Listes Gaudin : le trompe-l'oeil du renouvellement

Listes Gaudin : le trompe-l'oeil du renouvellement

L'image est parfaite. Sur plusieurs rangs, écharpe bleue au cou, ils posent pour la postérité depuis la place d'armes du Fort Saint-Jean, avec le bâtiment emblème du Mucem en contrebas et le ciel gris de ce premier lundi de mars en arrière-fond. Ensemble, ils sont censés incarner le renouvellement et le rajeunissement de l'UMP autour du patriarche. L'image raconte également l'unité et la discipline dont sait faire preuve la droite locale, loin des tensions socialistes en cours. Discrètement, depuis plusieurs mois, l'équipe Gaudin s'est efforcée d'encourager le départ de certains membres historiques de sa majorité. Lors de la présentation de ses têtes de listes, le maire insistait sur cette douloureuse tâche : "Ça c'est mon rôle. Ce n'est jamais facile de dire à des amis qui vous sont fidèles depuis 18 ans et qui assument des délégations importantes qu'ils doivent partir. Certains se retirent d'eux-mêmes. À d'autres, j'ai dû dire que la nécessité du renouvellement imposait qu'ils le fassent. Tous ont accepté".

L'adieu aux grognards

À part quelques couacs au centre avec l'arrivée annoncée puis démentie de Childéric Muller ou le départ du vice-président de l'UDI 13, Hakim Hallalen, vers la liste Assante (11/12) après son éviction de la liste UMP du 6/8, la lessive de linge sale s'est faite tard le soir dans une arrière-cour. Du coup, "sur la base des sièges obtenus en 2008, l'équipe au conseil municipal [est] renouvelée à près de 40%", se félicite le dossier de presse qui accompagne les listes par secteur. Ils sont donc 16 à prendre la porte sans se retourner, dont certain(e)s grognard(e)s du Gaudinisme.

Ainsi s'en vont Jean-Louis Tourret, l'adjoint aux finances, Danielle Servant qui avait la haute main sur les droits de sols, Jeanine Imbert, la dame de l'opéra, Claude Vallette à l'urbanisme et bien d'autres¹ encore. Il y a aussi des départs plus fracassants comme celui du maire de secteur des 11/12, Robert Assante qui se présente une nouvelle fois contre la députée UMP, Valérie Boyer et celui de l'éternel dauphin, Renaud Muselier, qui préfère les horizons européens aux chicayas locales et déserte la campagne.

Parmi ces 16 sortants, certains font une dernière révérence électorale. Ainsi, José Allégrini apparaît en dernière place de la liste du 9/10 avant d'endosser la robe du médiateur de la Ville en cas de victoire de son mentor. Déjà en retrait depuis plusieurs mois, Michel Bourgat fait un dernier tour dans le 13/14 en attendant sa retraite alpine. Quant aux candidats du 9/10, Colette Babouchian et Daniel Hermann, ils ont peu de chances d'être reconduits à Bargemon. Pour ce dernier, il y a là encore un symbole : en trois mandats, Jean-Gaudin a usé trois adjoints à la culture. L'élan de 2013 n'a pas assuré à Hermann de conserver son fauteuil. Lui-même évoque sa "lassitude".

Des promus déjà connus

En face de ces sortants, l'équipe Gaudin promeut 19 "nouvelles personnalités [qui] pourraient faire leur entrée au conseil municipal". Elle distingue les dix "conseillers d'arrondissements actuels promus" à la grande mairie et les personnalités issues de la société civile. Porté par ce supposé élan de fraîcheur, (trois femmes et six hommes), apparaît Patrick Zaoui… un sortant élu en 2008 sur les listes de Guérini. Ce qui ne donne pas à cet ancien Modem l'onction de la nouveauté. D'autres personnalités étaient déjà candidates en 2008, certes à des places plus symboliques : c'est le cas du syndicaliste d'Alliance police Jean-Claude Delage (candidat dans le 6/8 en 2008), du directeur d'école privée, Xavier Méry (candidat dans le 13/14 en 2008).

D'autres ne sont pas élus mais des collaborateurs de ces derniers. Dans le 11/12, Julien Ravier était attaché parlementaire de Valérie Boyer avant de rejoindre Kedge Business School puis les listes Gaudin. Dans le 13/14, Romain Airaudo était chef de projet de la politique de la ville dans le 13e sous la délégation de la même députée avant de rejoindre la liste menée par Richard Miron en 5e position.

Quant aux conseillers d'arrondissements soit-disant promus, là encore, on trouve des revenants. Sabine Bernasconi, conseillère générale, est vice-présidente de la communauté urbaine sortante et ancienne conseillère municipale élue en 2001. Lionel Royer-Perraut, collaborateur parlementaire de Guy Teissier, tient également son siège à MPM depuis 2008.

