Face à la rénovation programmée d’Encagnane, des habitants dans la galère du relogement

Actualité
le 7 Sep 2023
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Pays d'Aix habitat métropole doit trouver un nouveau logement à près de 260 familles des résidences Calendal et Méjanes d'ici 2026. Ces immeubles vont être détruits dans le cadre du programme de rénovation urbaine de ce quartier en bordure du centre d'Aix-en-Provence. Un tiers des locataires sont déjà partis, mais certains peinent à plier bagages.

Les fenêtres des appartements de la résidence Calendal à Encagnane donne directement sur l
Les fenêtres des appartements de la résidence Calendal à Encagnane donne directement sur l'autoroute longeant Aix-en-Provence. (Photo : ML)

Les fenêtres des appartements de la résidence Calendal à Encagnane donne directement sur l'autoroute longeant Aix-en-Provence. (Photo : ML)

Certaines familles d’Encagnane peinent à imaginer que les résidences Calendal et Méjanes seront entièrement démolies d’ici quelques années. Un programme de renouvellement urbain (NPNRU) a pourtant été initié dans ce quartier d’Aix-en-Provence en 2015. En bordure du centre-ville, le relogement des près de 260 familles vivant dans ces immeubles en voie de démolition a déjà commencé. Si, selon les données fournies par la Ville, 89 logements ont déjà été libérés, certains habitants ont plus de mal à partir.

“Le jour où je vais partir je vais en pleurer”, confesse ainsi Hafida, résidente depuis 23 ans au Méjanes. Dans son appartement, tout a été refait à neuf en 2018, et ça se voit, de la peinture dans les couloirs aux joints de la salle de bain en passant par la porte blindée. “J’ai aucune raison de partir, défend ainsi la mère de famille. J’ai investi dans ce logement et on me propose des choses moins bien.” Elle fait donc partie du collectif des habitants du Calendal/Méjanes qui a commencé à se mobiliser cet été.

Des inquiétudes partagées par les habitants

Dans une lettre ouverte du mois de juillet, le collectif interpelle la maire d’Aix-en-Provence Sophie Joissains (UDI) et le bailleur social Pays d’Aix habitat métropole. “Nous clamons notre colère sur les conditions injustes et indécentes de notre relogement, détaille le courrier. Nous exigeons d’être relogés dans le respect de la charte de l’ANRU, de la dignité, pour le meilleur et non pas pour le pire avec un loyer identique, dans des appartements neufs ou de moins de 5 ans.” L’association d’habitants affirme que, si ces éléments ne sont pas respectés, “on ne dégagera pas de notre quartier, on ne sera pas remplacés contre notre volonté, même avec des bulldozers”.

Lors d’une réunion organisée par le collectif le 28 août, plusieurs habitants ont partagé leurs inquiétudes sur le programme de relogement. Une jeune femme dénonce par exemple la non prise en compte de ses problèmes de santé. Actuellement, cette résidente du Calendal possède plusieurs chambres pour accueillir son matériel médical ainsi qu’un garage. “On m’a proposé une seule pièce et un garage qui sera peut-être disponible dans trois ou quatre ans”, souffle-t-elle.

De plus, le loyer demandé se situerait plusieurs centaines d’euros au dessus de ce qu’elle paye actuellement et le bien en dehors du périmètre de son médecin traitant, qui doit pourtant réaliser des soins à son domicile régulièrement. “On entend que beaucoup d’entre eux veulent rester dans leur quartier, ce qui complique le relogement, mais ça se fera au fil de l’eau, justifie l’adjoint à l’urbanisme de la Ville et président de Pays d’Aix habitat, Jean-Louis Vincent, contacté par Marsactu. Les gens ont des loyers calculés il y a 50 ans. On essaye au maximum de les garder les plus bas possible.”

La résidente du Calendal n’est pas la seule a être déçue des biens proposés par le bailleur pour le relogement.  Hafida n’a reçu pour l’instant qu’une seule annonce. Lors de la visite elle a constaté de gros problèmes dans le logement. Les peintures et le sol étaient visiblement à refaire, alors qu’elle vit dans un appartement refait à neuf. Des fissures ou encore des traces d’humidité étaient visibles sur les murs et les prises n’étaient pas bien raccordées à l’électricité. “J’ai refusé car ils voulaient que je le prenne en état”, explique la résidente.

