Dis, pourquoi y a plus cantine avant les vacances ?

Décryptage
le 5 Juil 2018
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Depuis une dizaine de jours, de nombreuses cantines des écoles primaires et maternelles publiques de Marseille ne fonctionnent plus. En cause : la grève des "tatas" qui va se poursuivre jusqu'au début des vacances d'été. Panorama des principales questions de cette grève avec les témoignages des différents syndicats concernés.

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(photo d'illustration). Crédit : Max Missak.

(photo d'illustration). Crédit : Max Missak.

À quelques jours de la fin de l’année scolaire, les classes se vident déjà. Face à la grève des “tatas”, de nombreux parents décident de mettre leur enfant en vacances avant la fin de l’année, faute de pouvoir faire l’aller-retour entre midi et deux. Sur les 445 écoles que compte la ville, 53 000 enfants y mangent quotidiennement, alors forcément l’impact d’une grève du personnel de cantine se fait immédiatement ressentir.

Avec 70 % de syndiqués revendiqués dans le personnel municipal des écoles et des crèches, le syndicat majoritaire FO a dégainé un préavis de grève pour la journée du mardi 19 juin, après plusieurs semaines de discussion et l’organisation de deux manifestations les 6 et 13 juin. Reçu le jour même de la grève par la Ville, le syndicat a suspendu le mouvement dans la soirée. Manque de bol pour les parents, la grève va se poursuivre jusqu’au dernier jour d’école ce vendredi.

En effet les autres représentants syndicaux des agents des écoles ont tous été reçus tour à tour par la Ville la semaine dernière mais n’ont pas été satisfaits des propositions de l’administration. Danielle Casanova, l’adjointe au maire en charge de l’éducation n’a pas donné suite à nos sollicitations. La CGT, la FSU et l’UNSA ont donc reconduit le mouvement de grève pour les 5 et 6 juillet, dans un contexte de surenchère syndicale à l’approche des élections professionnelles de décembre. L’été constituera une pause bien méritée pour les parents qui pourraient cependant retrouver cette grève à la rentrée prochaine si les avancées avec la Ville n’ont pas été suffisantes.

Quelles sont les raisons de la grève des cantines ?

Les revendications des syndicats sont relativement semblables et portent principalement sur la régularisation des 14 800 jours de récupération gelés par l’administration municipale, sur le passage à temps complet des agents employés à temps partiel. Les syndicats souhaitent aussi une nouvelle négociation sur le dispositif d’astreinte des concierges des écoles dont le statut a été rénové il y a un an ce qui avait déjà donné lieu à un mouvement de grève, ainsi qu’une amélioration des conditions et des temps de travail des agents.

Ainsi une majorité des syndicats revendique la prise en compte de la pénibilité du travail. “Ce sont des métiers pénibles, vous êtes de 6 h 30 jusqu’à 15 h 30 dans le bruit et dans de mauvaises conditions de travail” explique Josselyne Cozzolino (UNSA). Cette question est au cœur des négociations en cours sur les cycles de travail. De nombreux syndicats souhaitent que la pénibilité du travail des agents des écoles donnent lieu à un temps de travail dérogatoire des 1607 heures légales. Une position qui est loin d’être partagée par l’administration.

Instaurer un taux d’encadrement minimum ?

Le mécontentement des organisations syndicales se cristallise dans la revendication d’un quota d’encadrement minimum des agents pour surveiller les enfants. Aujourd’hui, le taux qu’ils considèrent comme une référence – un agent sur 25 en maternelle et un agent sur 50 en primaire – n’est pas respecté. “Depuis plusieurs mois, au vu du sous-effectif réel des agents, ce quota n’était pas respecté et c’est ça qui a mis le feu au poudre”, raconte Arabelle Lauzat (FO). “Il faudrait impérativement qu’un quota soit officialisé, pourquoi pas avec le prochain comité technique de septembre ?” propose Martine Charrier (FSU). En 2016, une précédente grève sur ce sujet avait été menée à l’initiative de la CGT. La Ville de Marseille avait alors mis en avant 300 recrutements, dont une partie compensaient les départs à la retraite.

