Bidonvilles à Marseille : malgré un drame, les associations constatent des améliorations

Actualité
le 18 Sep 2020
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Un homme a trouvé la mort le 15 septembre dans l'incendie d'un petit bidonville à la Fourragère. Si ce drame jette de nouveau la lumière sur ces lieux de vie ultra-précaires, la situation globale à Marseille semble en voie d'amélioration. Notamment grâce à une meilleure prise en charge par les collectivités depuis le confinement.

Janvier 2016, un campement rom sous la L2. Image : Julia Rostagni.
Janvier 2016, un campement rom sous la L2. Image : Julia Rostagni.

Janvier 2016, un campement rom sous la L2. Image : Julia Rostagni.

Deux incendies dans des bidonvilles auront marqué l’été à Marseille. Le deuxième ayant mené, dans la nuit de mardi à mercredi, au décès d’un homme d’une quarantaine d’années. Situé à La Fourragère, le petit bidonville était occupé par une trentaine de personnes de la communauté rom depuis quelques années, “deux à trois ans” se souvient Caroline Godard, de l’association Rencontres tsiganes. 28 personnes ont donc été placées dans un gymnase municipal mercredi, dans l’attente d’une prise en charge par les services de l’État. Les familles qui vivaient sur ce terrain sont pour la militante associative des “très précaires”. “Des familles qu’on connaît bien”, ajoute-t-elle. De ce petit village de cabanes, il ne restait, mercredi matin, plus rien. Plus tôt dans l’été, d’autres habitats de fortune qui avaient été en partie détruits par les flammes, à Frais vallon, à quelques kilomètres de là, aussi en bordure de la rocade L2.

Si une enquête doit déterminer les raisons de l’incendie à la Fourragère, les incendies ne sont pas rares dans ces lieux de vie ultra-précaires. Selon Caroline Godard, qui s’appuie sur des chiffres du réseau associatif Romeurope, “depuis 2012, 150 incendies se sont déclarés dans des bidonvilles en France, causant 19 décès, y compris des enfants”. “On n’a pas les détails de ce qui s’est passé à la Fourragère, complète Tanina Ouadi, coordinatrice de la mission bidonvilles pour Médecins du monde. Mais il y aurait des solutions à mettre en place pour sécuriser les lieux identifiés. On peut réduire les risques en travaillant avec la mairie, les pompiers”. 

1500 personnes vivent en bidonville à Marseille

Ces tragiques faits-divers ramènent le regard sur ces lieux de vie qui persistent au fil des années à Marseille. Selon un recensement effectué très récemment par Rencontres tsiganes, il y aurait actuellement dans la ville 38 bidonvilles et squats de fortunes, où vivent principalement des familles roms. “Ces lieux sont de tailles très variables, allant d’un lieu immense comme à Cazemajou (15e arrondissement, ndlr) à des endroits bien plus petits et des squats”, détaille Caroline Godard. S’y ajoutent sept immeubles de copropriétés dégradées des quartiers Nord, qui voient cohabiter migrants pour la plupart africains et membres des communautés tsiganes. Pour ces derniers, l’association estime à 950 personnes la population présente à Marseille, un nombre stable depuis des années. Selon Médecins du monde, environ 1500 personnes vivraient dans des squats et des bidonvilles à Marseille.

Mais, parallèlement à ce drame, les acteurs sociaux et associatifs qui suivent ces populations montrent un certain optimisme quant aux évolutions dans leur prise en charge dû à un meilleur dialogue entre collectivités. Et ne sont pas loin de reconnaître un effet positif au confinement dans la prise en charge des populations vivant en campements. La distribution de chèques alimentaires pendant toute sa durée, notamment, aura été une avancée majeure. “Le confinement aura permis à tout le monde de prendre conscience de l’ampleur du problème”, estime Caroline Godard.

Le confinement, révélateur et accélérateur de la prise en charge

“On travaille dans de meilleures conditions depuis, reconnaît aussi Tanina Ouadi. L’État a véritablement pris son rôle d’animateur sur ces thématiques, et forcément, les choses sont mieux coordonnées”. Des réunions menées par la direction départementale de la cohésion sociale, un service de l’État, se tiennent désormais régulièrement en préfecture à la fois pour permettre une veille sur les bidonvilles et suivre les questions plus liées à l’épidémie. La dernière vendredi 11 septembre a abordé tant les questions de mise à l’abri à l’hôtel en cas de contamination que celles de la scolarisation et de l’accès à l’eau.

Sur ce sujet, la crise sanitaire aura permis une accélération inédite dans l’équipement des bidonvilles en accès à l’eau, puisque la métropole a installé durant le confinement six points d’accès à l’eau dans “des bâtiments précaires” en plus de 17 fontaines à travers la ville. Une avancée qui fait figure de petit pas face à une situation d’extrême urgence qui durait depuis des années. “L’eau, c’est une vraie avancée, qui ne doit pas s’arrêter là, salue Caroline Godard. L’État et la métropole réfléchissent à la mise en place d’installations sanitaires. Dans d’autres villes en France, ces accès ont été coupés après le déconfinement, pas ici”. En revanche, à La Fourragère où s’est déclaré l’incendie, l’installation d’un accès à l’eau n’avait pas été possible, et la demande d’une citerne n’a pas été suivie d’effet. “Ils n’avaient pas d’eau du tout”, résume Caroline Godard.

Des expulsions en baisse

Son association salue par ailleurs la baisse, voire l’absence, d’expulsion de terrains et squats cette année, en dehors de celles liées à des bâtiments en péril, “avec toujours des mises à l’abri à l’hôtel. On n’a pas eu d’expulsions sèches comme il y a quelques années”. Une certaine pérennité qui permet de mieux suivre les parcours individuels. “Sur l’insertion professionnelle, ça avance, confirme Caroline Godard. On a des familles avec tous les voyants au vert, des droits ouverts, qui travaillent et pourraient assumer un loyer, avec des enfants scolarisés. Mais ils attendent des logements comme beaucoup d’autres publics à Marseille et c’est là que ça coince”.

Les acteurs associatifs s’enthousiasment aussi d’un changement marquant dans la posture de la mairie depuis le changement de majorité. “La mairie est présente aux réunions en préfecture, déjà, c’est quelque chose”, sourit Tanina Ouadi. La présence de l’adjointe aux affaires sociales Audrey Garino, le matin de l’incendie, a aussi été appréciée. Mercredi, la mairie avait mis à disposition un gymnase pour accueillir les familles avant leur mise à l’abri à l’hôtel par les services de l’État. Un gymnase qui est resté ouvert encore jeudi pour accueillir d’autres familles, une trentaine de personnes, évacuées de leur squat boulevard Salengro pour cause de péril mercredi.

Par un communiqué mercredi, la Ville de Marseille a annoncé son intention de s’engager “à plus long terme (…) de façon résolue dans une politique humaniste afin de permettre à l’ensemble des habitants de notre ville de s’y loger et d’y construire leur vie et celles de leurs enfants de façon digne et respectueuse des droits fondamentaux”. Chez Médecins du Monde, Tanina Ouadi veut lire dans ces mots l’esquisse d’une politique de résorption des bidonvilles. “S’il y a une volonté politique, loger 1500 personnes, ce n’est pas insurmontable”, assure-t-elle.

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Commentaires

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  1. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    ”Selon Médecins du monde, environ 1500 personnes vivraient dans des squats et des bidonvilles à Marseille…” sans compter l’accès à l’eau…?
    Peut on faire un commentaire après ces terribles informations?

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