Savon de Marseille : des industriels attaquent en justice l’auteur d’une pétition

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le 15 Avr 2016
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L'initiateur de la pétition sur l'indication géographique protégée du savon de Marseille est convoqué ce lundi au tribunal de grande instance. Il est poursuivi pour diffamation par l'association française du savon de Marseille qui regroupe 12 fabricants dont l'Occitane. Elle lui réclame plus de 35 000 euros.

Savon de Marseille : des industriels attaquent en justice l’auteur d’une pétition
Savon de Marseille : des industriels attaquent en justice l’auteur d’une pétition

Savon de Marseille : des industriels attaquent en justice l’auteur d’une pétition

La bataille du savon de Marseille gagne le terrain judiciaire. L’association française du savon de Marseille (AFSM) assigne en référé l’initiateur de la pétition “Sauvons le Savon de Marseille”, qui a récolté plus de 118 000 signatures sur la plateforme Change.org. Adrien Sergent, jeune entrepreneur marseillais étranger au monde du savon mais fervent défenseur de son authenticité, a eu la surprise de se voir signifier ce jeudi 14 avril par huissier son assignation en référé devant le tribunal de grande instance de Marseille. Motif de la procédure : diffamation.

Contacté, Serge Bruna, président de AFSM, rassemblant douze fabricants dont le très célèbre Occitane, confirme l’action en justice. Cette pétition contient, selon le patron de la Savonnerie de la Licorne, des “éléments mensongers”, sur la composition des produits “notamment”. Le texte “laisse penser que nous sommes de vilains petits canards qui utilisent de l’huile de palme alors que tout le monde en utilise”, explique ce dernier. “Il a réussi à faire le buzz avec cette pétition en insinuant que nos savons étaient bourrés de produits chimiques, défend-il. Notre association était directement attaquée au niveau de la moralité, on nous traitait de voleur, ainsi qu’au niveau de la qualité de nos produits. L’important pour nous est d’arriver à faire retirer ces éléments auxquels les gens sont sensibles et qui nous portent préjudice”.

Des milliers d’euros réclamés

Le savonnier indique que l’avocat de l’association a pris contact avec le pétitionnaire pour lui demander de modifier certains éléments, ce que ce dernier assure avoir fait. “Une des sociétés était même citée”, s’indigne Serge Bruna. Aujourd’hui, l’entreprise en question, l’Occitane, n’apparaît pas ou plus nommément dans la pétition. “On souhaitait le rencontrer mais on n’a pas réussi à le joindre, poursuit le président de l’association. On ne lui veut pas de mal”. 

Toujours est-il que l’association n’y va pas de main morte sur ce qu’elle réclame : “verser une provision de 10 000 euros à l’AFSM”, “une provision de 2000 euros à chacun des membres”, supprimer la pétition sous “astreinte de 500 euros par jour de retard” et… publier un communiqué “aux frais de Monsieur Sergent, dans, au moins une publication nationale (Le Monde, Le Figaro ou Libération) et au moins, une publication régionale (La Provence)”. 

Le texte, tel qu’il apparaît aujourd’hui sur la plateforme en ligne, n’a rien d’un brûlot traitant d’escrocs l’Occitane et consorts. Le premier texte, que nous avons retrouvé dans les méandres du net, était plus incisif affirmant, entre autres : “Je refuse de laisser les grandes entreprises et laboratoires cosmétiques nous voler notre savon de Marseille”.

La guerre des macarons

Le nouveau texte, retravaillé, invite en revanche les signataires à prendre part à l’enquête publique ouverte sur le site de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) suite à la première demande d’indication géographique protégée sollicitée à l’automne par l’AFSM. Celle-ci avait en effet déposé un cahier des charges à l’automne visant à obtenir le petit macaron.

Ce cahier des charges permettait, outre une fabrication hors Bouches-du-Rhône, la possibilité d’utiliser des adjuvants et des parfums ainsi que des formes fantaisistes. En décembre 2015, l’union des professionnels du savon de Marseille, qui regroupe quatre savonneries dont trois marseillaises, a envoyé un autre dossier de demande d’IGP avec des caractéristiques “plus strictes”. Dossier sur lequel les internautes sont invités à donner leur avis.

Dans sa pétition, Adrien Sergent invite donc à “voter” pour ce second cahier des charges. L’INPI devra trancher à l’issue des deux enquêtes publiques. D’ici là elle aura peut-être reçu un troisième cahier des charges d’un producteur nantais de savon de Marseille qui a fait savoir récemment qu’il allait se battre pour avoir lui aussi le droit de mettre un petit macaron sur ses produits. Le premier rendez-vous de cette actualité riche en rebondissements ne sera pas industriel mais judiciaire. Lundi à 14h, le pétitionnaire doit se présenter au tribunal de grande instance. Attention terrain glissant.

