En attendant le procès des procurations, Julien Ravier frappé d’un an d’inéligibilité
Avant que l'affaire des procurations frauduleuses ne débouche peut-être sur un procès au pénal, le Conseil d'État a privé le député LR Julien Ravier de ses mandats de conseiller municipal et métropolitain et l'empêche de se présenter aux prochaines législatives. Un petit séisme pour la droite locale.
Valérie Boyer et Julien Ravier en février 2020. (Photo : JML)
Une décision, deux conséquences. Ce mardi 11 janvier 2022, le Conseil d’État rend un arrêt aux goûts de double effet Kiss cool : l’instance décide, d’une part, de confirmer les élections municipales de juin 2020 dans le 6e secteur marseillais. Mais annule, d’autre part, l’élection personnelle de Julien Ravier, qui menait la liste de Martine Vassal (LR) “Une volonté pour Marseille” dans les 11e et 12e arrondissements et prononce à son endroit une peine d’inéligibilité d’un an. En clair, il n’y aura pas de nouveau vote dans ce secteur, mais plusieurs noms dans la liste élue à l’époque sont rayés, remplacés par ceux qui étaient en queue de peloton. Cette décision est l’épilogue des procédures administratives lancées à la suite de “l’affaire des procurations”.
Juin 2020. Plusieurs reportages, notamment de France 2 et Marianne, mettent au jour un système de procurations bidons de grande ampleur, notamment dans le 6e secteur, entachant le déroulement du scrutin municipal de lourds soupçons de fraudes. À la suite de résultats serrés dans ce secteur – la liste LR ne le devance au second tour que de 352 voix -, le socialiste Yannick Ohanessian qui mène la liste du Printemps marseillais dépose un recours contestant la victoire de la droite. Le 9 mars dernier, le tribunal administratif (TA) de Marseille, conclut que les conditions ne sont pas réunies pour rejouer le scrutin et valide ces élections. Les requérants saisissent donc le Conseil d’État.
Jurisprudence classique…
Ce dernier, comme le TA avant lui, rejette ce mardi 11 janvier le recours du Printemps marseillais. “Le Conseil d’État a suivi la jurisprudence classique qui s’en tient à étudier l’écart de voix, qui ici n’était pas selon lui de nature à faire basculer l’élection”, note avec une pointe de regret Jorge Mendes Constante, l’avocat de Yannick Ohanessian. La droite sauve les meubles : elle conserve ce secteur et ne voit pas la majorité de Martine Vassal à la tête de la métropole menacée.
L’écart de voix n’apparaît pas suffisant au gendarme électoral pour annuler l’élection, mais le constat de manœuvres frauduleuses ne fait pour autant aucun doute à ses yeux. En un long paragraphe, le point n° 5 de l’arrêt, les juges décrivent le système de recueil de procurations dites “simplifiées”. Notamment “167 formulaires concernant des électeurs du 6e secteur ont ainsi été remplis à l’insu des mandants ou hors leur présence” et 47 dans l’Ehpad de Saint-Barnabé.
… mais sanctions individuelles réelles
Alors, dans un second temps, le Conseil d’État fait, comme le souligne Me Mendes Constante, “un choix judiciaire spontané, car cela n’était pas demandé dans notre requête”. Il frappe d’inéligibilité trois membres de la liste LR :
“Il résulte de l’instruction que M. Ravier, candidat tête de liste, dont il ressort des échanges mentionnés dans le rapport d’enquête de la police judiciaire qu’il avait connaissance des manœuvres exposées au point 5 et qu’il les a encouragées, ainsi que Mme Di Quirico, chargée de recueillir les photocopies des pièces d’identité de personnes souhaitant effectuer une procuration, de les remplir et de les transmettre aux officiers de police qui les ont tamponnées et Mme Devouge, qui a participé activement au démarchage de potentiels mandants afin de les transmettre à Mme Di Quirico, ont accompli des manœuvres présentant un caractère frauduleux ayant pour objet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Eu égard à la nature et à la gravité de ces manœuvres, il y a lieu de déclarer inéligibles M. Ravier, Mme Di Quirico et Mme Devouge pour une durée d’un an.”
La plus haute juridiction administrative prive donc le député LR Julien Ravier, Magali Devouge et Joëlle Di Quirico (qui avait déjà démissionné) de leurs mandats de conseiller municipal et, le cas échéant, métropolitain. Par ricochet, plusieurs conseillers d’arrondissements avancent de rang. Ainsi, Jean-Baptiste Rivoallan est proclamé conseiller municipal, Roger Guichard devient conseiller communautaire tandis que Magali Ponsada et Abdelkader Dahdah prendront désormais place aux conseils d’arrondissements.
“Injustice profonde”
Par un communiqué à entête de l’Assemblée nationale Julien Ravier se dit “sidéré” par cet arrêt qu’il ressent comme “une injustice profonde”. Il assure n’avoir jamais “eu connaissance de manœuvres frauduleuses au sein de [son] équipe” durant la campagne : “Avoir discuté de procurations dans des conversations Whatsapp ne signifie pas qu’elles étaient frauduleuses et surtout que je validais une quelconque irrégularité”, se défend celui qui n’exclut pas de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme.
