Michel Samson vous présente
Mazargues, un village dans la campagne

[Mazargues, un village dans la campagne] Les fillonistes tractent mais ont “jeté la télé”

Chronique
le 20 Mar 2017
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La rue Émile-Zola et l
La rue Émile-Zola et l'église de Mazargues (Photo : CV)

La rue Émile-Zola et l'église de Mazargues (Photo : CV)

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Après la justice et la culture, Michel Samson poursuit son compagnonnage journalistique avec Marsactu. Dans cette nouvelle chronique, il regarde la campagne présidentielle depuis le village de Mazargues. Ancré à droite, malgré un vieux fond de gauche, à la lisière de quartiers populaires, le quartier natal de Jean-Claude Gaudin est son nouveau terrain d’exploration. Pour ce quatrième épisode, Michel Samson a suivi les militants fillonistes dans la foulée des élus du secteur qui continuent de faire campagne malgré les affaires qui plombent leur candidat.

Elles ont rendez-vous à 14 h 30 à l’angle de l’avenue de Mazargues et de la rue François-Robert. Au programme de ces militantes pro-Fillon un « boitage » des documents récemment arrivés de l’équipe nationale. Rassemblées autour de Catherine Chantelot, adjointe au maire et élue des 9e et 10e arrondissements, infatigable militante, elles l’écoutent expliquer comment remonter la rue jusqu’à l’église de Mazargues sans se tromper : certains côtés de rue relèvent d’une autre circonscription : ce sont les « bureaux 851 et 852 qui sont visés » me confie-t-elle, rien n’est laissé au hasard dans l’équipe des fillonnistes du secteur. 1500 tracts pour cette diffusion ordinaire, que la dizaine de militantes se répartit par groupe de deux ou trois. Habituées ou nouvelles dans l’exercice, elles sont manifestement heureuses d’être là, d’exhiber leur T-shirt siglé Guy Teissier avec Fillon.

La marche commence donc vers ces boites aux lettres dans lesquelles elles vont glisser Mon projet santé : le tract illustré de 4 pages est titré « Mieux soigner, mieux rembourser » sous le visage souriant de leur héros présidentiel. Boites de maisonnettes, d’échoppes ou d’immeubles, il n’y a pas grand monde à cette heure-là. Devant cet ensemble de copropriétés, sourire aux lèvres, le gardien lance : « Ce sont tous des escrocs, de droite comme de gauche ». Souriant aussi, les deux militantes lui répondent que « justement… »,  dos tourné, ils disparait au coin du bâtiment. Quelques minutes après elles le retrouvent et ce protestataire gentil leur ouvre les portes pour libérer l’accès aux boites aux lettres. Quand je dis à Catherine Chantelot que le PS et plus encore le PCF ont plutôt tendance à diffuser devant les entreprises, elle m’explique qu’il est bien que ce document santé « soit donné aux familles : c’est là que les gens discutent de ces questions, décident ». « En plus, ici les gens nous connaissent. Ils savent qu’on est toujours là, d’ailleurs on s’en est rendu compte pendant les primaires : les gens nous écoutaient parce qu’ils nous connaissent. C’est important d’être sur le terrain, avec eux ».

Tranquilles dans cet après-midi ensoleillé, les femmes remontent l’avenue jusqu’ à la rue Emile-Zola qui traverse le village de Mazargues. Mêmes interrogations et rares discussions. Une vieille habitante se dit « inquiète » et ne pas comprendre « comment il a fait travailler sa femme ». Cette diffuseuse, novice, lui explique que « le général de Gaulle le faisait à Londres » et que d’ailleurs « beaucoup de femmes ont toujours travaillé pour leur mari, même si c’était pas reconnu ». Ce vieux monsieur sortant de chez lui, refuse le tract qu’on glisse quand même dans sa boite.

 

 

Le lendemain matin je retrouve certaines de ces militantes à l’autre bout de la circonscription : « à 9h30 devant l’église de Saint-Loup ». Le quartier dépend de la même mairie de secteur et le député, Guy Teissier, reste l’incontestable patron de tous les militants pro Fillon de cet immense quartier électoral : « 135 000 habitants et qui fait la surface de la moitié de Paris » comme le dit le maire de secteur Lionel Royer-Perreaut. Photos des retrouvailles du samedi matin, les militants et militantes s’embrassent, bavardent, s’équipent de T-shirts à propagande, se répartissent plus ou moins le quartier qu’ils semblent connaitre par cœur. Au Projet santé, s’ajoute un quatre pages Pour une immigration réduite au strict minimum où on lit qu’il faut « mettre un terme au laxisme socialiste ». Avant d’entamer son interminable tournée des magasins, le maire  filloniste m’explique que l’énergie militante est revenue. Pendant une bonne quinzaine, « même les militants les plus proches » ont été sinon découragés, au moins embarrassés. « Mais depuis le Trocadéro, il y a quinze jours, c’est reparti. D’ailleurs, les campagnes ça prend toujours dans les quinze derniers jours ». Il ajoute, sans que je lui pose la question, que personne dans le secteur ne lui parle jamais de Macron : « Ca me fait penser à la primaire : le terrain, c’est très différent de ce qu’on lit dans les journaux ».

