

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  10. Alceste. Alceste.

    Marc 13016 , vous êtes encore plus dur que moi.
    Non seulement vous confirmez qu’il ne commande rien , et en plus vu les résultats de ses actions il se “contente” de vraiment très peu.
    Il n’a pas le niveau, quand un poids plume veut boxer chez les lourds, on voit le résultat.

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    • Marc13016 Marc13016

      Alceste, je dis simplement qu’il n’a pas à commander. Il a à orienter.

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