La Provence de Tapie condamnée à payer les départs

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le 7 Mar 2016
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Le 23 février dernier, la cour d'appel de Paris a donné tort à La Provence qui contestait le paiement d'indemnités de départ de 26 journalistes chevronnés. Au final, cette aventure judiciaire hasardeuse aura coûté plus de 130 000 euros au journal de Bernard Tapie.

Bernard Tapie, au Salon de l
Bernard Tapie, au Salon de l'auto en 2014. Photo : Esther Griffe.

Bernard Tapie, au Salon de l'auto en 2014. Photo : Esther Griffe.

“Si t’as envie d’aller tirer ton coup, c’est quand même pas moi qui vais payer”. C’est ainsi que Bernard Tapie avait accueilli la question d’un cadre de La Provence, le 19 décembre 2013 alors qu’il visitait le journal qu’il s’apprêtait à racheter au groupe Hersant médias. Le 23 février dernier, la cour d’appel de Paris lui a donné tort en rejetant en dernier ressort le recours que La Provence avait déposé pour ne pas payer les indemnités dues à 26 journalistes. Un caprice qui va coûter la bagatelle de 130 000 euros uniquement au titre des frais de justice que le journal a été condamné à payer.

À l’époque, le cadre ainsi rabroué voulait savoir si l’arrivée du nouveau propriétaire permettrait aux journalistes désirant partir de faire jouer la clause de cession. Cette disposition du code du travail permet aux journalistes de bénéficier d’indemnités de départ quand l’actionnariat de l’entreprise de presse pour lequel il travaille est modifié en profondeur. Cela s’appliquait parfaitement au cas de La Provence vendue à Bernard Tapie à quelques mois des municipales. À l’époque, Bernard Tapie avait dit tout le mal qu’il pensait de ces journalistes qui voulaient “la mort de l’entreprise”.

Clause de cession

L’arrivée de l’ancien homme politique, chef d’entreprise et repris de justice entraînait aussitôt l’annonce d’une quarantaine de départs dans les différentes rédactions du titre. En général, la clause de cession donne droit à un mois de salaire brut par année travaillée sauf si l’ancienneté dépasse les 15 ans. Dans ce cas, la règle d’indemnisation change. C’est alors une commission arbitrale composée de représentants de journalistes et de patrons de presse qui est saisie et décide du montant des anciennetés.

26 journalistes chevronnés, des piliers de la rédaction, justifiant de plus de 15 ans d’ancienneté, ont alors saisi la commission arbitrale. Déjà furieux de devoir payer des journalistes pour qu’ils partent, l’actionnaire principal a demandé à la direction de La Provence de contester devant la justice les décisions de la commission pour les 26 cas dont elle était saisie entre février et mars 2015. Comme l’appel n’est pas possible, La Provence a déposé un recours contre les 26 décisions de la commission arbitrale.

Décision définitive et exécutoire

Et la direction du titre l’a fait avec zèle. En effet, les 26 journalistes confortés par la décision arbitrale ont saisi le juge de l’exécution pour faire valoir le caractère définitif et exécutoire de celle-ci. Le 30 juillet 2015, le juge de l’exécution a débouté La Provence et donnait droit aux 26 plaignants. L’entreprise a été alors condamnée à verser 2000 euros par tête de pipe au titre de l’article 700 pour couvrir les frais de justice des 26 journalistes.

La Provence aurait pu s’arrêter là mais elle a mandaté son avocate, Béatrice Dupuis, devant la cour d’appel de Paris. Suivant les cas, celle-ci a fait valoir différents moyens de droit pour que la cour donne droit à son recours, notamment en attaquant la composition de ladite commission. Des arguments qui n’ont pas franchement convaincu les juges. Cette fois-ci, c’est 3000 euros que le journal devra payer à chacun des 26 plaignants au titre du même article 700. Fort heureusement, La Provence a décidé de ne pas se pourvoir en cassation. Jointe par nos soins, l’avocate de l’entreprise n’a pas souhaité commenter cette décision.

“Du pur gaspillage”

Au final, la jurisprudence concernant la commission arbitrale des journalistes se trouve donc plutôt confortée par la décision de la cour d’appel. Mais, en interne, les 130 000 euros de condamnation, plus les frais d’avocat et d’huissiers, passent mal. “Pour notre syndicat, cette procédure judiciaire est du pur gaspillage, tempête Serge Mercier qui siège au Comité d’entreprise pour le SNJ. Cet argent dépensé inutilement aurait pu venir financer des investissements ou des emplois en contrat à durée indéterminée”. 

Depuis Bernard Tapie a vu sa fortune fondre comme neige au soleil du fait de l’annulation d’une décision d’un autre type de justice arbitrale. Il s’est en partie désengagé de La Provence en faisant entrer un actionnaire belge au capital. C’est donc à lui que revient le privilège de payer cette facture superfétatoire. Bien joué Nanard.

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Commentaires

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  1. julijo julijo

    Et à quel endroit il a mal joué Tapie ????
    Dans toutes les affaires le concernant il a souvent été condamné, et chaque fois il a trouvé la pirouette juridique pour s’en sortir….ça va continuer, c ‘est normal ! il est toujours royalement conseillé, et a la plupart du temps un coup d’avance.
    Sinon, quel gaspillage, de fric, d’énergie et surtout quelle cause de stress pour les journalistes concernés !
    En même temps, vu la qualité de “la provence” aujourd’hui, ce sont les meilleurs qui sont partis les premiers ????

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  2. Happy Happy

    Plutôt que d’aller en cour d’appel, il aurait mieux fait de demander l’arbitrage de Christine Lagarde ! 😉

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