Les insubmersibles patrons de la fédération des chasseurs des Bouches-du-Rhône

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le 19 Oct 2015
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Depuis un mois, les dirigeants de la fédération des chasseurs des Bouches-du-Rhône ont résisté à deux tentatives de contester leur pouvoir. Leurs opposants attendent désormais des nouvelles de la Cour de cassation... qui n'a toujours pas reçu le dossier quatre mois après le jugement d'appel.

Crédit m01229 / Flickr
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Crédit m01229 / Flickr © m01229 / Flickr

La justice adopte parfois un calendrier déstabilisant. En juin, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé en trois mois – un temps record – le jugement du tribunal correctionnel contre Jo Condé et Jean-Marie Rimez. Secrétaire général de la fédération des chasseurs (FDC) des Bouches-du-Rhône, le premier était poursuivi pour avoir abattu un héron cendré, espèce protégée. Et surtout pour avoir fait pression sur les salariés de cette structure afin qu’ils le couvrent. Un délit qui était aussi reprochée au second, président de la fédé.

Pour eux deux, ce jugement signifiait la fin de toute fonction à la fédération pendant cinq ans. “On pensait que c’était l’affaire de quelques jours. Cela fait quatre mois”, se désole un des opposants à l’équipe en place. Car le rythme judiciaire s’est soudainement ralenti après leur pourvoi en cassation, une procédure suspensive en cas de condamnation pénale. “La cour d’appel d’Aix n’a toujours pas envoyé le dossier à la Cour de cassation”, s’étonne Philippe Calandra, avocat de Jo Condé.

Ça s’en va et ça revient

Rien ne semble pouvoir éloigner ce dernier des manettes de cette association aux 23 000 adhérents, chargée par l’État des missions de service public en rapport avec la chasse, notamment l’indemnisation des dégâts causés par le gibier. En février 2011, Jo Condé avait été contraint de quitter la présidence de la fédération, suite à une condamnation pour des faits de corruption. Mais cela ne l’avait pas empêché de revenir un an plus tard, en étant coopté pour occuper un siège vacant au conseil d’administration. La justice avait omis de lui interdire ce poste…

En juillet 2014, après leur garde à vue, Jo Condé et Jean-Marie Rimez sont renvoyés devant le tribunal correctionnel et placés sous contrôle judiciaire avec interdiction de s’approcher du siège de Puyricard. Leurs opposants ainsi que de nombreux salariés ont alors poussé un soupir de soulagement, après des mois d’ambiance délétère. Le syndicat national des personnels des fédérations de chasse (Force ouvrière) avait alors appelé à la mise sous tutelle de l’association. Mais Jo Condé et Jean-Marie Rimez ont pu revenir au siège en mars 2015, au lendemain de leur condamnation en première instance, à la faveur de leur appel suspensif.

Des bénévoles à la rescousse

Pour le moins paradoxal, mais tout à fait conforme au code pénal. Depuis, la tension se maintient. Comme l’a déjà noté La Provence, qui suit de près l’évolution de la situation, plusieurs salariés ont été licenciés, d’autres sont en arrêt maladie. “Les employés ne choisissent pas leur patron à ma connaissance. Après avoir tenté la stratégie de la grève, leur astuce a été de se mettre en maladie”, ironise Philippe Calandra. Ces arrêts ont été “reconnus comme maladie professionnelle”, précise toutefois Julien Gautier, avocat de plusieurs salariés, dont un est en contentieux prud’homal concernant son licenciement.

Quoi qu’il en soit, “des bénévoles des sociétés de chasse ou des CDD sont venus les remplacer et le travail a été fait”, minore l’avocat du secrétaire général de la fédé. L’affirmation semble confirmée par la très tatillonne chambre régionale des comptes (CRC). Au grand dam du préfet, qui s’est finalement mêlé de l’affaire après des années de mutisme et a tâché de reprendre le contrôle de la fédération. En avril, à l’occasion de l’assemblée générale, il avait tenu à ce que la représentation de l’État “soit personnellement assurée par le directeur départemental des territoires et de la mer Gilles Servanton” et l’avait fait savoir par communiqué :

Celui-ci a rappelé le rôle confié au préfet par le code de l’Environnement en matière de contrôle de la réalisation des missions de service public qui incombent à la FDC, dont l’indemnisation des dégâts de gibier et la formation au permis de chasser.

Les événements récents perturbent la bonne gestion de ces missions et des dysfonctionnements graves ont été constatés.

En ce sens, le préfet des Bouches-du-Rhône, Michel CADOT, a initié tout récemment une procédure contradictoire. Si la FDC ne donne pas rapidement des gages qui permettent d’assurer un retour rapide à la normale, cette procédure pourra aboutir à une reprise des missions de service public de la FDC par l’État.

Saisie du dossier en juillet, la chambre régionale des comptes a renvoyé le préfet dans les cordes le 10 septembre, comme l’a noté le journaliste de La Marseillaise David Coquille.


Pour fonder son refus, la CRC se positionne sur la forme. Selon elle, la saisine “ne comprend aucune analyse argumentée de la réponse du président [de la FDC] expliquant les raisons pour lesquelles le préfet ne s’en est pas satisfait et a décidé de saisir la chambre.” “Tout a été examiné, il n’y avait rien”, affirme Philippe Calandra pour qui la saisine était tout aussi légère sur le fond. “C’est un problème de procédure, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes dans cette fédération”, nuance Louis Vallernaud, président de la CRC.

Une autre tentative de pousser dehors les dirigeants de la FDC vient d’échouer, avec une décision du tribunal de grande instance d’Aix. Celui-ci a débouté les présidents de plusieurs sociétés de chasse, qui contestaient le vote de l’assemblée générale en avril. L’avocat de Jo Condé y voit la démonstration de l’acharnement infondé d’une minorité d’opposants. Mais un dernier front judiciaire est toujours à l’agachon. La cour d’appel d’Aix pourrait finir par trouver le chemin de la poste et faire parvenir à la cour de cassation la demande de pourvoi des deux incriminés.

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