À Aubagne, la gauche unie en opération reconquête

Reportage
le 26 Juin 2020
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Dans l'opposition après 50 ans de gestion communiste, la liste de Magali Giovannangeli a été largement distancée au premier tour. Mais elle veut croire à la dynamique du rassemblement avec les écologistes, face à un maire sortant LR qui pointe le retour de "l'ultra-gauche".

Magali Giovannangeli, tête de liste de la gauche à Aubagne.
Magali Giovannangeli, tête de liste de la gauche à Aubagne.

Magali Giovannangeli, tête de liste de la gauche à Aubagne.

Dans les allées du marché d’Aubagne, Magali Giovannangeli claque des bises à la chaîne. Rares sont ses supporters qui demandent à respecter les gestes barrières. “Bravo !”, “on va gagner” lui glisse-t-on à l’oreille. La candidate de la liste de gauche “Rassemblé·e·s pour Aubagne” prend tous les encouragements dans la dernière ligne droite avant le scrutin de dimanche, “on en a besoin comme des coureurs.

Élue communiste au conseil municipal depuis 1989, première adjointe de Daniel Fontaine, l’ancien maire communiste d’Aubagne, en 2001 puis présidente de l’agglo de 2011 à 2014, Magali Giovannangeli est à la tête d’une opération reconquête d’une ville connue pour avoir été un bastion rouge pendant près de 50 ans. “En 2014, quand on a perdu, j’ai pleuré. Alors cette fois, j’y crois”, se persuade Naïma Deferre, une militante communiste, en tendant quelques tracts aux passants.

“C’est pour Magali ? Elle est déjà dans le sac !”, signale une femme en désignant un plastique rempli de fripes d’où dépasse le prospectus arc-en-ciel. “Tout le monde m’appelle par mon prénom, mon nom doit être trop compliqué à prononcer”, sourit la candidate.

“Repasser dans l’opposition nous a remis les idées en place”

Après la défaite de 2014, Magali Giovannangeli a dû reprendre son métier de professeure d’espagnol. “Repasser dans l’opposition, ça nous a remis les idées en place. J’ai vécu la vie des gens.” Pour cette dernière semaine de campagne, Magali Giovannangeli a pris une semaine de disponibilité. “Mais je n’ai même pas le temps de parler à mes enfants”, rigole-t-elle.

“Le rassemblement au premier tour, on a essayé mais on n’y arrivait pas.

Magali Giovannangeli

Sur le papier, rien n’est joué, notamment en raison de la forte abstention (62 %) du 15 mars. Arrivée en deuxième position au premier tour avec 24,11 % des voix, Magali Giovannangeli était largement distancée par le maire sortant Gérard Gazay (LR) avec 35,25 % des suffrages. La candidate du RN, qui a rassemblé 10,45 % des voix complète la triangulaire de dimanche. La candidate centriste soutenue par LREM Sylvia Barthélémy (11,76 %) s’est désistée à la sortie du confinement sans donner de consigne de vote. À la surprise générale car elle avait annoncé le soir du premier tour son intention d’aller jusqu’au bout.

Entre les deux tours, la liste qui s’appelait déjà “Rassemblé·e·s pour Aubagne” a fusionné avec celle de l’écologiste Denis Grandjean (8,74%). Une fusion qui s’est faite “sans difficulté” après un premier tour où la gauche est partie divisée en trois listes. Le divers-gauche Raymond Lloret avait quant à lui obtenu 8 % des suffrages et s’est retiré en appelant à faire barrage à la droite et l’extrême-droite. “Le rassemblement au premier tour, on a essayé mais on n’y arrivait pas. Alors on a décidé d’y aller sans les écologistes pour parler programme et prendre le pouls des habitants.”

Pour l’ancienne tête de liste écologiste, Denis Grandjean la fusion allait de soi. “On a commencé le travail ensemble. La fusion est cohérente, l’ensemble de nos projets ont été repris.” Il est désormais numéro deux.

“Refermer la parenthèse Gazay”

Au final, la liste revendique le soutien de six partis politiques et 50 % de candidatures “citoyennes”. “On sent qu’il y a une dynamique, on se sent portés, s’enthousiasme Magali Giovannangeli. Le programme, on ne l’a pas rédigé à trois dans un bureau. Je ne me suis jamais autant régalée pendant une campagne.”

