La Cour des Comptes s'inquiète du financement du Mucem

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le 9 Fév 2012
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Dans son très attendu et très médiatisé rapport annuel, rendu public hier matin par son Président Didier Migaud, la Cour des Comptes allume les dérapages, les gaspillages et autres anomalies de gestion réalisées en 2012 par l’Etat et son administration. Sur les 1200 pages du rapport, plusieurs centaines ( de pages, pas de dérapages, ouf,ouf)  sont consacrées à Marseille. APHM ( les hôpitaux publics marseillais), réforme portuaire et Mucem y figurent en bonne place. Entre la gestion hasardeuse de son récent projet d’informatisation qui a fait perdre, selon les conseillers de la Cour près de 14 millions à l’APHM, Marsactu y reviendra, et les ratés de la réforme portuaire , le Mucem est donc lui aussi en vedette. Pris dans le même filet que 8 autres grands chantiers culturels pilotés par le Ministère de la Culture, dont la modernisation des musées Picasso et d’Orsay, notre futur Musée des Civilisations de l’Europe et de la méditerranée, où il y a encore quelques semaines , le Président de la République est venu sur le chantier y adresser ses voeux au monde culturel, n’échappe pas au sévère constat de la rue Cambon. Décryptage.

Des budgets et des délais qui dérapent

Premier grief, les coûts ont explosé. En 2001, au moment de la genèse du projet, le devis ( hors centre de recherche et de conservation) était d’un peu moins de 100 millions d’euros, contre 160 millions aujourd’hui. ” Les altermoiements et les modifications de la programmation depuis 2002 ont entrainé une élévation importante du devis initial” peut on lire dans le rapport. C’est vrai que décidé à l’origine sous Jospin, ce pauvre Mucem est passé par des hauts et des bas et a connu plusieurs gouvernement et 2 Présidents de la République, avant que Gaudin ne réussisse à arracher la décision finale en 2007 au fraichement élu Nicolas Sarkozy quelques mois avant les municipales de 2008. Son ami Sarko lui devait bien ça, même si Fillon a eu du mal a signer le chèque. Du coup le chantier avance à marche forcée depuis plusieurs mois afin de pouvoir être prêt pour 2013, après avoir trainé des années sur le bureau des différents ministres de la culture qui se sont succédés rue de Valois. ” Ces délais considérables signalent des dysfonctionnements dans la prise de décision politico-administrative. Les annonces officielles sont, en effet, souvent en décalage par rapport à l’état d’instruction préalable du dossier au triple plan technique, administratif et financier” nous expliquent sagement les sages de la rue Cambon.

Allumage du PPP

Autre gros souci dans la gestion de ce projet, le Mucem couvre en réalité 3 chantiers très différents. Le musée lui-même actuellement en construction sur le J4 et imaginé par l’architecte Rudy Ricciotti, la rénovation du Fort Saint-Jean ensuite, puis le centre de recherche et de conservation du Mucem à la Belle de Mai. C’est d’ailleurs ce dernier bâtiment de plus de 10 000 mètres carrés, qui sera destiné à accueillir principalement les réserves du Mucem, qui  se fait le plus méchamment allumer par la cour des comptes, et notamment par son financement sous forme de PPP ( partenariat public privé). Attention ça va faire mal : ” Parmi les divers schémas de réalisation possible des équipements culturels , le recours aux PPP semblent rencontrer des limites si l’on en juge à l’abandon du PPP prévu à l’origine pour la construction de la grande salle philharmonique de la Villette, ou aux questions que peut susciter la réalisation du centre de recherche et de conservation du Mucem. Le coût complet de cette dernière opération ( coût d’acquisition et de maintenance) s’élève à 93,8 Millions d’Euros, avec 33,06 millions pour l’investissement et la provision pour dédit, 26,7 millions pour les charges financières et 34,06 pour la maintenance, montant à mettre en regard du seul coût de la construction du bâtiment estimé au départ à 21,1 millions d’euros et aujourd’hui de l’ordre de 30 millions“. Ce sorte de “crédit-bail” comme nous l’avait décrit le directeur général du patrimoine au ministère de la culture, lors de la pose de la première pierre de ce bâtiment, risque en réalité de coûter très, très cher aux finances publiques. Ce qui promet d’ailleurs pour le futur Stade Vélodrome qui a choisit d’utiliser ce même type de financement.

