À Euroméditerranée, la présidente demande la tête du directeur

Actualité
le 12 Juil 2018
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Le 3 juillet dernier, la présidente d'Euroméditerranée, Laure-Agnès Caradec ajournait une séance de son conseil d'administration, après avoir lu un texte actant d'une rupture de confiance avec le directeur général de l'établissement Hugues Parant. Un bras de fer est désormais noué entre État et collectivités au-dessus de la tête de ce dernier.

Hugues Parant et Laure-Agnès Caradec, directeur et présidente d
Hugues Parant et Laure-Agnès Caradec, directeur et présidente d'Euroméditerranée. (BG)

Hugues Parant et Laure-Agnès Caradec, directeur et présidente d'Euroméditerranée. (BG)

Une bombe. Quelques mots et une lente déflagration dont les effets en cascade sont encore difficiles à percevoir. Comme le rapportent Gomet et la Marseillaise, le 3 juillet dernier, le dernier conseil d’administration de l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée a été ajourné sine die. La présidente, Laure-Agnès Caradec a ouvert la séance par la lecture d’un court texte préparé à l’avance. Selon plusieurs sources, ce texte court visait explicitement le directeur général d’Euroméditerranée, Hugues Parant.

Le différend couvait depuis des mois entre les deux têtes de l’exécutif : le directeur général, nommé en conseil des ministres, descendu d’un cran de son rang de préfet de région pour mettre les mains dans le cambouis d’opérations d’aménagement (lire notre article), et la présidente du conseil d’administration, élue sur le contingent du département mais fidèle des fidèles du maire de Marseille. Selon des proches de cette dernière, Hugues Parant la renverrait sans cesse à son rôle statutaire de présidente de conseil d’administration, non exécutive.

Un couple bien rodé

Le rôle a déjà été tenu par des socialistes, Michel Vauzelle ou Bernard Morel et des hommes de droite, Renaud Muselier Jean-Claude Gaudin ou Guy Teissier dans les mandats précédents. Mais, jusqu’à présent, président et directeur fonctionnaient dans un binôme technique et politique au jeu de rôles bien établi. Jean-Michel Guénod puis François Jalinot ont été, chacun à leur manière, les vrais patrons d’Euroméditerranée. Jalinot qui a occupé  ce poste pendant 12 ans a toujours pris soin de laisser une vraie place aux présidents durant leurs mandats successifs. Entre Hugues Parant et Laure-Agnès Caradec, première femme élue à ce rang, le jeu s’est très vite grippé. Obligeant certains proches des deux dirigeants à jouer les intermédiaires sans grand succès, disent-ils à mots couverts.

Pas associée aux décisions, maintenue dans le flou sur l’avancement des projets, toujours selon des proches, Laure-Agnès Carradec a donc fini par montrer son autorité dans l’instance qu’elle préside politiquement, mettant les neuf représentants de l’État devant le fait accompli d’un blocage de l’établissement public. Constitué à parité de fonctionnaires des ministères concernés et d’élus des collectivités locales, le conseil d’administration se réunit au moins deux fois par an “pour régler par ses délibérations les affaires de l’établissement”. En réalité, c’est statutairement le directeur qui le gère au quotidien. “Ce n’est pas une présidence déléguée, c’est clair, note un observateur avisé de la vie d’Euroméditerranée. Mais l’intérêt d’un tel poste est justement d’être associé aux décisions, surtout pour quelqu’un comme Laure-Agnès qui ne vit que pour le projet”.

Vassal, Muselier et Gaudin dans la boucle

Selon plusieurs sources, Laure-Agnès Caradec a prévenu l’ensemble des têtes d’exécutif : Renaud Muselier, Martine Vassal et Jean-Claude Gaudin, les informant de sa décision d’agir mais sans pour autant demander leur aval. Y compris celui du président et maire dont la voix est censée porter plus fort et dont elle est encore l’adjointe. Par courtoisie, certains représentants de l’État ont également été alertés.

Selon La Marseillaise citant un témoin, Hugues Parant est resté stoïque à l’écoute des propos de la présidente. Celle-ci a expliqué la perte de confiance à la tête de l’exécutif, l’absence de dialogue, de participation aux décisions, au suivi des dossiers stratégiques de l’opération d’intérêt national. Une fois le texte lu, l’ensemble des représentants des collectivités locales se lèvent et quittent la séance. L’affaire avait été évoquée lors d’un repas pris en commun avant la séance. Depuis silence dans les rangs.

Silence dans les rangs

Laure-Agnès Caradec se refuse à commenter son geste et ses conséquences. Une position partagée par l’ensemble des élus présents, de Gérard Chenoz à Marine Pustorino pour la Ville et la métropole. De Xavier Cachard pour la région à Martine Vassal pour le département. Comme si tous laissaient la vague déflagratrice se propager en attendant de voir qui elle emporte avec elle. Hugues Parant se borne au même silence. Du côté d’Euroméditerranée, on signale que ce silence est statutaire : les membres du conseil d’administration comme le directeur n’ont juridiquement pas vocation à commenter ce qui s’y passe.

Or, l’opération d’intérêt national est à un tournant. Stratégique pour la Ville et la métropole, elle fonctionne comme une petite PME, avec un personnel resserré et un budget limité. A contrario, son terrain d’action, composé des deux périmètres successifs, va du Vieux-Port à la Cabucelle, englobant une large part du littoral Nord de la ville. Son effet de levier est volontiers décrit comme essentiel au développement de l’aire urbaine au sens large.

Négociations en cours

Depuis des mois, collectivités locales et État ont commencé les discussions autour du nouveau protocole qui doit permettre de finaliser les orientations du second périmètre, de 2020 à 2030. Là encore, aux dires de plusieurs connaisseurs du dossier, le calendrier des discussions autour du prochain protocole était un des sujets maintenus dans le flou par l’exécutif. Du côté d’Euroméditerranée, au contraire, on affirme que les discussions ont déjà commencé et qu’elles se déroulent sous l’égide de la préfecture. Ce protocole doit donner les grandes lignes des projets, avec un calendrier précis et une clef de répartition des financements entre collectivités, État et fonds propres (par la vente de terrain et les droits sur les zones d’aménagement). Au cœur des discussions également, la gouvernance : représentants de l’État et des collectivités siègent toujours à parité au conseil d’administration alors que désormais ce sont les collectivités qui paient davantage.

En interne, l’expression parfois cassante d’Hugues Parant désarçonne certains, d’autres vantent son écoute et sa capacité à entendre tous les points de vue. Ses détracteurs soulignent tout de même les nombreux départs qui ont suivi celui de son prédécesseur François Jalinot. Celui d’Hugues Parant est-il acté ? Pour l’heure, il poursuit sa mission comme si de rien n’était, jouant un “c’est elle ou moi” que d’autres vont devoir trancher.

Quelques jours après le conseil d’administration avorté, vendredi dernier, Hugues Parant s’envolait seul pour Palerme pour y découvrir comment la ville vit au rythme de Manifesta, un évènement culturel que Marseille doit accueillir en 2020. Une manière de prendre de la distance avec le jeu marseillais, en choisissant une destination de vacances.

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Commentaires

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  1. corsaire vert corsaire vert

    Ne seraient ils pas un peu trop nombreux dans les instances dirigeantes ? à force de nommer pléthore de dirigeants à la tête de MPM ils commencent à se faire de l’ombre .
    Partager le gâteau ce n’est pas évident !!!

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