Michel Samson vous présente
Mazargues, un village dans la campagne

Les secrets de Mazargues

Chronique
le 6 Mar 2017
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La rue Émile-Zola et l
La rue Émile-Zola et l'église de Mazargues (Photo : CV)

La rue Émile-Zola et l'église de Mazargues (Photo : CV)

Après la justice et la culture, Michel Samson poursuit son compagnonnage journalistique avec Marsactu. Pour cette nouvelle chronique, il regarde la campagne présidentielle depuis le village de Mazargues. Ancré à droite, malgré un vieux fond de gauche, à la lisière de quartiers populaires, le quartier natal de Jean-Claude Gaudin est son nouveau terrain d’exploration. Pour ce deuxième épisode, il interroge le décalage entre la perception des militants politiques et celle des électeurs.

 

Je constatais la semaine dernière que la politique relevait pour tout un chacun d’une sphère privée difficile d’accès. J’ai donc été rencontrer des acteurs politiques de terrain. Ceux qui connaissent le quartier et le parcourent de façon singulière lors des périodes électorales.

Didier Réault, membre du parti Les Républicains et longtemps attaché parlementaire du député Guy Teissier, est adjoint chargé de la mer et du littoral au conseil municipal. Élu du canton, vice-président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, il préside aux destinées du parc national des Calanques. Cet homme de 49 ans habite Mazargues et a un cabanon à Morgiou. Il fait ses courses au village, en connaît les visages, les adresses, les lieux de rencontre. De l’Association sportive de Mazargues, aux AIL (Amis de l’instruction laïque), de la section du PCF au siège du CIQ, des bavards de la place Robespierre à ceux qui attendent le départ matinal de Jean-Claude Gaudin pour lui donner des nouvelles. Habitué des campagnes électorales depuis 1992, praticien des réseaux sociaux devenus des outils de communications vitaux pour les élus, Réault aime la politique depuis petit. Il en connaît les transformations et quelques mystères. Il sait par exemple que désormais les électeurs n’attendent plus “la sainte parole des élus”. Ils connaissent presque tout : “Ce qui les intéresse c’est ce qu’on pense, ce qu’on ressent devant des événements. Ce que ces événements annoncent, s’ils sont graves ou non”. Mais il sait aussi que les électeurs savent “très bien qui on est et ce qu’on attend, et surtout pendant les campagnes. Ils jouent “en miroir” en quelque sorte et nous disent souvent ce qui nous arrange”. Résultat de ce jeu : “En fait, on ne sait pas ce qu’ils vont faire le jour des élections. Evidemment cette année c’est encore plus fort que d’habitude, mais ce n’est pas nouveau.” Le meilleur exemple pour lui est sa “surprise quand, aux dernières élections cantonales, le Front National arrive devant [lui] au premier tour !” Le candidat FN était un médecin du 16e arrondissement, à l’autre bout de la ville, pas connu ici, alors que Réault est reconnu comme un acteur politique majeur du quartier et qu’il y est enraciné.

L’amusant de cet entretien est que certaines des expressions employées par cet élu LR s’entendent lors de la réunion du secrétariat de section du PCF – qui est installée à trois pas de chez lui. Autour de Michel Pirrottina, qui a préparé l’ordre du jour de cette “réunion technique”, trois femmes et trois hommes, tous retraités. La discussion, tranquille et passionnée, s’engage sur les questions qui travaillent le PCF et ses fidèles : comment “conserver un regard critique sur ce que nous disons” ? “Est-il possible d’avoir une parole “off” et une “in” ? “. Partisans convaincus de la candidature de Mélenchon (la “motion 1” du PCF), très actifs sur tous les panneaux électoraux du quartier qu’ils monopolisent, ils s’interrogent sur l’actuel éclatement de la gauche. Singulièrement ce jour-là sur la force montante de Macron “dont beaucoup viennent de gauche”. Et à propos des diffusions de tracts : “En fait quand on distribue, les gens te disent rien, ils prennent ton tract et voilà.” Seuls quelques “excités” pro FN réagissent quand ils diffusent devant l’URSSAF, Valmante, ou Weldom “où ça s’est très mal passé”. Les autres prennent et ne disent rien “et au fond on ne discute pas, on sait pas ce qu’ils vont voter”… Un peu ce que me disait Réault deux jours avant.

