S'ouvrir ou voir construire : le dilemme des résidents des Alpilles à Marseille

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le 22 Déc 2011
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S'ouvrir ou voir construire : le dilemme des résidents des Alpilles à Marseille
S'ouvrir ou voir construire : le dilemme des résidents des Alpilles à Marseille

S'ouvrir ou voir construire : le dilemme des résidents des Alpilles à Marseille

« Ce sont des immeubles blancs,
adossés à la colline,
on y vient en voiture,
ceux qui vivent là ont jeté la clé… »

Il faut être journaliste, élu, ou bien sûr habitant pour être entré un jour au 397 Corniche Kennedy et avoir cheminé le long du serpent d’asphalte qui mène 800 mètres plus loin aux résidences Les Alpilles. Après avoir laissé en contrebas les Alpines et les villas Pallas, jeté un œil sur les luxueuses terrasses des propriétées tout aussi privées du parc Talabot, on embrasse du regard la Méditerranée après un flirt avec les Goudes.

Sur cette colline du 7e arrondissement, sept immeubles ont poussé en 1974. Sept autres et un centre commercial étaient prévus, mais la légende veut que Gaston Defferre aurait, après avoir vu le programme de son voilier, changé d’avis et préempté 3 hectares pour geler la parcelle. En tout cas, « là où [les ensembles voisins de La Cadenelle, Thalassa ou encore La Résidence Flotte] sont massifs, les Alpilles réalisent une véritable intégration dans ce site escarpé unique », estime l’architecte Thierry Durousseau, dans la notice pour la labellisation Patrimoine du XXe siècle, obtenue en 2006.

N’en déplaise à « Gaston », les 216 copropriétaires de ce petit coin de paradis devraient voir pousser quatre nouveaux immeubles de hauteur. Un programme porté par Nexity-George V, avec la bénédiction de la Ville, qui a accordé le permis malgré l’avis défavorable de la mairie de secteur. Et qui se vend bien (ne restent plus que 17 sur 54 à la commercialisation) malgré le prix : entre 284 000€ pour un 40m2 à 1,4 M€ pour un 115m2. Aux alentours de 10 000€/m2 donc…

Ce qui n’est pas du goût de certains copropriétaires, qui ont monté l’année dernière un collectif et ont organisé la semaine dernière une visite pour interpeller la presse, en compagnie d’élus. André Dahan est son porte-parole :

Défense des espaces boisés

Une position soutenue par Franck-Michel Martin de Champagnac, adjoint à la mairie du 1/7 délégué au quartier Saint-Lambert et à la concertation avec les CIQ (Modem) : « Il y en a assez du bétonnage dans le 7e, dès qu’un terrain se libère la mairie se jette dessus. » Sébastien Barles, porte-parole des Verts marseillais, se dit « d’accord pour densifier, reconstruire la ville sur la ville », mais pas sur un ancien espace boisé déclassé pour l’occasion (le projet Nexity-George V n’en conserverait que la moitié)…

« On ne peut pas m’expliquer que quand on fait un HLM c’est bien, que l’on n’urbanise pas trop, mais quand on fait dans du plus haut de gamme ça ne l’est pas », rétorque Sabine Bernasconi, conseillère générale UMP de Saint-Lambert. Avant de nuancer : « les recours qui évoquent les espaces verts sont pour moi justifiés. Mais l’équation n’est pas aussi simple que : on ne fait rien et on laisse tous les espaces verts. Face au besoin de logements il faut trouver un juste dosage. »

D’où l’importance « d’avoir une vraie ligne politique, une lisibilité », que pourra offrir le plan local d’urbanisme actuellement en révision « et où on fait de la dentelle sur le pourcentage dans chaque parcelle », assure-t-elle. Mais là, « c’est un projet antérieur ». Et donc on s’en tient à la méthode coup par coup, où le plan peut être modifié à souhait en fonction des projets immobiliers, comme le dénoncent les collectifs anti-bétonnage qui ont fleuri ces dernières années ?

Sabine Bernasconi trouve en tout cas l’opposition d’André Dahan et son collectif « assez sain, quand derrière il n’y a pas manipulation politique ou opposition permanente, car ensuite les projets évoluent. » D’ailleurs si le PLU se fait de manière aussi fine, « c’est peut-être parce qu’il y a eu autant de contestation », ajoute-t-elle.