L’inconnu des frais de fonctionnement

Enfin , le rapport de la cour des comptes s’inquiète de la non prise en compte des futurs crédits de fonctionnements alloués au Mucem ” Les budgets de fonctionnement en année pleine pour le centre des archives de Pierrefite-sur-Seine, le Mucem, et la philharmonie de Paris ne sont pas encore stabilisés sous prétexte d’une montée en puissance étalée de 2013 à 2015. Dans l’attente d’estimations plus précises et d’arbitrages sur la taille, le nombre et la répartition des emplois ainsi que sur le mode de fonctionnement de ces structures, les subventions du ministère ont été arrêtées à 12 millions d’euros pour le Mucem“. Donc si on comprend bien, si les investissements pour la construction des 3 bâtiments ont bien été bouclés, rien n’a vraiment encore été finalisé pour le fonctionnent du Mucem, y compris sur son modèle économique, ce qu’à reconnu d’ailleurs la ministre de la culture Frédéric Mitterrrand dans sa lettre de réponse au rapport de la Cour des Comptes “Les budgets de fonctionnement des nouveaux équipements, comme le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) et la Philharmonie de Paris, seront finalisés au cours du premier semestre 2012 dans le cadre de la préparation du budget triennal du ministère pour les années 2013 à 2015. Les statuts sont en cours d’élaboration : le MuCEM sera ainsi constitué en établissement public à caractère administratif en 2012. A l’instar de ce qui a été fait pour ces deux grands projets, les futures créations d’équipement donneront lieu systématiquement à une analyse du modèle économique des établissements avec un recours accru à des plans d’affaires et à des études précises sur le public et la fréquentation. Il s’agit ainsi de garantir la soutenabilité globale des projets”.

C’est donc un gros signal d’alarme que tirent les conseillers à la Cour des Comptes ” tant en investissement qu’en fonctionnement, le financement des grands équipements culturels en cours de réalisation exposent donc le budget du minstère de la culture à des tensions importantes dans les prochaines années”, c’est normal, c’est leur job. Comme d’autres grands équipements culturels, le Mucem aura surtout une vie après son inauguration en 2013, et on a parfois l’impression que cet aspect des choses est pour l’instant un peu mis de côté. Avoir un grand musée national , un des rares en dehors de Paris, comme le souligne d’ailleurs ce rapport, constitue un véritable privilège, également un grand geste architectural pour Marseille, mais on espère aussi que les ambitions dans son contenu et dans son fonctionnement seront à la hauteur du reste.

Un lien Ci-dessous, le rapport de la Cours des Comptes :

A lire:

Un lien Les perles du rapport de la Cour des Comptes, sur Le Monde.fr

Avec Elodie Crézé et Erika Ribéri

 

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Commentaires

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  1. lougabian lougabian

    votre conclusion est rêveuse….

    Sauf que personne n’y croît. Dans 10 ans on fera le procés des initiateurs du Mucem qui est sans doute le projet le plus aberrant de Marseille au plan économique car il n’a pas été pensé en termes de public et de fréquentation

    Si vous arrivez à plus de 200.000 visiteurs par an ça sera un miracle car le Mucem n’est absolument pas un projet de culture populaire….

    Ce sont les effets du centralisme culturel où une petite élite autoproclamée dicte des choix sans se soucier de savoir si c’est susceptible d’intéresser des gens hors du cercle

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  2. joliette13 joliette13

    « Gaudin ne réussisse à arracher la décision finale en 2007 au fraichement élu Nicolas Sarkozy » : J’imagine que c’est très cynique, car j’ai plutôt le souvenir que Gaudin préférait sur le J4 l’American Cup puis sa marina et une fois le délais de la commission dépassé en attente de la décision des Suisses, il a fallu refaire toute la phase étude.
    Le PPP est une pure aberration, on donne encore plus aux Vinci, Bouygues et collègues sur nos deniers publics.
    Je ne savais pas que Frédérique Mitterrand était une femme !!! La ministre de la Culture ??
    Belle conclusion

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  3. liseron duveteux liseron duveteux

    Ils nous prennent pour des cons.
    Et en plus ils font des rapports pour expliquer qu’ils nous prennent pour des cons.
    Le rapport du côut de fonctionnement de la cour des comptes, qui c’est qui le fait.

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  4. Tresorier Tresorier

    Il n’ya rien de bien intéressant dans l’article et e sujet traité :

    – les PPP sont des emprunts déguisés, forme de cavalerie financière pour structure surendettée (voir les empires ottomans et chinois à l’agonie pratiquant de même…),
    – la Cour des comptes remet des rapports toujours intéressants, venant d’une institution pluri-séculière, mais malheureusement peut connue et sans pouvoir. Elle voit de toutes façons son rôle s’amenuiser dans le cadre de la décentralisation, les investissements provenant d’un plus grand nombre d’acteurs qu’avant, où seul l’état investissait.

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  5. lougabian lougabian

    “Il me semble par contrer cohérent qu’on ne connaisse pas le budget d’un fonctionnement dont on ne connait pas l’objet…
    Non ?”

    . Si à un an de la livraison (je parle de l’ancien J4) vous ne connaissez pas l’objet et que vous êtes incapables de le budgéter c’est qu’il y a un problème, non ?

