Moraine : "C'est un lancement de campagne, on n'attend plus que le général"

Moraine : "C'est un lancement de campagne, on n'attend plus que le général"

Ils étaient tous là. Les conseillers d'arrondissements du 6/8 bien sûr, dont beaucoup forment la garde rapprochée de Jean-Claude Gaudin, compagnons de route de longue date ou jeunes pousses à la tête des groupes dans les assemblées locales. Yves Moraine est de ces derniers, dont le statut s'est vu conforté jeudi par son adoubement à la mairie de Bagatelle, fief de Gaudin.

Pour assister à son élection, mais aussi souhaiter bon vent dans le 1/7 à son prédécesseur Dominique Tian, de tous les arrondissements de la ville, le sénateur-maire du 4/5 Bruno Gilles, le 1er adjoint au maire Roland Blum et la future n°2 de la liste UMP dans les 13e et 14e arrondissements, Nora Preziosi… Même le très discret Claude Bertrand, directeur de cabinet de Gaudin depuis toujours, était de la partie. Tous, ou presque. L'absence du maire des 9e et 10e arrondissements Guy Teissier et de ses proches rappellent que le rassemblement de l'UMP locale n'est pas aussi complet que le suggérait l'ambiance de la soirée.

"Vous êtes mon Maître"

Dans le Tempo Bagatelle converti pour l'occasion en salle du conseil, l'ambiance est à mi-chemin entre le banquet de famille et les prémices d'un mariage. "Je tiens à remercier l'ensemble des élus importants de la mairie centrale et des mairies d'arrondissements venus nous enterrer euh.. nous entourer", trébuche Dominique Tian. On met gentiment en boîte le futur maire de secteur, son goût pour les cigares et le cognac. Même la communiste Marie-Françoise Palloix, émue du départ de Dominique Tian, "avec qui on pouvait quand même travailler bien qu'on ne soit pas du même bord", se prête au jeu : "J'espère que ce sera de même avec Yves Moraine, qui paraît un peu plus hautain et bourru. Mais au fond je pense que cela cache une grande timidité". Rires dans la salle, comme on dit.

Sous la houlette d'André Malrait, doyen des élus à la mairie et au conseil général, le passage de témoin entre Tian et Moraine est l'occasion de tourner les pages du livre d'or du gaudinisme. "C'est ici à Bagatelle que tout a commencé, en 1978", rappelle-t-il. Au gré des digressions dont il a le secret, Jean-Claude Gaudin s'arrête à la fin des années  1980 pour glisser quelques compliments à son lointain successeur : "Yves était déjà jeune candidat à mes côtés quand il avait seulement 19 ans. C'est un talentueux avocat formé aux côtés du bâtonnier Allegrini [par ailleurs adjoint au bataillon des marins-pompiers, ndlr]. Son élocution impressionne tout le monde et il arrive à contenir l'opposition au conseil municipal."

L'intéressé n'est pas moins dithyrambique à l'égard de son mentor. "Je suis fier d'être votre collaborateur et je n'aspire qu'à le rester. Pour moi c'est clair : en politique, vous êtes mon Maître [La majuscule est d'origine, ndlr], dans la vie, vous êtes mon ami". Au fil de son discours d'intronisation, Moraine semble presser dans finir avec le vrai/faux suspense autour de la candidature Gaudin. Appuyé sur une défense de son bilan – "dense, impressionnant, incontestable" – suffisante pour remplir une grille de BinGaudin, il poursuit dans cette veine.

Ce qui compte, c'est le futur, il faut continuer (…) Arena, téléphérique jusqu'à Notre-Dame de la Garde, 2e tranche des travaux du Vieux-Port, casino sur le J1, capitale européenne du sport en 2017 (…) Monsieur le maire, nous voulons écrire avec vous cette nouvelle page de l'histoire de notre ville.

En aparté, l'auteur de cet appel "ne conteste pas" qu'il constitue "un lancement de campagne. Tian dans le 1/7, Biaggi dans le 2/3, Miron dans le 13/14 : on va chez l'adversaire, on organise l'armée, on se met en ordre de bataille et on n'attend plus que le général. C'est "le premier acte fort de notre famille politique en vue des municipales." Dans son discours de départ, Tian a effectivement tenu à saluer "le courage" de ces autres conseillers du 6/8 qui, comme lui, "vont monter à l'assaut de forteresses autrement plus difficiles à prendre".

"Et si c'est le oaï à Bagatelle ?"

Interrogé, Dominique Tian reconnaît contredire un engagement pris lors de ses voeux au cours desquels il avait déclaré : "Je ne vous abandonne pas, je terminerai mon mandat". Aujourd'hui, il revient sur sa promesse : "J'ai pensé après coup que j'avais dit une bêtise. Il ne faut jamais ajouter des choses au dernier moment… Il y avait une volonté de ne pas trahir les électeurs. Mais en même temps si on quitte un secteur, on le quitte. Et j'ai commencé à me dire « et si la transition se passe mal ? Et si c'est le oaï à Bagatelle ? » Ça laisse le temps à Yves Moraine de prendre ses marques". Ce dernier approuve : "Il s'est aperçu que ça allait devenir trop compliqué de faire les deux. J'aime bien cette succession dans la concorde, pendant que les autres se battent entre eux".

Mais s'il anticipe son départ, Tian n'est pas pressé de se frotter à Patrick Mennucci, maire sortant du 1/7, pour lequel il se risque à la comparaison animalière : "un grizzly sur une banquise avec une volonté de nous griffer". Pour l'heure, il observe avec amusement les primaires, qui l'ont contraint à arrêter son intense collage d'affiche, tant il se faisait recouvrir par les six aspirants candidats socialistes. "On est en campagne discrète. Tant que le maire n'est pas déclaré, c'est compliqué."

C'est le pendant de la "concorde" : la soumission au tempo et aux directives du patron. "Dominique a un petit défaut : il s'entête parfois, lançait Gaudin pendant sa mise en boîte. Alors que je mets quelque temps à lui expliquer les choses. Mais il finit toujours par dire « de toute façon je ferai ce que vous décidez »." C'est aussi ça "l'élégance décontractée" de Bagatelle : accepter avec le sourire quand un ordre tombe d'en haut.