“L’idée c’est de refermer la parenthèse Gazay aussi brillamment que l’on a refermé la parenthèse de nos dissensions politiques”, complète Denis Grandjean. La politique du maire sortant fait office de cible. Sur les quatre pages du tract distribué sur le marché, une entière est dédiée à la critique de son bilan : privatisation de la cantine municipale, fermeture de la MJC… Des décisions qui ont entrainé une large mobilisation contre le maire pour un part de l’électorat.

Comme Martine Vassal, Gérard Gazay voit face à lui “l’extrême-droite et l’ultra-gauche”.

À quelques allées de ses adversaires, Gérard Gazay fait aussi son tour de marché. Un couple l’interpelle. “On peut vous parler cinq minutes ?” À chaque pas, il s’arrête pour répondre à une demande de logement qui traîne, une place de stationnement pour personne à mobilité réduite à créer ou rassurer sur le prochain retour des “bals pour les vieux”. “Une campagne municipale, c’est 5 % de stratégie et 95 % de quotidien.”

Il balaie pourtant ses adversaires par un discours que l’on croirait copié de la candidate LR à la mairie de Marseille Martine Vassal. “C’est simple. En face, j’ai deux équipes : l’extrême-droite et l’ultra-gauche. Magali Giovannangeli porte un bilan négatif et elle est soutenue par Mélenchon. Je rappelle que ce sont les communistes qui ont mis Aubagne dans une situation financière critique.”

Le maire sortant Gérard Gazay (LR) a ajouté à son projet une page sur la gestion de la crise du Covid-19. (Image MQ)

Cinq aubagnais à la métropole

Cette “vague rouge” qui emporterait Aubagne pourrait peser dans la formation de la future majorité métropolitaine, très incertaine dans un contexte où la droite marseillaise parait affaiblie face à la liste d’union de la gauche. Avec 5 élus aubagnais fléchés pour la métropole, la ville de 45 000 habitants fait partie des territoires convoités. Même si, au conseil métropolitain, ce sont les maires de petites communes, souvent revendiqués sans étiquette, qui font le nombre.

Pourtant à Aubagne comme à Marseille, on regarde ce scrutin du Pharo de très loin. “Je n’ai pas le temps de regarder ce qui se passe à Aubagne” admet Jean-Marc Coppola, tête de liste du Printemps marseillais dans les 15e et 16e arrondissement. “Mais on veut faire un printemps provençal, on regarde tous les sièges qui peuvent être gagnés dans les villes moyennes et les villages.”

De son côté, Magali Giovannangeli assure n’avoir pas eu le temps de discuter de la métropole avec Michèle Rubirola. “On est sur les charbons ardents.” Elle qui faisait partie des fers de lance de la lutte anti-métropole voit dans un basculement de cette institution la possibilité de généraliser des propositions venues du territoire comme la gratuité des transports.

“Si la métropole passe à gauche, ce sera la vraie naissance de cette institution”, s’enthousiasme Denis Grandjean. Mais pour lui la déconnexion entre le terrain et l’assemblée du Pharo tient en partie au mode de scrutin. “Il aurait fallu un suffrage universel”, comme le prévoyait la fusion reportée avec le conseil départemental.

En attendant c’est pour le scrutin de dimanche qu’il faut mobiliser, après une forte abstention et alors que seules 29 communes restent concernées. “Il y a une ambiance d’élection partielle. On croise encore des gens qui ne connaissent pas la date du vote.” Pour mobiliser tout en respectant les gestes barrière, “Rassemblé·e·s pour Aubagne” a innové avec des meetings virtuels, variante politique des “apéros-zoom” du confinement.

“Au premier tour, pour la première fois de ma vie je ne suis pas allée votée”, confie une dame âgée derrière son masque fait maison. Elle est encore inquiète de la circulation du coronavirus. “Il est encore temps de faire une procuration”, suggère Magali Giovannangeli. “Vous n’y pensez pas ! Avec tout ce qu’on entend à ce sujet ?” À Aubagne, on a beau cultiver son indépendance, l’influence de la politique Marseillaise se fait ressentir.

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