    Allons allons le projet est connu car il y a pas 36 recettes pour un espace avec un musée

    Ca plaira sans doute à une certaine élite culturel mais au niveau financier ça va être un gouffre

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  6. exmucem exmucem

    siderant!! on commence juste a s’inquieter et faire savoir que ce projet est une future ou deja catastrophe financiere et intellectuelle ! personne ne s’inquiete des collections , a part les mettre en caisses , on a detruit un musée qui avait servi de références , a peine 40 ans apres sa construction, on a fait un projet sur une thematique floue!l’europe et la mediterranée qui ne possede pas les collections annoncées, enfin a moins d’un an de l’ouverture, le programme n’est toujours pas finalisé! les principaux responsables dorment bien, et leur salaire est tres confortable ! tout est bien donc, a signaler: malgré plusieurs appels a la presse, ce dossier est toujours resté tres verouillé! !!!au fond c’était bien bon pour Marseille et sa region qui au final paieront

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  7. athe athe

    La rentabilité d’un tel projet – puisqu’il y a plus que ça qui intéresse – dépendra évidemment de l’exploitation d’un tel outil. Et ça, ça dépend moins d’un éventuel “projet”, plus ou moins élaboré par les “énarques” de la culture, que de la capacité de se renouveler, de créer des réels événements, de gens passionnés par leur boulot.
    La rentabilité d’un tel outil culturel ne se mesure d’ailleurs pas seulement au niveau de son fonctionnement. L’investissement culturel ne rapporte pas à tous les coups – c’est évident – mais toutes les villes européennes – et même celles qui ont une gestion toute à fait rigoureuse – le font actuellement. Toutes ont les mêmes problèmes de financement, de respect de délais et de couts, etc.; il y a qu’à voir Hambourg avec sa “Elbphilharmonie”.
    De toute façon, les équipements culturels existants ne sont pas à la hauteur d’une ville comme Marseille – il suffit de comparer. Et dans ce sens, ce MUCEM est une véritable chance; à Marseille de faire en sorte que ça rapporte plus ce que ça coute…

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  8. Mars Mars

    “Dans 10 ans on fera le procés des initiateurs du Mucem qui est sans doute le projet le plus aberrant de Marseille au plan économique”

    ahah, c’est fou les aberrations qu’on peut lire ici. On aura vraiment tout lu.

    ça m’aurait étonné que Maractu ne s’engouffre pas là dedans afin de dégommer aussi le MUCEM… décidément c’est pas de chance, tout y passe, rien n’est bon à Marseille, tout est mauvais. Tout doit être critiqué. Il n’y a rien d’alarmant dans ce que dit la Cour des Comptes comparé à d’autres projets de cette ampleur. Mais il faut bien dramatiser la chose… on est sur Marsactu quand même.

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  9. rudy ricciotti architecte rudy ricciotti architecte

    Votre article appelle les informations suivantes :
    1/ le coût des travaux du MUCEM est de 56 000 000 €HT et non plusieurs centaines ;
    2/ je ne suis pas l’architecte du centre de conservation faisant l’objet des critiques de la cour des comptes.
    Aussi, je regrette le chapeau de votre article me plaçant en co-visibilité avec le point de vue de la cour des comptes. En effet, les travaux dont j’ai la responsabilité en tant que maître d’œuvre se réalisent à un coût de construction exceptionnellement bas et voisin du coût de construction au m2 du logement social à Paris et ne sont pas critiqués par la cour des comptes.
    Ce privilège de premier musée national décentralisé, que vous semblez bouder, n’épargnant pas les lieux communs poujadistes à l’égard de la culture ; est également démonstration de la capacité des entrepreneurs, cadres et ouvriers provençaux à travailler au plus bas prix de France (ce qui est aussi notre réalité économique), en tout cas sur mes chantiers et c’est ce que les maîtres d’ouvrage reconnaissent ad minima comme qualité à mes ouvrages. Les recherches et développements technoscientifiques de cette aventure n’intéressent peut-être pas votre journal mais fascinent l’ingénierie européenne et portent des bénéfices stratégiques essentiels à l’économie nationale du BTP. Il n’est de semaine sans visites d’ingénieurs et d’architectes de toute l’Europe. Par ailleurs, le fonctionnement, le contenu scientifique, ne relèvent pas de mes responsabilités et il est critiquable de spéculer en négatif sur ce sujet sans laisser les futurs acteurs faire leurs preuves. Quand au retard de chantier éventuel je regrette de devoir vous dire que ma priorité va à la sécurité des travailleurs et à la sécurité des ouvrages. Les bobos, les élus et les bureaucrates attendront un peu pour la posture du cocktail.
    Par ailleurs, je n’ai aucune culpabilité à avoir reçu au MUCEM le Président des français. Ma culture républicaine m’ôtant tout doute à ce sujet. Je suis extrêmement reconnaissant à l’Etat de m’accorder la confiance que le local ne m’accorde pas.

    Rudy Ricciotti
    16/02/2012

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  10. Anonyme Anonyme

    Pour les coûts …
    – les “constructeurs” s’entendent directement avec les signataires des chèques … et désormais ils font ce qu’ils veulent quand ils veulent, où ils veulent et au prix qu’ils veulent !
    – et attendons 2 ou 3 ans … les jolies couleurs des résilles” annoncent l’arrivée des coûts d’entretien …

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