La mère d’Hafida, qui vit au Calendal elle, a reçu une proposition pour un appartement à 850 euros alors qu’elle paye actuellement 500 euros. “Elle l’a même pas visité car c’était trop cher”, balaie sa fille. Une autre habitante a découvert lors de son passage dans sa potentielle future demeure une vitre cassée récolée au scotch. “On la refera quand vous serez rentrés”, lui aurait répondu l’agent, sans garantie que cela soit réellement réalisé. Encore un autre résident, s’est vu proposé un bien au 6e étage avec un ascenseur vétuste alors qu’il peine à se déplacer.

Des problèmes avec l’association en charge du relogement

“Vous nous mettez aussi la pression, vous nous faites des visites de logement dans le noir, vous nous demandez de prendre dans la précipitation des appartements dans l’état sinon on sera pénalisés”, poursuit la lettre ouverte. Quatre familles auraient participé à cette visite dans l’obscurité. “J’ai dit que j’étais intéressée, mais j’ai demandé une contre-visite avec de la lumière, soutient une des visiteuses. Ils me l’ont refusée en disant que je si le prenais, je le prenais comme ça.” 

La gestion des appartements vides est de même pointée du doigt par le collectif. Une des membres raconte avoir subi une inondation dans son logement quelques temps après le départ de ses voisins du dessus. “Il y avait 10 cm d’eau dans leur appartement quand on l’a ouvert”, avance la mère de famille. Les vérifications d’usage n’auraient pas été correctement réalisées avant de condamner le logement, notamment au niveau des radiateurs. “J’ai fait constater les dégâts par mon assurance et j’ai eu gain de cause, souligne la sinistrée. Mais ce sont les méthodes que je veux dénoncer.” 

Pour ces pressions et manquements, le collectif pointe notamment du doigt l’association Soliha, prestataire de Pays d’Aix habitat métropole chargé d’accompagné les habitants dans le processus de relogement. Contacté par Marsactu, Soliha affirme ne pas être “en mesure de répondre” et renvoie vers le bailleur social. Jean-Louis Vincent charge quant à lui l’association. “On a pris contact avec la direction. C’est un organisme avec lequel on a déjà travaillé et dont on avait été satisfait, défend l’adjoint. Mais il est possible qu’en matière de recrutement, il y ait eu des petites erreurs sur Encagnane. Ces personnes manquent sans doute de formation. On va être très attentifs à la réalisation de leur mission.”

Des manquements à la charte de relogement

Ce flou dans le processus de relogement géré par la Soliha est alimenté par le fait que les propositions sont majoritairement formulées à l’oral ou par téléphone, selon le collectif. Cette pratique rend difficile le décompte des offres faites et acceptées ou refusées. La charte de relogement de l’ANRU indique pourtant que “les propositions de logement seront systématiquement formalisées par écrit”. L’association d’habitants a donc commencé à réaliser son propre suivi des opportunités présentées aux ménages et des caractéristiques, surface ou encore localisation des biens, afin de démontrer à l’avenir l’inéquation entre les propositions et les besoins des familles.

“Pourquoi vous voulez qu’on fasse qu’on fasse un écrit ? Pour qu’on leur signifie le refus ensuite ?, balaie Jean-Louis Vincent. Je préfère travailler dans le consensus.” L’adjoint reconnaît ainsi que des propositions sont faites verbalement afin, assure-t-il, d’éviter aux habitants de gaspiller les trois refus de relogement que la charte autorise. “On va arriver à notre objectif de reloger tout le monde si on continue sur ce rythme”, rassure plus globalement le président de Pays d’Aix habitat métropole. De nouveaux éléments devraient être présentés à ce sujet au prochain conseil municipal. La date n’est pas encore connue, mais les bulldozers ne seront de toute façon pas arrivés d’ici là.

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Commentaires

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  1. Richard Mouren Richard Mouren

    Encore une fois la gestion la gestion par un prestataire privé pose problème, mais c’est tellement plus facile pour une administration ou un organisme public, d’autant plus pratique que ça permet de se défausser sur lui en cas de problème.

    Signaler

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