Dominique Bourg à Marseille : réformer nos démocraties ou aller dans le mur

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le 4 Déc 2010
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Dominique Bourg à Marseille : réformer nos démocraties ou aller dans le mur
Dominique Bourg à Marseille : réformer nos démocraties ou aller dans le mur

Dominique Bourg à Marseille : réformer nos démocraties ou aller dans le mur

C’est un pavé dans la mare jeté dans l’optique des élections présidentielles de 2012. La Fondation Nicolas Hulot (FNH) « ne compte pas refaire le coup du pacte écologique ni du chantage à la candidature » pour que les partis mettent l’environnement au programme, mais carrément porter des propositions de réforme des institutions françaises. Membre du conseil d’administration de la FNH, le philosophe Dominique Bourg était ce vendredi à Marseille pour détailler les enjeux (la conférence est visible intégralement en vidéo).

Intérêts particuliers

Pour lui, le constat est sans appel : « en dépit de leurs efforts, nos démocraties ne sont pas parvenues ne serait-ce qu’à inverser les indicateurs de dégradation de l’environnement », lançait-il aux Variétés devant une salle plutôt remplie pour un début d’après-midi. Et la cause simple : nos systèmes représentatifs n’ont pas été pensés pour. Alors qu’il ne s’agissait que de « garantir la liberté et la création de richesse », ils doivent aujourd’hui faire face la limitations des ressources et de la capacité de régénération de la biosphère (biodiversité, acidification des océans, pollution atmosphérique…) qui risquent de « fragiliser voire pourrir nos conditions de vie ».

Or, « le système représentatif est construit autour de la défense d’intérêts, en particulier en terme de valeur marchande », estime-t-il. De plus, « le temps démocratique est très court, quelques années, ce qui n’est pas exactement le timing de la biosphère ». Enfin, « la composition de l’atmosphère ou la présence de micro-polluants dans cette salle » ne sont pas des plus évidentes à saisir. « Personne ne descend dans la rue pour défendre le climat, alors qu’il aura un impact au moins aussi important que l’avenir de nos régimes de retraites », glisse-t-il.

Constitution, Sénat, Académie

Sa solution ? Commencer par « réformer la constitution : l’intérêt fondamental de la Nation n’est plus du tout séparable de l’état de la biosphère ou des ressources disponibles. Il est impossible de le défendre sans en tenir compte. Quand on sera à la peine pour trouver des minéraux, de l’énergie, de l’eau, la première tentation sera de se taper dessus. ». Conséquence directe : « il faut que nos élus soient très précisément informés de l’état de ces indicateurs ».

Jusque là rien de bien révolutionnaire. Mais l’on rentre dans le dur avec la création d’une « Académie du futur, composée de scientifiques reconnus et en activité, qui serait là pour tenir les politiques à jour » des enjeux. Enfin, un Sénat repensé serait composé de « personnalités qualifiées proposées par les ONG puis tirées au sort pour éviter tout copinage. Il interviendrait en amont pour réfléchir aux grandes réformes structurelles. Il ne rentrerait jamais dans le détail, ce qui reste le boulot des députés, mais viserait les lois votées et pourrait apposer son veto en cas de contradiction avec la poursuite des objectifs constitutionnels ».

Des propositions qui risquent d’être difficiles à faire accepter, et pas simplement parce qu’elle donne un rôle considérablement renforcé aux associations, jusqu’à présent dernière roue du carrosse entre élus, patrons et syndicats. « Le régime proposé n’est pas une démocratie, comme prétendu, mais une dictature. Le peuple n’est plus souverain lorsqu’une institution non issue de lui a le pouvoir de décider des lois. Or c’est bien ce qui est prévu. Les sénateurs sont choisis par une minuscule minorité de militants écologistes, qui ne peuvent en rien prétendre représenter l’ensemble des citoyens », a réagi le journaliste du Temps Etienne Dubuis.

Expertocratie ?

Il y voit une « fascination pour le Savoir et ses détenteurs officiels, qui n’a d’égale qu’un mépris total pour l’homme ordinaire, décrété incapable de prendre la mesure des problèmes environnementaux parce qu’il ne les a pas sous les yeux ». Dominique Bourg affirme pourtant se méfier de « l’expertocratie ». « L’essor des techniques nous renverra de plus en plus à la question politique : OGM, nanotechnologies, peut-être bientôt anthropotechniques et géo-ingénierie », rappelle-t-il. Pour lui, c’est aux citoyens de choisir si ce qui est possible – et source de profits pour certains – est souhaitable. Une autre proposition est d’ailleurs l’utilisation du modèle des conférences de citoyen, « où un petit nombre de gens, à qui on dispense une information », vont se pencher sur un problème. « L’expérience a montré que là où il y avait des intérêts, on a alors des arguments, une intelligence collective », assure-t-il.

« Le rôle des scientifiques, par exemple du GIEC (groupe international d’experts sur l’évolution du climat, ndlr), est d’informer. Ensuite, si les gens disent : « on s’en fiche, allons-y à fond, faisons la dernière grande fête industrielle pendant 30 ans et ensuite tirons nous tous une balle », ça les regarde », glisse-t-il en guise de provocation. Toute la question qu’il pose est de savoir s’il le font à cause du système démocratique tel qu’il est ou par une véritable volonté.

Un lien La thèse de Dominique Bourg et Kerry Whiteside en détail ou en totalité dans le livre « Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique »

Un lien Le rapport du Grenelle de l’Environnement sur le sujet, qui a notamment abouti à l’intégration d’ONG environnementales dans le Conseil économique et social

Un lien Conférences de citoyens et autres expériences de démocratie participative sur le site de la Commission nationale du débat public

Un lien Une conférence mondiale de citoyens
sur le climat avant Copenhague
, sur le blog Sciences2

Un lien Le site de l’association Vivagora, très active sur la question du débat public sur les questions scientifiques

Un lien Sinon le débat public sur le terminal méthanier de Fos est toujours en cours, voir l’annonce sur Marsactu

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Commentaires

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  1. Olivier Olivier

    Ce que propose D. Bourg, en langue française, cela s’appelle une dictature.

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  2. prapin prapin

    son patron nicolas hulot que j’appelle l’écolo-tartuffe ramasse du pognon à la pelle avec rhone poulenc(entreprise peu écologiste),tf1 et touche aussi des royalties sur les produits ushuaia (produits peu écolos aussi)…
    j’avais aimé ce qu’avait dit allègre au sujet d’hulot et d’arthus-bertrand: “tous à vélo et nous en hélico!”…il faut des écolos intelligents sans idéologie politique comme sont ceux que nous avons en ce moment…faire du bien à la nature n’est pas de droite ou de gauche…

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  3. céhère céhère

    Si c’est pour lire des commentaires type la provence, ça donne envie de sites sans commentaires.

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  4. Bernard Bernard

    Pour une autre remise en perspective, à la fois empirique et analytique, voir aussi “Le « développement durable » appelle-t-il davantage de démocratie ?” dans la revue Vertigo : http://vertigo.revues.org/4996

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