L'inconnue de la CUM

Or, à la communauté urbaine de Marseille (CUM), les places sont chères. Avec la réforme Sarkozy, le nombre des conseillers marseillais est passé de 83 à 69 au 1er janvier 2014. A l'automne, un conseiller communautaire faisait état de la fébrilité chez des sortants qui craignaient de ne pas retrouver leur siège. "Je leur ai dit que pour garder nos postes, il fallait gagner largement", expliquait ce dernier. Pour s'assurer d'une majorité même courte, il faut pouvoir compter sur ses troupes.

En matière de renouvellement, la droite affirme faire plus d'effort au Pharo qu'à Bargemon : "Nous avons 42 sortants et seul un tiers est en position de retrouver son siège". Mais, après la dernière réforme des collectivités locales qui a toiletté les spécificités électorales de Paris, Lyon et Marseille, les têtes de liste de secteur entrent directement dans l'hémicycle du Pharo. Certaines des "nouvelles têtes" attendues pourraient donc s'appeller Solange Biaggi, Dominique Tian, Richard Miron ou Arlette Fructus.

Le renouvellement peut aussi avoir l'avantage d'associer à ces cadres des élus neufs au tempérament plus godillot. Car l'équipe Gaudin ne veut pas reproduire la mésaventure de 2008 où le vote d'élus mécontents avait permis à Caselli de s'asseoir au perchoir. Renouveler l'équipe municipale tient du symbole, la clef du pouvoir est à la communauté urbaine. Si Gaudin la perd, il voit fondre sa capacité financière. Ce qu'un conseiller communautaire UMP sortant formule ainsi : "Gagner la Ville sans avoir la CUM, ça ne sert à rien. Si on ne l'a pas, on sait qu'on ne pourra pas faire grand chose".

"C'est un peu des blancos"

Croisé à la sortie de la présentation des listes, un ancien conseiller d'arrondissement venu en curieux glisse un commentaire : "Comme dirait Valls, c'est un peu des blancos". C'est une autre des difficultés : la fable d'une liste construite "à l'image des Marseillais". Peu à l'aise avec les questions de diversité, le candidat Gaudin avait du mal à citer les personnalités d'origine maghrébine, africaine ou comorienne, voire asiatique, qui ajouteront un peu de couleur à sa majorité en cas de victoire. "Jusque-là, c'était Nora Preziosi qui jouait ce rôle dans la majorité. Ne vous inquiétez pas il y aura d'autres candidats divers et variés", expliquait-il, lundi, un peu gêné aux entournures au point de s'accrocher à la branche usée de Marseille Espérance. 

Comme si ce conseil rassemblant les représentants religieux suffisait à assurer la représentation des citoyens de toutes origines qui font la ville. Au passage, il passe par pertes et profits ceux et celles qui jouaient ce rôle lors des précédents scrutins. Ainsi l'ancienne égérie Myriam Salah-Eddine, conseillère municipale en 2001 et communautaire depuis 2008, a disparu des listes après s'être peu à peu écartée de la ligne officielle. Elle a fini par se lasser d'être l'Arabe de service.

La communication officielle du candidat Gaudin insiste plus sur la représentativité "de toutes les couches de la population". "Afin de ne pas donner une place trop importante à un lobby en particulier, c'est d'abord la recherche d'un équilibre entre les catégories socio-professionnelles qui a guidé l'élaboration des listes", écrivent-ils en sous-titre. A l'appui, le document de com' livre des statistiques flatteuses sur la part des salariés du privé (23%), les retraités (19%) ou les professions libérales et indépendantes. Mais, là encore, si on se focalise sur le haut des listes, on retrouve essentiellement des professionnels de la politique et des CSP+.

Enfin, dernier accroc dans le tableau du renouvellement, le premier cercle de quadras et quinquas qui ne quitte pas le maire d'une semelle sont tous des élus sortants. Et le cercle plus étroit des hommes de l'ombre n'a pas bougé depuis plusieurs décennies. L'homme des chiffres et de la science électorale, Maurice Battin, n'a pas confirmé sa récente élection au conseil régional par une arrivée sur les listes. Il est au côté de Jean-Claude Gaudin depuis 1986. Le directeur général des services, Jean-Claude Gondard le fréquente activement depuis 1990. Officiellement, il n'est pas dans le staff de campagne, mais très présent dans la rédaction des fiches que le maire absorbe avant de répondre à la presse. Quant au "maire bis", Claude Bertrand, il n'apparaît jamais mais continue de tirer les ficelles comme il le fait derrière Gaudin depuis la fin des années 1970. Pas franchement, le symbole du renouvellement.

1. Les sortants définitifs sont Renaud Muselier, Solange Moll, Danielle Servant, Françoise Gaunet, Jose Allegrini, André Caméra, Michel Bourgat, Jacques Rocca Serra, Jeanine Imbert, Elske Palmieri, Claude Vallette, Bernard Susini, Hélène Venturino et Eliane Zayan, Colette Babouchian et Daniel Hermann. [Retour au texte]