François Cervantès explore la généalogie des acteurs

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le 8 Mar 2012
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François Cervantès explore la généalogie des acteurs
François Cervantès explore la généalogie des acteurs

François Cervantès explore la généalogie des acteurs

Pieds nus, les acteurs se meuvent lentement sur la scène. L’un après l’autre – et durant tout le spectacle – ils évoquent une anecdote personnellement vécue ou familiale : « Je suis Catherine, j’ai huit ans, je suis rouquine… Moi je suis Dominique, j’ai quinze ans et je veux être acteur…»  Parfois, un ancêtre convoqué sur scène affronte sa descendance empathique ou survoltée. Les mots sont tantôt crus, tantôt tendres, souvent drôles. Subitement, les cinq acteurs s’élancent, tourbillonnent, bondissent dans un mouvement désordonné et bruyant. Sans doute est-ce là une façon d’extraire de leur corps le poison de l’amertume…Ou, bien au contraire, de libérer un grand rire contagieux. Rien de plus logique pour François Cervantès : « Dans cette pièce, ce n’est  pas le texte qui est premier, c’est le corps qui libère une forme de langage direct, qui transmet les choses sur le plateau. Du coup, le besoin des acteurs de se décharger se fait ressentir régulièrement. »

Un complet mystère

Les comédiens ont gardé leurs véritables noms. Et pour cause, Dominique Chevalier, Nicole Choukroun, Catherine Germain, Stephan Pastor et Laurent Ziserman ont réalisé un travail autobiographique, livré ensuite à l’écriture et à la mise en scène de François Cervantès : « Je viole en quelque sorte le récit des acteurs dans la mesure où je ne respecte pas toutes leurs précisions. De l’autre côté, je les mets en lien, je crée l’histoire collective de la troupe, évoquant ses désirs, ses drames, ses tensions.» Si la troupe s’est prêtée au jeu de discussions intimes, François Cervantès estime que pour autant,  l’expérience ne les a pas rendus plus proches : « Le mystère de la personne est resté entier et finalement, c’est une bonne surprise ».

(crédit photo: Xavier Brousse)

La règle des trois unités (temps, action et lieu) de la dramaturgie classique est ici totalement chamboulée, donnant parfois le sentiment d'assister à une succession d'historiettes volatiles et orphelines, voire décousues.  Le spectateur vogue coup sur coup entre l’Australie, l’Iran, la Pologne, la Normandie, Marseille; il visite également un appartement, un grenier, une grange, un poulailler… Les époques s'enchaînent également, sur fond de chute du Mur de Berlin, de Seconde Guerre mondiale, ou d’instant présent. L’absence de décor, seulement suggéré le temps de chacune des visions et des anecdotes racontées, sollicite l’imagination du spectateur. Rien ne lui est imposé, favorisant ainsi son introspection et jetant les ponts vers sa propre mémoire.

Une réalité diffuse

Dans La distance qui nous sépare, François Cervantès glorifie la complexité humaine, reconnaissant au passage un contexte de métissage sans doute inégalé par le passé. « Chacun est habité par beaucoup d’autres personnes. Nous héritons d’un certain nombre de choses. La vie nous oblige à définir de manière de plus en plus précise notre identité alors que la réalité est diffuse. On navigue avec les nuages d’autres personnes, de nos parents immigrés par exemple. Cela a une influence importante sur la relation à l’autre. C’est comme si, à travers le dialogue de seulement deux personnes, deux peuples se rencontraient. »

(crédit photo: Christophe Reynaud de Lage)

Toutefois, insiste le metteur en scène, si le passé est bien constitutif de l’individu, la construction de sa personnalité n’est pas soumise pour autant au diktat de cette histoire familiale. « Nous sommes aussi faits d’éblouissements, de coups de foudre, des événements de notre propre vie. Au fil du temps, un équilibre se forme dans la mémoire des corps, entre le passé et cette histoire propre ». Chaque individu a son importance, semble enfin clamer François Cervantès. Et qu’importe, peut-être, une insignifiance individuelle à l’échelle historique. «Arrêtons avec la tyrannie de la grande histoire, l’écrasement et le complexe de la petite histoire. Chaque individu est le centre du monde ! »

La distance qui nous sépare se jouera jusqu’au 24 mars, du mardi au samedi à 21h ; dimanche 18 mars à 16h, à la cartonnerie, Friche de la Belle de Mai, 41, rue Jobin (3e). Infos 04 95 04 95 70 et sur le site du théâtre Massalia.

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