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Commentaires

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  1. helene helene

    on voit comment les industriels et les entreprises d’un certain poids veulent désormais traiter les associations dans la france de m hollande et de sa justice : les empêcher d’être le poil à gratter de la démocratie en les trainant devant les tribunaux et en demandant de gros dommages intérêts pour un soit disant dommage; en fait ce sont ces entreprises qui se font passer comme unilever pour le savon de marseille … une marque de fabrique, une image marketing, en réalité ces entreprises n’utilisent pas la véritable recette du savon de marseille; regardez la différence entre les produits comme l’occitane et le sérail, une des rares entreprises artisanales traditionnelles cf http://www.savon-leserail.com/ sa boutique est sur la canbiere 130% de vrai savon, 1% de communication…je ne suis pas partie prenante d’une entreprise mais je faisais partie des citoyens qui ont manifesté contre la destruction de la savonnerie de la rue sainte il n’y a pas tres longtemps; en tout cas je proteste contre les methodes de l’occitane; elle perdra pas mal de clients non pas sur la nature de ces produits, mais sur sa manière de faire; pas joli joli mme l’occitane

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    On vit un monde formidable où l’on criminalise l’action syndicale, où l’on traîne en justice des citoyens qui ont le tort de lever le petit doigt pour défendre des opinions ou des valeurs, où l’on demande aux petits des “efforts” au nom d’une prétendue “solidarité” avec les chômeurs et les exclus, où la presse est de plus en plus tenue en laisse par les marchands d’armes et de produits de luxe qui y distillent une pensée unique culpabilisante pour tous ceux qui pensent autrement, pendant que quelques-uns amassent des milliards de dollars au Panama sans le moindre scrupule.

    Il est temps que les citoyens se lèvent pour dire que d’autres voies sont possibles et nécessaires. Heureusement que Change.org et d’autres réseaux sociaux existent pour cela, et heureusement que quelques journalistes, à commencer par ceux de Marsactu, résistent à la facilité et cherchent autre chose que l’information préfabriquée et formatée par l’idéologie de la caste dominante.

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  3. JL41 JL41

    Cette querelle est incompréhensible, sauf s’il existe au sein de la population un fort courant d’hostilité à l’égard de l’économie moderne, que le savon de Marseille n’avait pas connu à l’époque de sa naissance.

    Il est incompréhensible aussi que L’Occitane se sente menacée par les quelques savonneries traditionnelles qui subsistent et les amoureux du cube produit à Marseille, Salon ou Nantes. Cube dont la forme s’est imposée à l’époque de sa prospérité parce qu’il servait à laver le linge, à blanchir les draps notamment, dont ceux de la troupe, parce qu’on l’avait bien en main. Il est désinfectant aussi pour laver le corps, même un peu décapant, sauf pour sa variété blanche plus récente qui avait suscité un grand engouement (moins cher dans sa fabrication aussi). Mais le cube n’est pas trop pratique dans la trousse de toilette pour partir en voyage.

    C’est l’arrivée de la machine à laver avec ses détergents en poudre ou liquides qui a gâché l’avenir du savon de Marseille, voir accentué la nostalgie, d’autant que ce sont de méchantes multinationales qui fabriquent les détergents.

    Notre cube réputé, aimé des touristes dit-on, ne s’est pourtant jamais très bien exporté, sauf dans nos colonies, en Algérie notamment. La Suisse était un bon client mais elle a fini par se tourner vers Trieste. L’Italie et l’Espagne qui faisaient mieux ou moins cher boudaient notre savon. A cela se mêlait une guerre des tarifs portuaires, nos producteurs souhaitant des exonérations à l’export ou des droits réduits pour les matières premières importées.

    Notre savon n’était d’ailleurs qu’en partie «de Marseille» puisqu’un tiers des usines étaient ailleurs dans le département, à Salon-de-Provence, capitale de l’olivier, pour les plus réputées. Le département assurait quand même les deux tiers de la production nationale. Il y avait d’autres usines en Provence, dans le Var notamment, où l’on produisait beaucoup d’huile d’olive. Un clivage est né dans la fabrication entre les matières premières importées à Marseille (pour la fabrication de l’huile de palme ou de coprah, une variété de noix de coco) et le savon à l’huile d’olive de Salon ou du Var. Mais nous avons aussi importé des olives ou de l’huile d’olives d’Espagne et d’Italie.

    La recette du savon de Marseille était loin d’être immuable. Il serait oiseux d’entrer dans les détails de son évolution, avant même que L’Occitane ou d’autres ne mettent en œuvre leurs propres innovations, face à une demande de produits plus fins, dont l’export améliore l’équilibre de notre commerce extérieur. Le savon dit de Marseille a d’ailleurs probablement été «inventé» à Alep en Syrie, un des premiers foyers au monde de produits cosmétiques. On peut même fabriquer soi-même ce savon dit d’Alep, dans une variété d’une grande finesse : http://vert-citron.fr/index.php/2014/10/savon-dalep-fait-maison-saponification-a-froid/

    Les usines, assez simples au demeurant, se sont développées à Marseille grâce aux martinets de Gémenos qui permettaient de fabriquer les fonds de cuve incurvés qui étaient raccordés aux parois latérales des cuves de cuisson. La savonnerie marseillaise, pourtant faiblement mécanisée, n’a pas été un employeur très important. La fabrication des bonnets turcs (ces chéchias rouge sombre) par exemple, occupait davantage de monde, pour une production entièrement exportée.

    Alors bon, laissons la savonnerie marseillaise ou salonaise à ses cubes et quelques nouveautés mieux en mains et ne nous querellons pas avec nos «multinationales» du savon, dont L’Occitane constitue un bon exemple.

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