Comment s’est organisée la grève ?

Un point crispe certains parents : le fait qu’une seule heure de grève des agents puisse devenir un tel casse-tête en terme d’organisation. En effet, la grève était organisée avec un format privilégié par la plupart des agents d’une heure par jour. “On avait déposé un préavis de grève le 19 juin sur la base d’une heure par jour mais nous avons été reçus le jour même, et donc étant donné que l’administration nous a donné des réponses satisfaisantes, nous avons décidé de suspendre la grève pour poursuivre les négociations“, rappelle Arabelle Lauzat, secrétaire de la section éducation des territoriaux FO.

La grève a pourtant continué avec la mobilisation progressive des autres syndicats minoritaires, CGT et UNSA dès le 19 juin, puis FSU à partir du 25. “Nous avons déposé qu’une heure de grève par jour entre 11 h 30 et 12 h 30 parce que c’est ce que souhaitait une majorité des agents” explique Josselyne Cozzolino, secrétaire générale UNSA Territoriaux de la ville de Marseille. À la CGT, le mouvement s’organisait principalement sur la base d’une ou deux heures par jour à partir de 11 h 30. “On a présenté un préavis de grève de 0 à 24 h pour permettre aux agents de choisir. La plupart ont plutôt opté pour le format d’une heure ou deux heures entre midi et deux” explique pour sa part Martine Charrier, déléguée FSU. Seule CFTC n’a pas suivi le mouvement car “nous estimons qu’il n’est pas juste de se mettre en grève pour récupérer son dû”, explique Ludovic Bedrossian (CFTC).

Si cette formule courte est privilégiée par les agents, c’est évidemment qu’elle limite la retenue sur salaire : les prélèvements des heures de grève doivent être proportionnels aux arrêts de travail. Pour un agent qui gagne 1200 euros bruts par mois et qui aurait participé aux quatre journées de juin, cela équivaut à une perte de 31 euros, contre 160 s’il avait fait grève des jours complets. “La retenue de salaire pour une journée de grève est de 1/30e du salaire mensuel par exemple. C’est un choix individuel qui varie selon les personnes mais quoi qu’il en soit il faut préciser qu’on perd toujours de l’argent. Les agents ne font pas la grève pour le plaisir“, insiste Martine Charrier (FSU).

Quelles avancées obtenues sur les temps partiels et les recrutements ?

Les personnels des cantines comptent encore 300 agents travaillant à temps partiel. Ceux-ci sont principalement affectés à la surveillance des temps de cantine. Mais en 2017, une partie d’entre eux – 150 – a vu son quota d’heures augmentés avec l’ajout de tâches d’entretien notamment. La revendication des syndicats visent à faire passer ces agents qui travaillent aujourd’hui 28 heures à temps complet. Les 150 autres agents qui travaillent uniquement 10 heures passeraient alors à 28 heures.

Si la Ville a accédé à ces demandes syndicales, c’est sur le calendrier des augmentations de temps de travail que les discussions se poursuivent. “La Ville nous annonce la deuxième vague d’augmentation des temps de travail arriverait à la rentrée 2019 alors qu’on souhaiterait que cela soit plutôt en début d’année”, constate Patrick Rué, secrétaire général de Force ouvrière. La FSU évoque “un ascenseur social” qui n’est pas suffisant car “ce sont des agents en précarité dont on augmente les heures, ça ne fait pas des bras en plus“, explique Martine Charrier. Toutefois, l’administration annonce des recrutements : 75 agents à temps très partiel seront embauchés d’ici décembre 2018 et 75 autres courant 2019.

Comment s’effectue le dégel des jours de récupération ?

Concernant la régularisation des jours de récupération, la Ville a annoncé que les 2 500 jours comptabilisés en 2017 seront à prendre d’ici la fin de l’année 2018 et que les jours comptabilisés sur la période de 2014 à 2016 seront payés sur la base de 65 euros par jour. La CGT refuse cette proposition et a demandé à ce que les agents puissent avoir le choix entre la monétisation et le fait de récupérer directement ces jours travaillés. La FSU a également demandé que ces jours soient payés aux agents partis à la retraite au moment du gel des récupérations.