Sous domination de la mairie

Pour mieux clore le chapitre : « Monsieur Dahan porte une voix différente, mais je n’ai pas l’impression qu’elle soulève l’engouement des habitants. J’ai représenté le maire une fois à une assemblée générale (de la copropriété  et une majorité se dégageait plutôt en faveur du projet ». C’est aussi ce qu’a tenu à assurer Catherine Aveline, membre du conseil syndical, prévenue de la visite organisée à destination de la presse : « quand je lis dans un tract « les copropriétaires lancent un appel », ce n’est pas vrai. C’est une petite minorité ». Le collectif dit lui représenter 80 copropriétaires sur 216.

Un combat classique comme le connaissent la plupart des projets immobiliers à Marseille ? Un de ceux qui amènent le maire à régulièrement dénoncer « l’égoïsme » de ses administrés « qui se croient propriétaires d’une vue et veulent qu’on ne construise nulle part » et son premier adjoint avocat dans le droit de la construction à faire pression avec les promoteurs pour durcir les conditions de recours… Pas seulement.

Car pour que le projet soit réalisable, il faut détacher le lot 632 de la copropriété, celui que détient la mairie, afin qu’elle puisse le vendre à Nexity-George V. Ce qui demande donc un vote. L’occasion de vérifier quelle position a la majorité ? Pas vraiment. « La mairie a une position dominante », rappelle André Dahan : avec 47% des voix, elle n’a besoin que de l’assentiment de quelques copropriétaires pour faire passer le projet.

D’autant plus qu’elle peut compter sur Jacqueline Grand, ancienne députée européenne RPR, et Paul-Jean Cristofari (adjoint UMP à la mairie du 6/8 et suppléant de Sabine Bernasconi). « J’essaye de ne pas me mêler de ce projet en tant qu’élu étant donné que j’habite ici », nous précise ce dernier, avant d’admettre que « ce que la majorité de Jean-Claude Gaudin dira sera ce qu’il faudra suivre ».

Des HLM, un parc, un centre de rétention pour mineurs…

André Dahan va plus loin, affirmant que les copropriétaires « sont victimes de désinformation de la part des élus, comme Dominique Tian (maire UMP du 6/8), André Malrait (adjoint délégué au patrimoine) ou Danielle Servant (adjointe déléguée aux autorisations de construire). Quand on les écoute, si on n’accepte pas on aura des HLM, ou un parc public avec toute l’esplanade de la plage qui viendra aux Alpilles. Forcément tous les petits vieux ont peur ».

Des éléments que l’on retrouve dans le discours de Catherine Aveline : elle dit être « d’accord sur le principe » avec la volonté du collectif de
défendre l’espace boisé classé, mais « c’est le moins pire qui pouvait nous arriver. On a intérêt à choisir ce projet, qui est remarquable architecturalement, plutôt que de pousser, jusqu’à ce qu’on finisse par nous imposer ce que l’on voudra », justifie-t-elle, soucieuse que « les appartements ne perdent pas de la valeur ». Ce qui l’inquiète : « On a rencontré Dominique Tian, qui nous a dit pourquoi pas faire un parc, un centre de réinsertion. Déjà que l’été on a des problèmes car des gens pensent que la piscine est municipale… »

Partenariat public-privé

Entre la base nautique du Roucas et la plage du Prothète, une allée serpente… Capture Google Earth.

Ce mélange entre élus et copropriétaires, le public et le privé, qui se retrouve aussi dans ce terrain municipal mais où 99% des Marseillais ne mettront jamais les pieds, à part virtuellement sur Google Earth. Et dont ils participent d’ailleurs à l’entretien, comme plus largement pour la copropriété. « C’est pour cela que la mairie veut s’en sortir ! Sinon nous sommes condamnés à payer ad vitam eternam », s’exclame Sabine Bernasconi, déplorant une situation héritée de Gaston Defferre. Nous ne  voulons plus participer aux charges d’une résidence qui n’en a pas besoin. Je ne pense pas que les Marseillais, s’ils le réalisaient, seraient d’accord. »

Le collectif répond que la mairie n’en continue pas moins à voter de coûteux travaux et donner sa confiance à un syndic qu’il conteste, demandant un audit sur les comptes. Voire se dit prêt à négocier, pour peu que le projet soit abandonné, à discuter sur la « nécessité d’ouvrir cet espace pour que les Marseillais puissent se l’approprier » souligne Sébastien Barles. Qui avait lors de la visite amené dans ses bagages le coordinateur du GR2013, ce sentier de randonnée qui doit sillonner le territoire de la capitale européenne de la culture.

Un sentier de randonnée

« Pour que vous gagniez il faudrait que les Marseillais se sentent parties prenantes et donc un geste fort : que les Alpilles ne soient plus cet espace clos où l’on se demande ce qu’il y a derrière quand on passe devant », a-t-il lancé aux habitants, défendant « une traversée bien concertée pour rejoindre la rue Pablo Picasso » à l’Est.

