Le thon rouge victime de l'appât du gain

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le 19 Oct 2011
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Dans le calendrier du thon rouge, et donc dans celui des campagne des ONG, il y a deux dates à marquer d’une croix blanche : le 15 mai, période traditionnelle de l’ouverture de la pêche (pour un mois ces dernières années). Et la mi-novembre, où se réunissent les représentants des 48 pays membres de l’ICCAT (la commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique).

Plus précisément pour 2011 du 11 au 19 novembre à Istanbul. Cette organisation internationale a pour but de veiller à la protection des espèces de poissons migrateurs de l’océan Atlantique et de la Méditerranée, dont le plus célèbre hôte est le thon rouge mais aussi ses cousins comme le thon germon, appelé aussi thon blanc, le thon albacore, l’espadon ou la bonite, qu’on connait mieux sous le nom de pélamide sur le Vieux-Port.

De tous ces poissons pélagiques, c’est le thon rouge qui est le plus surveillé, car celui dont la chair est la plus prisée, notamment au Japon, et qui donne lieu à un véritable business annuel mondial de plusieurs centaines de millions d’euros. Et malheureusement tous les marchés gris et noirs qui vont avec. C’est l’ICCAT qui fixe chaque année le TAC (taux admissible de capture), des quotas de pêche par espèce, qui sont censés ne pas être dépassés par les pêcheurs professionnels.

Ce TAC est basé sur des études scientifiques, et doit permettre à ces espèces déjà très menacées par la pollution, de conserver une population suffisante afin de pouvoir continuer à se reproduire et à faire perdurer l’espèce. Des quotas qui fâchent généralement tout le monde. Les ONG environnementales comme Greenpeace qui trouvent qu’ils sont trop élevés et les syndicats de pêcheurs, dont on connait bien à Marseille leur très distingué porte-parole, le marseillais Mourad Kahoul, qui contestent le fait que le thon rouge soit en voie de disparition en Méditerranée, et souhaitent des quotas beaucoup plus souples.

Une étude qui vient d’être rendue publique par l’ONG américaine Pew Environment Group risque encore de fâcher tout rouge Mourad Kahoul. Les scientifiques qui ont travaillé sur cette étude intitulée « mind the gap/le grand écart » ont comparé tout simplement les quotas « quota set » de pêche de thon rouge fixés par l’ICCAT et les chiffres de vente tout à fait officiels « recorded trade »  de ces poissons, obtenus auprès des autorités comme les ministères de la pêche ou les services des douanes. Et la différence entre les deux, le fameux « gap » est impressionnante :

source Pew Environment Group

Toujours selon les chiffres de cette ONG , si le nombre de thons capturés a diminué ces dernières années, grâce aux quotas, l’écart entre ces prises officielles et ce qui est vendu sur les marchés se creuse. Le thon rouge est donc de plus en plus victime de pêche illégale. L’Italie par exemple est soupçonnée de ne pas faire grand chose pour faire stopper la pêche aux filets dérivants, longs de plusieurs km et pourtant interdits. Les « fermes de grossissements » sont aussi montrées du doigt. Des jeunes thons rouges sont capturés en mer puis enfermés dans d’immenses cages flottantes où on les fait grossir pour ensuite les tuer et les commercialiser.

Comme le thon ne s’élève pas en aquaculture c’est aussi une façon de les exploiter. Ces thons élevés sont aussi soumis aux quotas de l’Iccat, mais comme ils sont très difficile à comptabiliser les experts de Pew Environment Group soupçonnent certains « fermiers » de vendre beaucoup plus de poissons qu’ils n’en déclarent. Ces tuna farms posent de nombreux autres problèmes écologiques comme l’explique cette vidéo :

Comme tous les ans, à quelques jours de l’ouverture de la prochaine commission de l’Iccat qui doit fixer pour l’an prochain les futurs quotas de pêche, les ONG font donc monter la pression, et aimeraient même obtenir un moratoire sur la pêche du thon rouge en Méditerranée, ce qui fait hurler les syndicats de pêcheurs de Marseille et de Séte, les deux grands ports thoniers français. Ils estiment de leur côté que la fraude est faite par les autres, les navires usines japonais qui croisent dans les eaux internationales, et aussi dans ces fameuses fermes.

Quoiqu’il en soit si des mesures rapides et draconiennes ne sont pas prises à Istanbul, comme au moins un meilleur contrôle des pêches, la pluspart des scientifiques s’accordent à dire que le « stock » de thunnus thynnus n’est pas près de se reconstituer. Mais on n’arrête pas comme ça un business, qui selon l’étude de Pew Environment Group aurait généré 10 milliards d’euros depuis 1998.

Un lien Des navires « lybiannisés » à la comm’ des ONG, plongée dans la filière avec Trésor rouge, un livre très documenté

Un lien Et l’interview sur Marsactu de son auteur, pour qui « Maurad Kahoul n’est pas forcément l’image que veulent dégager les pêcheurs ». Ouf...

Un lien Dernière minute : la France condamnée à 57 millions d’euros d’amende par l’Europe pour défaut de contrôle de la pêche

Un lien L’étude de Pew Environment Group, et en français s’il vous plait :

 

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Commentaires

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  1. céhère céhère

    Article très intéressant et fort documenté. Merci.

