Contournement des Milles : une consultation sur fond de guerre politique à Aix

Décryptage
le 2 Déc 2022
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La maire d'Aix Sophie Joissains a annoncé le lancement d'une consultation des habitants sur le projet du contournement des Milles. La Ville cherche toujours des solutions aux problèmes de transports qui pèse sur le Sud d'Aix-en-Provence.

Le chemin de la Badesse dessert actuellement le site-mémorial du camps des Milles à Aix-en-Provence. (Photo : ML)
Le chemin de la Badesse dessert actuellement le site-mémorial du camps des Milles à Aix-en-Provence. (Photo : ML)

Le chemin de la Badesse dessert actuellement le site-mémorial du camps des Milles à Aix-en-Provence. (Photo : ML)

Sophie Joissains a le regard tourné vers les Milles. D’un côté, la maire UDI veut accélérer la mise en place de la deuxième ligne de bus à haut niveau de service (BHNS) aixoise vers le pôle d’activités. De l’autre, elle a décidé de mettre le projet de contournement routier entre les mains des habitants de ce noyau villageois au sud de la ville. La nécessité ou non de construire une nouvelle voie pour désengorger l’accès aux Milles anime les discussions depuis une dizaine d’années. La municipalité a finalement choisi de mettre fin aux débats par le vote pour poursuivre le projet, le modifier ou l’arrêter.

Il y a quelques semaines, Sophie Joissains a annoncé dans La Provence l’organisation d’une consultation citoyenne sur ce projet. Les modalités de ce scrutin sont encore en cours d’arbitrage, mais la maire a promis à la presse qu’il sera organisé “avant la fin de l’année”. Contactée par Marsactu, la métropole, qui a récupéré la réalisation du projet suite à la suppression des conseils de territoire, ne souhaite pour l’instant pas commenter, car le dossier “est suspendu à une consultation publique qui n’est pas dans nos mains”.

Un projet dans les cartons depuis 10 ans

“Il y a un problème de circulation dans et autour des Milles depuis des années, résume Antoine Le Masson, représentant du comité d’intérêt du quartier (CIQ) des Milles. On a 10 000 à 13 000 véhicules par jour qui traversent le cœur du village.” Le centre historique se retrouve en effet régulièrement surchargé par des véhicules en provenance du pôle d’activités et en direction d’Aix-en-Provence ou de Marseille. Le CIQ a alors demandé il y a une dizaine d’années à la Ville une déviation avec une nouvelle route qui ne passerait pas par le centre du village.

Le chantier a été déclaré d'intérêt communautaire par la communauté du Pays d'Aix en 2014 et deux phases de consultation avec les habitants ont déjà eu lieu en 2019 et 2021. Le nom du projet a changé au fil des discussions, passant de "la traversée des Milles", au "contournement des Milles", ou encore "la nouvelle voie urbaine des Milles", mais les travaux n'ont jamais commencé et les contestations ont grandi.

"On n'a jamais voulu de ce projet et on ne nous a jamais demandé notre avis", déplore François Cabet du collectif danger Aix avenir (CD2A), association regroupant des habitants des Milles fondée en 2015 après le lancement des discussions par le CIQ. En 2019, d'autres citoyens se sont également regroupés au sein du collectif contre le contournement des Milles (CCC Milles). Les deux associations participent activement aux réunions.

Plusieurs infrastructures nécessaires

Le projet de contournement des Milles comporte plusieurs difficultés techniques pointées par ses opposants. Au nord, la nouvelle voie urbaine débutera par la route de Loqui, qui mène vers la commune d'Éguilles, et devra passer par-dessus l'Arc tout en contournant le site mémorial du camp des Milles. Ces aménagements permettront de fermer aux voitures l'accès au chemin des déportés, ce qui, selon la Ville, est "demandé depuis de nombreuses années par la fondation du camp des Milles".

"Cette section sera plus complexe dans sa réalisation, reconnaît toutefois l'équipe municipale. D'une part pour la technicité de l'ouvrage à réaliser, mais surtout pour les procédures règlementaires." Les contraintes environnementales seront en effet nombreuses au niveau de l'Arc car, selon les données recueillies par l'association CD2A, cette zone accueille une dizaine d'espèces protégées.