« Si la mairie ne souhaite plus payer de charges, pourquoi ne fait-elle pas don du terrain à une association », glisse Franck-Michel Martin de Champagnac, qui soutient cette idée « d’un sentier de randonnée ». Sans vraiment se prononcer dessus, Sabine Bernasconi rappelle « quel est l’intérêt pour la mairie si elle cède le terrain : donner une permis de construire car cela permet une rentabilité de l’argent public, répond au besoin de logements et fait tourner la machine économique qui tient par le bâtiment ». Passer d’une charge à une belle plus value, c’est tentant…

Pas sûr de toute façon que les habitants acceptent de renoncer au « pour vivre heureux vivons cachés ». La stratégie d’André Dahan en cas d’assemblée générale sur le détachement de la parcelle : être absents, les voix de la mairie étant réduites à celle des copropriétaires présents, pouvant ainsi faire échouer le vote, qui nécessite la majorité des copropriétaires, absents comme présents. Un moyen tordu mais « on est obligés d’en arriver là comme la mairie ne veut pas être neutre », souffle-t-il.

Dominique Tian, la mairie de Marseille  n’ont pour l’instant pas donné suite à nos sollicitations. Les responsables locaux de Nexity-George V n’ayant eux pas encore reçu l’accord de leur direction pour communiquer sur ce sujet.

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Commentaires

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  1. nichen nichen

    Les Alpilles, c’est très beau, très bien, très riche. Qu’un terrain ait été préempté par la commune avec de l’argent public n’a de sens que s’il a une utilité sociale: un espace vert à cet endroit n’a aucun intérêt donc il faut vendre soit à la copropriété elle même si elle veut se payer un parc privé, soit à un promoteur, soit pour des logements sociaux beaucoup plus rares dans les chantiers nouveaux que les logements classiques

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  2. Titi Titi

    Sabine tu as vu du vert dans les HLM?

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  3. yvettedu13 yvettedu13

    Pourquoi pas utiliser cet espace pour en faire des terrains familiaux avec structures d’accompagnement pour les Roms ou gens du voyage?! gandin dit toujours qu il leur cherche du terrain mais n en trouve pas. Et ben voila! J ai trouvé!

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  4. Marre Marre

    Moi je verrai bien, un terrain de foot en stabilisé, un Auchan Market, des bus RTM pour s’y rendre.
    Un peu comme devant les Catalans, ouvert socialement a la population “d’en bas”.

    Nous voulons partager notre plaisir de vivre en harmonie sociale avec tout le peuple de Marseille.

    Allez les donneurs de lecons de “Gauche et de Droite”, montrez-nous votre sens du partage.

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  5. chris chris

    J’ai du mal localiser cette parcelle qui fait débat, s’agit-il du grand espace boisé avec une grande piscine ovale et court de tennis au milieu (Cf. la photo) ?

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  6. DALLO DALLO

    Jusqu’alors les privilégiés des Alpilles ne rechignaient pas à ce que l’argent du contribuable serve à payer les charges communes de leur copro …

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  7. Tresorier Tresorier

    La Mairie a raison : si je comprend bien, les cons de contribuables payent l’entretient d’un espace arbore utilise que par des riches car integre entre les murs de leur copropriete.

    C’est absurde et scandaleux.

    Au choix ;

    – on vend et on lotit,
    – on fait des HLM (pas foison dans le coin),
    – on fait un parc ouvert a tous.

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  8. chris chris

    Bonjour les arrangements entre amis qu’il y aurait pour être en tête de liste de HLM aussi bien placés. Ça n’est pas non plus le rôle d’organisme HLM d’acheter des terrains aussi cher lorsqu’on connait les besoins existant par ailleurs.
    Pour moi deux solutions possibles, soit la copropriété rachète la parcelle à la municipalité et en fait un parc privatif, soit elle vend la parcelle à des promoteurs ou à des particuliers, qui selon toute vraisemblance construiront.

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  9. VIEUX PATRIOTE REPUBLICAIN VIEUX PATRIOTE REPUBLICAIN

    Moi la binette de Tian sur les panneaux d’affichage de l’école Jean Mermoz m’agace Elle masque périodiquement les publicités payées par les organisateurs de spéctacles ….Et la rue est rarement visitée par les cantonniers ,sauf quand M le Maire régale ses amis à la Villa

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  10. Liseron-duveteux Liseron-duveteux

    Julien, “Nexity-Georges V”,c’est qui?

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