De quoi le nouveau Stade Vélodrome est-il le nom ?

 » Ces types sont fous furieux, ces joueurs sont tellement payés qu’ils perdent le sens des réalités ». C’est la réaction de Jean-Claude Gaudin, interrogé hier par la chaîne parlementaire Public Sénat, sur la formidable prestation de notre équipe nationale en Afrique du Sud. Il a bien raison Jean-Claude, le foot rend fou.
La veille de cette belle déclaration, le Sénateur-Maire de Marseille venait d’annoncer à la presse qu’il allait faire un des plus lourds investissements jamais réalisés par sa municipalité, pour rénover le stade Vélodrome. Quant, il y a quelques semaines, nous avions consacré à Marsactu.fr un premier article sur le sujet  » Grâce à Gaudin, l’enrhumoir va bientôt avoir un toit, dans la ville où il ne pleut jamais », et que nous avions annoncé que le coût de ce « lifting » pourrait atteindre les 200 à 250 millions d’euros, on s’était évidemment moqué.  » que de bétises annoncées au pixel carré, 250 millions, ben voyons, je vous donne le chiffre, c’est 400 milliards » , voilà le type de commentaire élogieux que nous avions reçu. Et pourtant, on était en deça de la vérité.

Ce sera en fait 273 millions d’Euros. Et tout ça bien évidemment, exclusivement financé par de l’argent public.  Il y a d’abord les 100 millions apportés par l’Etat et les collectivités locales. 30 millions d’euros pour le Conseil Général des Bouches-Du-Rhône, et hop un chouette collège. Merci Jean-Noël. 20 millions pour la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, et hop une ligne de tramway. Merci Eugène. 30 millions pour l’Etat, et hop un ( beau) Musée. Merci Nicolas. Enfin entre 20 et 30 millions pour la Région, et hop un  Lycée. Merci Michel. Tout ça représentant environ, comme on nous l’a présenté sur de belles « slides » comme on dit dans les écoles de commerce, projetées lundi lors de la conf de presse, 37 % de l’investissement total. Le reste, les 63%, soit 173 millions d’euros, c’est évidemment à la charge d’une des villes les plus pauvres et les plus endettées de France.

Mais c’est pas grave, on nous a expliqué qu’il ne fallait surtout pas  s’inquiéter, que tout  était bâti sur un beau business plan. Ca l’est certainement pour Bouygues, le bienheureux vainqueur de l’appel d’offre pour la rénovation du Vel, mais sans doute un peu moins pour les contribuables marseillais. En tout cas nous, on n’a pas tout compris dans les explications sur le détail du financement, mais c’est sans doute parce qu’on ne connait pas assez le foot. On va néanmoins essayer de vous expliquer.
Donc après le chèque de 100 millions d’euros apporté par les « partenaires » comme on nous les présente dans le beau document de la Mairie, ça fait toujours mieux que « subventionneurs publics », il  reste à trouver 173 millions. Il y a d’abord les 30 millions d’Euros apportés par les fameux « droits à bâtir ». En gros, la ville cède 100 000 m2 de terrains et les permis qui vont avec, à des promoteurs immobiliers, qui vont vite construire un beau centre commercial, 2,3 hôtels et quelques immeubles, de prestige, forcément, autour du futur stade. Et ça tombe plutôt bien, il s’agit d’un des coins de Marseille les moins urbanisés. Mais, bon, selon La Provence, il parait que les CIQ sont aux anges.Nous voilà rassurés. Et puis, on en connait d’autres qui sont apparemment aussi très, très, contents.

Toujours selon La Provence, c’est la Caisse d’Epargne PACA, et la Caisse des Dépôts et Consignation, associés à Bouygues dans le projet, qui auraient déjà récupérés 70 000 m2 sur les 100 000 m2 de terrains à bâtir. Comme le déclarait tout sourire dans le quotidien de l’avenue Salengro hier matin, le banquier Alain Lacroix, le patron de l’écureuil  » Ce n’est pas uniquement un projet financier ». On le croit sur parole. En tout cas, si nos calculettes ne se sont pas trompées, 30 millions d’euros pour 100 000 m2 de droits à bâtir, et là où c’est placé, ça fait du 300 € le mètre, c’est « pas une mauvaise affaire » comme le disent pudiquement les spécialistes que nous avons interrogé sur le sujet.
Voilà pour les 30 millions, il nous en  reste donc 143 à trouver. Là non, plus pas de souci. 100 millions sont apportés par le fameux partenariat public-privé, le « PPP ». En gros, c’est Bouygues, qui, en tant que futur concessionnaire de ce projet, va prendre en charge pour 100 millions de travaux, et en contre-partie, la ville devra chaque année verser une « redevance » pour rembourser le géant du BTP. De quel montant la redevance ? euh ,euh, là non plus, on n’a franchement pas tout compris. Selon les documents présentés, on nous dit qu’elle serait de 3,3 millions, ou de 5 ou de 8,5 millions. On ne sait pas très bien. En tout cas, elle devrait s’étaler pendant, hum, hum, 35 ans, et son calcul semble aujourd’hui largement dépendre de l’age du Capitaine du Ferryboat. Impossible d’en savoir plus car Bouygues attend le Conseil Municipal du 12 Juillet, où sera définitivement voté le projet pour communiquer. On verra bien.