La deuxième partie se situe au sud, au niveau du quartier de la Badesse, qui compte aujourd'hui entre 1 000 et 1 500 habitants. La Ville affirme que le projet permettra "d'améliorer la desserte du secteur". Mais les associations estiment au contraire que "cela risque d'enclaver le quartier".

Face à ces difficultés, la Ville commence déjà à préparer des alternatives. "Seule la réalisation des deux parties permettrait de sortir complètement le trafic de transit, défendent les services municipaux. Toutefois, la réalisation de la partie nord s'avère aujourd'hui plus complexe, et il peut être envisagé de réaliser uniquement la partie sud du tracé." Encore une fois, la priorisation d'un secteur ne contente pas les associations d'habitants. "Si on fait la moitié l'autre suivra un jour ou l'autre", imagine Anaïs Barthélémy du CCC des Milles.

Déviation politique

Les associations d'habitants ne sont pas les seules à se battre contre ce chantier. La députée Renaissance Anne-Laurence Petel conteste activement ce projet. L'élue municipale d'opposition a fait retirer en commission métropolitaine deux rapports d'acquisition foncière afin de bloquer l'achat des terres nécessaires aux travaux. "Si l'on consulte les habitants, pourquoi ne pas avoir demandé dans l'attente le retrait des délibérations. C'est ce que j'ai fait et obtenu", se justifie Anne-Laurence Petel.

"J'aurais bien aimé que vous ne vous en mêliez pas", lui a répondu la maire d'Aix-en-Provence au dernier conseil municipal. Après la séance, Sophie Joissains a écrit un courrier, consulté par Marsactu, à Martine Vassal pour signaler les agissements de son adversaire politique et demander de remettre les deux rapports à l'ordre du jour du conseil métropolitain. "Madame Petel souhaite décider à la place des habitants du village", s'agace la maire dans sa lettre.

Sur le fond, l'équipe de Sophie Joissains se défend en indiquant que "les acquisitions foncières ne perdent jamais de valeur". Le coût estimé du projet a déjà grimpé depuis son élaboration. "L’opération initiale ne prévoyait que le coût des travaux, il s’avère aujourd’hui nécessaire d’y intégrer le coût d’achat des terrains, indique une délibération de la métropole à ce sujet, en date du 17 décembre 2020. L'investissement d'un montant initial de 27 millions d'euros doit être augmenté de plus 14 millions, et ainsi porter le montant total de l'opération à 41 millions."

Le BHNS en solution de repli

Si le projet est abandonné à la suite de la consultation, la Ville aurait un nouvel argument pour appuyer son projet de ligne de BHNS vers les Milles. Mais aussi une enveloppe importante disponible. Lors d'une conférence de presse, interrogée sur les pistes de financements pour ce BHNS, Sophie Joissains a d'ailleurs déclaré : "D'autres projets aixois pourraient être retardés. Mais je ne dirai pas lesquels." Difficile de ne pas penser au contournement routier.

Sollicité par Marsactu sur ce dossier, le sous-préfet d'Aix-en-Provence Bruno Cassette évoque également la possibilité de remplacer le contournement routier par un BHNS. "Il y a eu beaucoup d'échanges sur les différentes possibilités et l'idée est apparue, explique le représentant de l'État. Le calendrier de mise en œuvre serait plus rapide et le coût moindre. Des bus pleins, c'est moins de véhicules sur la route." Au sujet des dix années perdues en cas d'abandon du contournement, le représentant se veut philosophe : "Le temps a fait son œuvre et a bougé les certitudes d'une époque qui ne sont plus celles d'aujourd'hui."

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Commentaires

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  1. PierreLP PierreLP

    Ce serait bien de parler de la réouverture de la ligne ferroviaire Aix Rognac qui permettrait de relier Aix ( et Gardanne, Simiane,…) aux Milles, à Velaux, Coudoux Rognac, Vitrolles etc etc
    Plutôt que de toujours penser bagnole et transports routiers !