En assortissant sa décision d’une peine d’inéligibilité d’un an, l’instance administrative provoque un séisme pour la droite marseillaise, déjà bien fragilisée par cette affaire qui a forcément contribué à sa perte de la mairie centrale en juin 2020.
Julien Ravier, protégé de Valérie Boyer, lui a succédé, dans un premier temps, à la mairie du 6e secteur, puis à l’Assemblée nationale. “Il reste député jusqu’à la fin de son mandat et l’élection municipale des 11/12 est confirmée ! Je n’ai pas d’autre réaction”, évacue celle qui est, depuis, devenue sénatrice des Bouches-du-Rhône.
Le sens moral exige de Valérie Boyer qu’elle démissionne.
Le Printemps marseillais
Il n’a toutefois fallu au Printemps marseillais qu’une poignée de minutes après l’annonce de cette décision pour réclamer par communiqué son départ de la chambre haute. “Valérie Boyer, à la tête des Républicains dans les 11e et 12e arrondissements depuis plus de dix ans, ne pouvait ignorer ces agissements, écrit le mouvement du maire de Marseille. Pire, par un jeu de chaises musicales elle avait fait en sorte de se protéger au Sénat, et de placer son suppléant Julien Ravier à l’Assemblée nationale. Le sens moral exige de Valérie Boyer qu’elle démissionne.” Piquée au vif, l’élue explique à Marsactu qu’elle se réserve le droit d’engager une procédure en référé pour atteinte à la présomption d’innocence.
Volet correctionnel
Le feuilleton politique comme judiciaire est loin d’être fini. Julien Ravier ne pourra pas rempiler dans cette circonscription longtemps tenue par les “Boyeristes” et sur laquelle le Rassemblement national lorgne avec insistance. Qui alors, chez les Républicains, pour le remplacer ? “Pour l’instant, le seul combat, c’est la présidentielle”, balaye Valérie Boyer. Les élections législatives se profilent pourtant juste derrière.
La décision du Conseil d’État sonne la fin de la manche sur le terrain du code électoral… mais l’affaire est loin d’être terminée sur le champ pénal. Les gendarmes ont bouclé leurs investigations dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte par le parquet de Marseille pour “manœuvres frauduleuses” et “faux et usage de faux” autour des procurations dans les 4e et 6e secteurs. Après avoir connu une garde à vue dans ce dossier en septembre 2020, au même titre qu’Yves Moraine suspecté également d’avoir pris part à un système de procurations illicites dans les 6/8, Julien Ravier pourrait, comme d’autres protagonistes, être renvoyé en correctionnelle.
Commentaires
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Une petite pensée à tous les promoteurs du vote électronique : ça arrangerait bien les fraudeurs
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Une nouvelle variété vient d’apparaitre dans la catégorie de l”homo politicus”.Nous connaissions celui de ” à l’insu de mon plein gré” , la sous catégorie des “amis de trente ans”, celle ” de la machination politique” et maintenant avec Ravier non pas celle du “Ravi” , occupée par bon nombre d’élus locaux, mais celle du “Sidéré”.
Ce pauvre Ravier fait comme Monsieur Jourdain de la psychologie sans le savoir .La sidération est pour mémoire ” l’anéantissement soudain des fonctions vitales, avec état de mort apparente, sous l’effet d’un violent choc émotionnel ».
Oui monsieur Ravier, vous êtes mort politiquement et cela est une bonne chose, vous allez être jeté comme un Kleenex par votre protectrice , Tata Boyer , qui va vous asséner les foudres des dix commandements , ce qu’elle ne fait pas d’ailleurs pour elle même au passage. Mais ce qui me gêne , c’est que vous disparaissant de la scène politique un autre ou une autre va vous remplacer illico presto, aussi honnête et droit que vous .Caractéristique de la droite locale.
Allez devant la Cour Europénne , allez y , mais vous serez surpris d’avoir en face de vous des Juges ayant plutôt une culture d’Europe du Nord et qui ne plaisantent pas avec vos sortes de pratiques. Et là vous ne serez pas sidéré , mais estramassé.
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Mais je suppose quoique estramassé , que vous serez recasé au departement à habitat 13, à la RTM , à la société des eaux , au tunnel prado carénage ou dans un quelconque satellite du département ou de la métropole. Cela s’appelle du recyclage.
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Bonjour, après on s’étonne d’une abstention qui s’accentue à chaque élection. C’est consternant.
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Ce qui est “sidérant”, c’est la propension de ces politiciens véreux à donner des leçons à tout le monde sans les appliquer eux-mêmes. On sait l’obsession de la droite contre le “laxisme” des juges et pour la “restauration” d’une justice plus sévère. Mais uniquement pour la populace, hein, surtout pas pour la caste politique.
Quelle mauvaise idée ont eu ces juges en condamnant Ravier : ils n’ont pas compris que dans ce cas, précisément, le laxisme était toléré, et même attendu.
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Mais où est donc passée la pétulante Valérie Boyer.Toujours si prompte a Twitter en tant que défenderesse des vraies valeurs.et couvant sous son aile son poulain Julien et à qui elle a inculqué les valeurs de la droite marseillaise avec les résultats que nous connaissons.
Une “grosse” crise de timidité sans doutes.
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