Enfin, le solde de 43 millions sera directement apporté par la Ville de Marseille. Ce qui va forcément bien améliorer l’endettement de la ville, qui est déjà de 2189 euros par habitant ( enfants compris). Mais c’est bien connu, quand on aime on ne compte pas. Voilà pour les investissements.
A tout ça il va bien falloir rajouter les 8,5 millions d’Euros de « coûts d’entretien et de maintenance » que l’on va devoir dépenser chaque année pour faire fonctionner tout ça. Et comme Gaudin a lourdement insisté pour que le stade reste en « régie municipale », c’est à dire géré par les fonctionnaires de la Ville, et donc par ses copains de Force Ouvrière, c’est également de l’argent public qu’il va falloir injecter. Le même Gaudin qui expliquait le matin même aux élus Verts en plein Conseil Municipal, qu’il était hors de question de re-municipaliser la gestion de l’eau ou les cantines. Mais c’est vrai que sur ces sujets, il n’est plus à un paradoxe près.

Si on ne sait pas exactement encore comment on va payer, on sait en tout cas combien ça va coûter. Pour les futurs recettes, c’est la même chose, une sorte d’entrée maritime s’est levée lundi du côté de l’Hôtel de Ville lorsque ce sujet a été abordé. On nous annonce que la ville va récupérer 4,4 millions annuels de recettes garanties de la part de Bouygues et de ses associés pour l’organisation de spectacles. Et pour le reste , c’est aussi clair que les eaux de la calanque de Cortiou.
Dans les documents présentés on nous annonce qu’il y aurait 1,1 millions d’euros pour « des possibilités concerts supplémentaires » hum, hum, et puis une « variante OM ( introduction du club dans la société de projet) pour 4,5 millions« ,
hum, hum, hum,hum.  Un OM qui justement va quand même recevoir un stade tout neuf avec quelques milliers de places supplémentaires et surtout 6000 places « vip » qu’ils vont pouvoir commercialiser très, très cher aux entreprises partenaires, on peut leur faire confiance. Eux aussi se frottent déjà les mains au savon de Marseille. Comme le disait le Président Dassier, avec son faux air de maquignon, « cette réalisation va nous permettre d’augmenter un peu les recettes ». Eh,eh, bien joué Jean-Claude. Et, bien évidemment ces nouvelles recettes iront surement augmenter « un peu » les résultats de l’OM et de son actionnaire, la résidente suisse Margarita Louis-Dreyfus, et sans doute aussi « un peu » les salaires des joueurs. Mais comme l’OM ne mettra pas un franc suisse dans ce nouveau stade, le loyer que l’OM versé à la Ville va quand même « un peu » augmenter. Il serait de moins de 2 millions d’euros aujourd’hui et pourrait passer à 4 ou 5 millions annuels selon nos informations. 

Car contrairement à ce qui a pu être annoncé, notamment sur un loyer de 6 millions, rien n’est signé aujourd’hui entre l’OM et la Ville. Mais ce n’est pas tout, comme on dit dans les reportages de Capital sur M6. On vous garde le meilleur pour la fin. Car après que Gaudin nous ait expliqué que le Stade Vélodrome ne changerait jamais de nom, et c’est d’ailleurs une raison, que d’ailleurs personne ne comprend, pour laquelle il mobilisait autant d’argent public « le stade Vélodrome ne changera pas de nom » Gaudin dans La Provence le 9 juillet 2009, « je ne serai pas la Maire qui le fera changer de nom » ajoutait bien imprudemment la Sénateur-Maire le lendemain, toujours dans La Provence, eh bien on nous annonce aujourd’hui, toujours dans le « business plan » du futur stade qu’il est prévu des recettes de 2 millions d’Euros par an pour du « naming ». En français, ça veut dire que le stade va changer de nom. On pourra toujours jouer sur les mots du naming, ce sera sans doute Stade Vélodrôme Coca Cola, ou Stade Vélodrôme Adidas, mais en tout cas le stade changera bien de nom. Et si ça peut permettre de trouver d’autres sources de financement que la poche des contribuables, c’est tant mieux. Parce qu’après la patinoire, on risque de le rembourser pendant longtemps ce stade. Pendant que Gaudin présentait à la presse le petit film en 3 D de son phare d’Alexandrie lundi dernier, Renaud Muselier glissait discrètement à l’oreille de son voisin Patrick Mennucci « tu vois en 2014, c’est peut-être un de nous 2 qui sera assis dans le fauteuil de Gaudin, et bien au rythme où ça va, il n’y aura plus que les plantes vertes du bureau du Maire qu’on pourra financer ».

Un Jean-Claude Gaudin qui nous apprend sur Twitter ( oui, oui sur Twitter)  » qu’il ne se lasse pas de regarder les superbes images de ce que sera notre Stade Vélodrome avec ses abords aménagés… » , et oui il gazouille Jean-Claude, mais malheureusement son lien ne fonctionne pas, on ne connait pas la suite. Il devrait demander au Geek Vauzelle de lui filer un coup de main.

« Facture record pour le Satde Vélodrome » le ( très bon) papier de Michel Henry sur Libémarseille.fr

les maquettes en 3 D du futur stade sur le site de la Ville de Marseille

« Un nouveau stade pour 50 ans » sur laprovence.com

« le stade Vélodrome ne changera pas de nom » sur laprovence.com du 10 juillet 2009

« Grâce à Gaudin l’enrhumoir va bientôt avoir un toit, dans la ville où il ne pleut jamais » par (l’excellent) site Marsactu.fr