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    • Marc Marc

      Merci 👍

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Dans cette région zébrée d’autoroutes et de voies rapides, on peut donc continuer de penser, comme en 1970, qu’en construisant toujours plus de routes on va diminuer les embouteillages. C’est le fameux “one more lane will fix it”, qui en réalité ne fonctionne : jamais.

    C’est même le contraire qui se produit puisque les aspirateurs à voitures… aspirent des voitures qui s’entassent ensuite dans des embouteillages.

    Comme suggéré par le commentateur précédent, on pourrait, pour une fois, se permettre d’être intelligents et financer la remise en service de la ligne ferroviaire Aix-Rognac, pour tenter de diminuer le trafic automobile au lieu d’encourager celui-ci !

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    • Elpa64 Elpa64

      D’accord donc la mairie d’Aix devrait militer pour mettre des transports en commun efficaces et se mettre à dos ses électeurs qui sont contre ces transports en commun ? Je pense qu’elle ne s’y risquera pas si c’est pour risquer de perdre les prochaines élections comme à Bordeaux, Lyon ou Strasbourg…

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Les trois exemples cités sont particulièrement mal choisis : dans ces agglomérations, le développement des transports en commun est une affaire transpartisane. Quelle que soit la couleur politique dominante, les investissements y ont été massifs ces dernières décennies. A l’inverse, l’inaction de Gaudin et de son gang à Marseille en cette matière n’a pas été porteuse de succès pour son héritière.

      C’est une vue de l’esprit de considérer que l’électorat urbain est majoritairement hostile aux transports collectifs et aux infrastructures cyclables : dans l’ensemble, les gens voient bien que le règne sans partage de la voiture en ville pose plus de problèmes qu’il n’en résoud.

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    • Elpa64 Elpa64

      Je suis d’accord que les exemples cités sont peux appropriés, ce sont des chefs lieux de région… En revanche je ne vous suit pas quand vous parlez des électeurs urbains, n’oubliez pas que de nombreux électeurs sur Aix sont très aisés et auront toujours les moyens de prendre leur voiture malgré l’augmentation du prix de l’essence ou de l’électricité, ils ne soutiendront pas forcément les projets de TC avec un peu de phénomène NIMBY en somme.

      Donc rien ne dit que des habitants des Milles ne s’opposeront pas si un tram train passe ou s’arrête à proximité de leur maison.

      Le rapport de la fnaut parle de lui même
      http://www.fnaut-paca.org/Docs_pdf/Projet_MGA2.pdf

      “La gare de Luynes
      Nous regrettons particulièrement la non construction de la gare de Luynes au droit de la RD 8n.
      Les riverains se sont ligués contre ce projet, et au cours d’une réunion publique, dite de “concertation”, la Maire
      d’Aix a aussitôt baissé pavillon devant les hurlements de la salle”
      Le trajet du BHNS d’Aix a lui meme été rogné suite à la pression de certains habitants.

      Bref on est par sorti de l’auberge, je pense que le projet de ligne Aix Rognac est censé pour l’agglo aixoise mais politiquement compliqué à mettre en œuvre.

      En dehors de cela il restera encore un flux d’automobiliste qui viennent de Salon, du Var ou de Manosque pour travailler sur le pôle…
      La solution ne dépendra pas seulement des électeurs urbains d’Aix.

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  3. kukulkan kukulkan

    mais quelle ineptie d’encore élaborer des gros projets routiers en 2023 ! BHNS ou TER oui ! c’est ça la solution et rien d’autre !

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  4. Marc Pena Marc Pena

    Pardon, mais vous savez qu’il n’existe pas qu’une « opposition » à Aix ?
    Vous savez que nous intervenons sur tous les sujets que vous abordez ?
    Vous regardez le Conseil Municipal ?
    Vous écoutez nos interventions ?
    Vous lisez nos communiqués ?
    Marc Pena cela vous parle ?
    Je suis consterné par des articles qui ne reflètent en rien la vie politique aixoise
    Marc Pena

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    • Patafanari Patafanari

      Le retour du phénix aixois.

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  5. polipola polipola

    Un poil égocentré le phénix !

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    • Patafanari Patafanari

      Article paru dans Marsactu: Portrait
      par Coralie Bonnefoy
      le 3 Fév 2020

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