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  2. titoune titoune

    L’appât du gain! Cette phrase suffit pour expliquer l’immense bêtise du comportement
    humain.
    Pour moi,malgrè l’été indien que nous vivons,c’est l’automne,celui de ma vie.J’ai connu la fin de la guerre et vécu nôtre façon d’évoluer jusqu’à maintenant.En un siecle l’homme aura ,
    au nom du pouvoir,et donc de l’argent,tout foutu en l’air.
    Un monsieur disait,avec raison::Quand le dernier arbre sera coupé,
    quand toute l’eau sera poluée,quand il n’y aura plus de poissons à pêcher,
    l’argent ne servira pas à se nourrir!! En sommes nous si loin?
    L’homme n’a pas bien compris que malgrè toute la richesse qu’il peut
    avoir, il ne possède rien ! Il appartient à ce qu’il croit possèder.Mème s’il l’a payée
    tres cher,il ne sera jamais que locataire et passager de la superbe grande maison
    qu’il vient d’acheter. Il sera aussi l’esclave de la superbe bagnole dans laquelle il fait le beau.
    Aujourd’hui un pêcheur professionel est obligé d’investir beaucoup d’argent
    dans un bateau capable d’aller bien plus loin pour trouver du poisson.Ces genres de bateaux
    consomment jusqu’à 3000 litres de fuel par jour de pêche.Ca peut aussi expliquer pourquoi
    ils ont besoin de pêcher plus.Mais plus+plus,un jour ça fera 0!!

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  3. pieeb pieeb

    il y a 40 ans que je vais au large cette année des thons il y en a de partout . des juveniles des moyens des gros le probleme ne vient pas des filets derivants mais des senneurs aux baleares pendant les perodes de fraie. Mourad a tort dans ses propos mais les ecolos integristes devraient sortir oh pas tres loin 5 a 6 miles dans le sud de riou c’est la fete thons dauphins espadons ect ect une fois de plus un combat entre 2 aveugles…..

    Signaler
  4. totodu13 totodu13

    Bonsoir à tous et merci Pierre pour ce bel article dont l’air iodé nous a changé des effluves du compostage des déjections politiciennes.
    Le Mouvement Démocrate des Totos s’exprime… et apporte sa modeste contribution à un sujet qui lui tient à cœur: la santé. “Rien à voir avec ces pauvres thons rouges” me direz-vous ? Pas sûr ! Voyez la suite.. Sans vraiment connaitre ce pays, je suis tombé sur le site de Santé Canada qui est un ministère fédéral en charge d’améliorer la santé des canadiens.
    Pour ne pas être trop long, allez là http://www.hc-sc.gc.ca/ahc-asc/index-fra.php pour ceux que ça intéresse. Sans faire d’angélisme sur la pratique des autres pays, le principe est intéressant, y compris dans l’esprit collaboratif d’échange d’informations entre la population et ce ministère qui règlement et approuve l’utilisation de milliers de produits (aliments, médicaments..).
    Donc, tiré de leur travail de recherche sur le sujet, à suivre quelques conseils précieux dans la consommation des poissons si vous êtes enceinte, ou sur le point de l’être, si vous allaitez, si vous avez des jeunes enfants…ou tout ça à la fois. Finalement, cela fait pas mal de monde !
    Allez là : http://www.hc-sc.gc.ca/fn-an/securit/chem-chim/environ/mercur/cons-adv-etud-fra.php
    Rien d’alarmant, mais les portions mensuelles recommandées lors de la consommation de thon par exemple par les populations citées, sont étonnamment faibles (75 à 150 g suivant le cas). Notez toutefois la longue liste d’autres produits de la mer, dont le saumon et le maquereau, qui sont très bons pour la santé. La sardine, injustement zappée de cette liste, en fait aussi partie puisque “non prédateur”.
    Pour finir sur un tout petit cocorico qui s’étrangle en fin de fanfare, allez maintenant là http://www.anses.fr/PNFB01.htm pour voir ce que préconise l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (qui a remplacé l’AFSSA depuis 2010). Les alertes y sont pour les populations spécifiques, mais atténuées par le “à titre de précaution” et non traduites pour la population générale en terme de portion recommandée hebdomadaire (150 g/semaine de thon par ex. pour les canadiens et pour l’AFSSA, ceci :”Pour l’ensemble de la population [donc hors populations sensibles citées], l’Afssa estime que la consommation de poissons ne présente pas de risque pour la santé au regard du risque lié au méthylmercure.”). L’écart d’appréciation est surprenant. Pour finir d’être mauvaise langue, le thon n’y est inscrit qu’en tout petit tout en bas du document dans le renvoi (2)…c’est à dire contrairement au classement canadien, il n’est pas référencé parmi les plus “contaminés”.
    On n’est finalement pas beaucoup plus con que les canadiens; juste plus discret quand cela concerne un marché de plusieurs millions d’euros.
    J’espère me tromper et qu’un spécialiste apportera un éclairage plus optimiste que cet insupportable insinuation.
    En attendant, n’oubliez pas : pour sauver un thon rouge, mangez un japonais… mais pas plus de 150 g/semaine ! 🙂

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  5. jojomigrateur jojomigrateur

    Istanboule de pétanque ou Istanbul ?
    Plus sérieusement, bravo pour cet article très documenté…

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