Enfin ce sont les jours antérieurs à 2014 qui posent problème. “On nous roule vraiment dans la farine“, lâche Martine Charrier (FSU). Le syndicat FO a lui aussi émis un certain nombre de réserves à ce propos : “Ce n’est pas acceptable car il s’agit d’un dû” explique Arabelle Lauzat. La CFTC nous a annoncé être en contact avec un cabinet d’avocat spécialisé dans le droit public et dans le code du travail pour étudier la question des 5 800 jours restants qui restent en suspens. “S’il le faut nous ferons en dernier lieu un recours devant le tribunal administratif“, prévient Ludovic Bedrossian, responsable de la section syndicale CFTC de Marseille.

Rebelote à la rentrée de septembre ?

Ce mardi, le mouvement s’est un peu affaibli avec seulement 138 cantines fermées, 227 restaurants ouverts, et 79 écoles qui accueillaient des pique-niques, selon les chiffres que nous a communiqué Force ouvrière. Et pourtant les syndicats ne baissent pas les bras et annoncent une rentrée mouvementée comme l’atteste la secrétaire générale de l’UNSA : “Je sens que ça va être chaud. Pas que pour les écoles d’ailleurs, on comprend bien qu’il y a des soucis avec le parquet national financier mais on peut pas tout mettre là dessus parce que c’est surtout un ras le bol général.” Les syndicats annoncent ainsi un possible préavis de grève dès la rentrée de septembre en fonction des réponses de l’administration.

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Commentaires

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  1. bud_ice13010 bud_ice13010

    Qu’il y ait des problèmes de gestion de la ville (nous ne sommes plus à cela près..) avec les tatas et qu’elles revendiquent pour faire valoir leurs droits et obtenir des améliorations des conditions de travail, c’est normal et c’est leur droit.
    Cependant, en tant que parent, ce que je constate, c’est que tous les ans, et pas que cette année en particulier, que nous sommes régulièrement pris en otage au mois de juin par ces grèves quelle qu’en soit la durée et les motifs…
    Ce qui me gène aussi, c’est que toutes les écoles ne sont pas logées à la même enseigne car, pour certaines, les enfants peuvent apporter un pique-nique et d’autres pas… La devise de notre cher pays n’est il pas “Liberté, égalité et fraternité”? Et comme beaucoup de parents également, m’absenter de mon travail de 11h le temps d’aller chercher les minots à l’école et revenir à 14h car je n’ai pas d’autres solutions cela fait mal sur la badgeuse et cela hérisse le poil de mon patron, même s’il est compréhensif, car en tant que parent solo, il faut que j’aille également les récupérer le soir la sortie de 16h30 car il n’y a plus de garderie cette semaine jusqu’à 17h30…
    Sans oublier aussi le fait que les repas de juin et juillet sont payés en avance à la cantine par internet, et que depuis le 22 mai cela fait 11 repas à 3.52€ non servis à cause des jours de grève multipliés par le nombre d’enfants que nous avons: cela peut faire une petite somme pour les familles qui sont un peu justes financièrement…
    Bref, juin dans les écoles publique de Marseille, c’est javel la croix et la bannière !

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    • mrmiolito mrmiolito

      Petit truc pratique de parent à parent : depuis 3 ans, à chaque fois que j’ai la cantine à payer, je soustrais d’autorité les jours de grève du mois précédent du total (je le marque explicitement sur le talon en rappelant les dates concernées), et Sodexo n’a jamais râlé à ce sujet. La moindre des choses est de ne pas payer les repas non servis ! En juin 2018, j’ai noté (à vérifier si c’est bien exhaustif) : 19.06.2018 ; 29.06.2018 ; 03.07.2018.
      Courage, plus que 2 jours et c’est les vacances scolaires…

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    • toto toto

      Tiens, la prise en otage, ça faisait longtemps…
      Je trouve très surprenant que les parents soient révoltés lorsque leur journée de travail est perturbée mais pas du tout lorsque les repas industriels de leurs enfants sont servis avec un sous effectif chronique en plusieurs services dans un bruit assourdissant.
      Dans les revendications des tatas, il y l’augmentation des effectifs. Le taux d’encadrement à Marseille est deux fois moindre qu’à Lyon ou ailleurs.
      Il faudrait peut être voir un peu plus loin que son train train quotidien et d’exiger de la Mairie que le mouvement de grève cesse… en satisfaisant les revendications des tatas !
      Lorsque les braves citoyens réaliseront que la plupart du temps les grévistes défendent la qualité du service public en perdant des heures ou des jours de salaires, les comptables réfléchiront à deux fois avant de dégrader ce qui nous est dû.