Dans la pharmacie, son adjoint Santelli lance un jovial « Ca va docteur ? ». Sage attente que les clientes soient servies, la discussion s’engage avec le maire : « Vous le savez, je l’ai choisi depuis bien longtemps – il parle de Fillon -. J’ai jeté la télé, et pour les journaux, je me demande si… ». Serrage de mains, entrée rapide au café, longue discussion dans la librairie Des livres et vous. Le libraire dit que « les gens parlent volontiers du costume… En fait les gens s’intéressent beaucoup à la politique. Le livre de Fillon, vous le savez monsieur le maire, j’en ai vendu plein ». Vient le cas Macron que Royer-Perreaut connait manifestement bien : « Il dit qu’il veut renouveler la vie politique, et ceux qui le soutiennent s’appellent Robert Hue, Madelin, Cohn-Bendit. Tous des gens qui ont plus ou moins raté leur vie politique et ne sont plus tout jeunes », explique Royer-Perreaut.

La tournée continue, les militants se sont dispersés, regroupés, ont diffusé sur les trottoirs et se retrouvent à Pont de Vivaux où Nico l’écailler organise avec la mairie de secteur, vieille tradition, une dégustation publique de coquillages. Guy Tessier est déjà dans le coin : l’actuel député et ancien maire de secteur connait tout le monde qui le lui rend bien. Pas un magasin, un bistrot, un arrêt de bus où il n’est pas reconnu, salué et, à peu près toujours embrassé. Il demande des nouvelles, écoute de petits secrets, serre la main et passe ailleurs. Chez le marchand de journaux, on parle au maire et à l’ex-maire d’interminables soucis de stationnement quand un employé de la mairie annexe évoque d’insolubles problèmes d’adresse administrative. Il est onze heures et demi, une soixantaine de proches, élus, militants, amis se pressent devant chez Nico. Laïus du maire, puis du député, qui déplore la « société individualiste où s’estompe la solidarité, comme  nous le faisons ici, autour de coquillages, ce qui créé justement cette solidarité ». Un mot à propos du rôle des commerçants qui ont un « rôle tellement important pour la vie de noyaux villageois » : « Le candidat que je soutiens est pour réduire les charges », inutile ou peut-être malséant de le nommer, c’est l’heure de la photo de plateaux de coquillages qu’on va savourer ensemble.


Géographie électorale de Mazargues

Quatre bureaux de vote de Mazargues (contours non officiels reconstitués dans le cadre du programme de recherche Cartelec).

Qu’est-ce que Mazargues ? Lorsque nous avons arrêté avec Michel Samson son terrain d’observation de la campagne présidentielle, la question s’est posée d’emblée. Si l’on suit l’orthodoxie des fameux 111 quartiers de Marseille, Mazargues compterait environ 17 000 habitants sur un périmètre englobant une bonne partie du boulevard Michelet et poussant à l’est jusqu’à Valmante (voir cette carte).

Dans un premier temps, c’est plus spécifiquement dans le “noyau villageois”, structuré par la rue Émile-Zola, que Michel Samson a décidé de flâner. Électoralement, cela correspond à peu près aux bureaux de vote 951 et 952. En 2012, Nicolas Sarkozy y a dépassé sa moyenne régionale avec près de 35 % des voix au premier tour (contre 27,2 % au niveau français). Lors des régionales 2015, Christian Estrosi a fait jeu égal avec Marion Maréchal-Le Pen autour de 33 %, bien plus que les 26,5 % réalisés sur l’ensemble de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Mais considéré plus largement, le quartier de naissance de Jean-Claude Gaudin n’est pas le bastion de droite que l’on pourrait croire. Les bureaux 953 et 954, qui recoupent d’une part les résidences Lancier – Cyclamen – Myosotis, d’autre part les alentours de La Soude, montrent bien la diversité des électorats. Leur variabilité aussi : en 2012, trois-quarts des inscrits du bureau 954 s’étaient déplacés pour le premier tour, seulement un peu plus d’un tiers pour les régionales trois ans plus tard…

Julien Vinzent

Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Merci pour ces reportages au plus proche de la vie dans les quartiers.
    Un terme que je n’aime pas “fillonniste” (comme “sarkozyste” ou “juppéiste” )qui suppose que l’on pourrait adhérer à une doctrine, à une philosophie… et là on est en face d’un type qui se fait payer des costumes par un “ami !” avocat foireux copains des dictateurs africains, qui manipule des montagnes d’argent liquide volé à la misère de populations africaines

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