 

Voir le document

 

 

Laurent Sauze, lui, est encore plus direct. Le secrétaire de la section 309 (pour 9e arrondissement) du PS vote Macron mais ses camarades lui ont demandé de garder le secrétariat. Son analyse : “On a perdu le contact avec la réalité des gens.” Sa section culmina jusqu’à 90 membres après 2002, elle n’en réunit plus qu’une grosse vingtaine. Après avoir nommé les trois jeunes gens qui y participent, il plaisante : “C’est les retraités du 9e. Des gens passionnés, mais on n’a plus aucune prise sur la réalité.” Même si un “curé défroqué” et un jeune de la cité de la Cayolle ont encore, eux, “un peu de réseau”. Cet arrondissement où les classes moyennes sont “largement majoritaires, si on met de côté La Soude et la cité de la Cayolle”, pourrait être un bon secteur pour le PS : “Ce n’est plus un parti ouvrier depuis longtemps, mais on a abandonné les classes moyennes à la droite.” Son argument est d’autant plus frappant que ce secteur perdu pour le PS s’est transformé, selon son expression, en “monnaie d’échange avec les partenaires. On aura tout eu ici : une Verte [aux cantonales 2004, ndlr], un chevènementiste et même Zéribi la dernière fois !” (comprendre aux municipales 2014). Il y a quelques années, il a même été victime de ce numéro de passe-passe : officiellement investi, il a découvert l’avant-veille des inscriptions que son parti, finalement, investissait quelqu’un d’autre !

En fait la politique passe peut être surtout par l’extérieur du quartier ! Le bouche-à-oreilles des réseaux sociaux et la télévision bien sûr. En particulier quand elle évoque le meeting que le député LR du secteur, Guy Teissier, organisait le 27 février contre les propos de Macron au Mémorial des rapatriés d’Algérie. Sur la Corniche, loin de Mazargues…


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Géographie électorale de Mazargues

Quatre bureaux de vote de Mazargues (contours non officiels reconstitués dans le cadre du programme de recherche Cartelec).

Qu’est-ce que Mazargues ? Lorsque nous avons arrêté avec Michel Samson son terrain d’observation de la campagne présidentielle, la question s’est posée d’emblée. Si l’on suit l’orthodoxie des fameux 111 quartiers de Marseille, Mazargues compterait environ 17 000 habitants sur un périmètre englobant une bonne partie du boulevard Michelet et poussant à l’est jusqu’à Valmante (voir cette carte).

Dans un premier temps, c’est plus spécifiquement dans le “noyau villageois”, structuré par la rue Émile-Zola, que Michel Samson a décidé de flâner. Électoralement, cela correspond à peu près aux bureaux de vote 951 et 952. En 2012, Nicolas Sarkozy y a dépassé sa moyenne régionale avec près de 35 % des voix au premier tour (contre 27,2 % au niveau français). Lors des régionales 2015, Christian Estrosi a fait jeu égal avec Marion Maréchal-Le Pen autour de 33 %, bien plus que les 26,5 % réalisés sur l’ensemble de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Mais considéré plus largement, le quartier de naissance de Jean-Claude Gaudin n’est pas le bastion de droite que l’on pourrait croire. Les bureaux 953 et 954, qui recoupent d’une part les résidences Lancier – Cyclamen – Myosotis, d’autre part les alentours de La Soude, montrent bien la diversité des électorats. Leur variabilité aussi : en 2012, trois-quarts des inscrits du bureau 954 s’étaient déplacés pour le premier tour, seulement un peu plus d’un tiers pour les régionales trois ans plus tard…

Julien Vinzent

Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Réault : adjoint à la mer à …Marseille ! digue du large verbotten, plages abandonnées du 1er septembre au 31 mai, squatter à Morgiou et obligé des mias pour leur offrir en privé une des rares plages du Prado ! Eurk !

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