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    • Input-Output Input-Output

      “Les grévistes défendent la qualité du service public” – elle est bien bonne celle là !
      Tout ce qu’ils défendent c’est leur qualité de vie et au détriment de celle des autres.
      Vu le pouvoir de nuisance qu’ils possèdent, ils sont donc sûrement plus égaux que ceux qui travaillent dans le privé, qui se retrouveraient sans doute à la porte pour avoir critiqué leurs conditions de travail non-protégées par le sacro-saint statut ou équivalent…

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    • toto toto

      mais bien sûr une tata à 1200 euros par mois est une privilégiée.
      Elles se cassent le dos à découper les aliments des enfants, faire le ménage et assister la maitresse dans la classe.
      Les premières victimes sont les enfants qui redoutent toujours le moment de la pause méridienne.
      La solution serait donc de pouvoir les licencier lorsqu’elles critiquent leurs conditions de travail… Si les fonctionnaires n’étaient pas protégés par leur statut, les services publics n’existeraient plus depuis longtemps.
      Si vous voulez être protégé par un statut, il suffit de passer les concours de la fonction publique, enfin ceux qui restent.

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  2. pascal pascal

    Merci pour cet article qui permet d’apporter de l’information aux parents.

    Si globalement j’estime le mouvement de grève légitime (tout de même 100(e) de nounou en plus ce mois ci…), certains points m’agacent :
    le rattrapage des jours de compensation gelés, c’est effectivement un problème légitime mais dont la résolution n’a pas à passer par une grève. Il s’agit d’un conflit du travail et passe donc par une médiation juridique. Si les syndicats et agents ont raisons le juge imposera sa décision à Mr le maire

    Sur le taux d’encadrement et le recrutement d’agent, là la grève est légitime du fait que rien n’est encadré et donc dépend de la volonté ou non de la Mairie… Le ratio de 1 ATSEM pour 25 enfants est issue d’une norme qualité AFNOR donc volontariste sauf à ce que cela soit inscrit dans la lois ce qui n’est pas le cas. La seule jurisprudence et obligation de la mairie en la matière concerne la sécurité des enfants. le maire n’est même obliger de proposer ce service.
    Sur ce point parents et ATSEM ont des intérêts communs : améliorer la qualité du service public et améliorer les conditions de travail des agents. Toutefois les parents d’élèves ne sont pas surpris par le dédain affiché de la mairie sur ces questions, ce qui n’empêche pas notre bon maire d’être réélu depuis 30 ans.

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    • toto toto

      Bien sûr, il y a la loi. Mais si nos élus se rendaient plus souvent dans les écoles sur les temps de cantine et faisaient preuve de bonne volonté, ils se rendraient compte que la situation est intenable et doubleraient les effectifs.

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  3. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    Petite(s) remarque(s) en passant. Avec une seule heure de grève bien placée, et non payée, tous les enfants sont privés de cantine (ce qui, avouons le, ne les défrise pas trop, bien au contraire !). Avantages collatéraux pour les tatas : les taches de préparation (réception des plateaux par exemple) et postérieures au repas (le ménage) sont donc payées, bien que non accomplies, à moins qu’on leur affecte d’autres travaux ? Si j’étais Drh de la Ville de Marseille (ce qu’à Dieu ne plaise !), j’en tiendrais compte dans la négociation des heures de récup…

    Et la Sodexo, dans tout ça ? Combien de “repas” non vendus ? Ça va leur coûter beaucoup plus cher que les amendes infligées, jadis, pour la présence de chenilles et autres corps étrangers dans la nourriture…

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