Au pied de la Nerthe, des bouts de collines se préparent à un nouvel avenir
Sur les hauteurs de l'Estaque, des friches industrielles témoins du passé ouvrier sont vouées à être urbanisées. Aucun projet précis ne se dégage, pour l'heure, mais les riverains s'interrogent.
Tout à droite, l'ancien bâtiment de la direction Penarroya domine la côte. (Photo Alexia Conrath)
Une vue imprenable, c’est indéniablement ce qui est commun à tout le territoire de l’Estaque. Aussi immuables que semblent être ces paysages, certaines zones de ce décor à couper le souffle pourraient bien changer d’allure dans les années à venir. Une concertation publique pour la quatrième modification du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI), ce document qui construit le projet d’aménagement du territoire, est en cours jusqu’au 31 janvier 2024. Parmi les modifications proposées par la métropole, plusieurs visent des lieux situés à l’Estaque, au pied du massif de la Nerthe.
En raison de son relief escarpé et de sa proximité avec l’entrée de la ville, ce secteur a été historiquement choisi pour des installations industrielles, désormais complètement à l’arrêt. Demain, elle pourrait être urbanisée. Trois zones délimitées sont d’ores et déjà identifiées. Mais avec quels projets ?
Carrière du vallon, un autre avenir que les entrepôts de bateaux ?
En venant de la côte Bleue par l’exigüe D568, au niveau du panneau d’entrée de ville “Marseille”, des bateaux s’alignent sur la gauche, à terre. Sur une surface de 39 000 mètres carrés, ils sont entreposés par une entreprise privée. Le terrain appartient à Patrice Rossi, propriétaire également d’une surface rocailleuse plus en altitude, la carrière du Vallon. Marsactu révélait il y a deux ans que des déchets y étaient déchargés illégalement.
Les deux parcelles appartenant à Patrice Rossi, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, sont situées aux abords d’une zone protégée et classées dans le PLUI en “AU”, c’est-à-dire, “à urbaniser”. Ce terrain, le comité d’intérêt de quartier (CIQ) du 16ᵉ arrondissement souhaiterait y voir un parking ouvert avec des ombrières et des panneaux photovoltaïques. Il pourrait soulager selon eux celui de la gare ferroviaire de l’Estaque, qui peut être ensuite rejointe grâce au bus 35. Et permettrait de désengorger le cœur du village dans lequel même en plein mois de décembre, les places de parking se font rares. Patrick Robert, co-président de la fédération du CIQ du 16ᵉ arrondissement porte également la réhabilitation de l’ancienne halte ferroviaire du chemin du Resquiadou. Pour lui, ces projets permettraient de fluidifier le trafic en saison : “L’été, il y a tellement de voitures partout que ça pose des problèmes d’accès pour les pompiers. Les gens se garent n’importe où et surtout à des endroits où ce n’est pas fait pour ça.”
Aux Riaux, un futur en friches
En poursuivant la route, les voitures s’engagent dans le quartier des Riaux. Juste au-dessus de la mise à l’eau, en dessous d’un couloir aérien qui mène les avions à Marignane, la zone presque désertique abritait auparavant un site industriel. Depuis 2017, il n’y a plus aucune entreprises en activité. L’usine Penarroya et sa bâtisse désaffectée dominent la colline. Deux autres bâtiments vandalisés correspondent à l’ancienne conciergerie pour l’un, d’anciens bureaux pour l’autre. Tout autour, quelques petites maisons d’ouvriers bordent des routes escarpées : une vingtaine d’habitants en tout, un quartier assez populaire.
“Le site est engagé dans un processus de dépollution des sols”, rappelle le document de cadrage du PLUI. “Quand on parle avec les anciens du village de dépollution, ils rigolent. De l’arsenic et d’autres produits ont été balancés dans les rochers à l’époque industrielle. Avec la pluie, tout est entré dans le sol. Riaux est un terrain très pollué qui n’accueillera jamais d’habitations”, assure Marie-Blanche Chamoulaud, vice-présidente du CIQ des Hauts de l’Estaque.
Autre contrainte majeure, la difficile connexion au réseau de transports en commun. La municipalité, qui ne s’avance pas trop, à ce stade, sur le futur des lieux, en est consciente.“Aux Riaux, il peut y avoir la possibilité d’une urbanisation, mais avec des problématiques d’accès majeures et de lien à des transports en commun structurants”, souligne Eric Mery, adjoint à l’urbanisme,
Une voie de chemin de fer traverse justement le terrain. Yves Pont, président du CIQ de Riaux, voit grand et rêve d’y installer une gare, le long de la voie ferrée, derrière le petit hameau : “On est le seul quartier sur le 16e à ne pas avoir de gare. L’intérêt d’en mettre une ici, c’est la mobilité et puis ça va permettre de générer un certain nombre de réalisations sur ces parcelles comme une chaine hôtelière. Forcément, ça va donner une impulsion qui va générer des constructions et on pourra avoir un parking relais sur cet emplacement.”
Chemin de la Nerthe, chantier en hauteur
De l’autre côté du pont et au-dessus de la voie de chemin de fer, la poussière vole et les gravats jonchent le sol. En cause, la proximité avec la carrière Lafarge, toujours en activité. Cette petite zone qui longe une partie du chemin de la Nerthe est également désignée comme “à urbaniser”. La parcelle appartient à Lafarge Ciments et se compose de deux ensembles : une pente rocailleuse et un plateau délimité par une clôture. Au fond de cette cour fermée par une grille, des petites maisons. Certaines sont neuves, d’autres très anciennes, se rénovant années après années. Les habitants bénéficient d’un droit de passage sur la cour qui appartient à Lafarge Ciments.
Ici aussi, le problème est le même que dans le reste de l’Estaque, les places pour se garer sont rares. Les véhicules stationnent le long des toutes petites routes très sinueuses. Pourtant, Marie-Blanche Chamoulaud, vice-présidente de CIQ des Hauts de l’Estaque, s’oppose fermement à la construction de nouvelles places à cet endroit : “Un parking, c’est la possibilité de construire ensuite des habitations. La zone est déjà trop urbanisée. Ce ne sont pas des rues faites pour des voitures. On a beaucoup de nuisances à cause de la carrière et peu de services publics. On demande des contreparties : la préservation de la nature plutôt que de la construction”.
Ces trois zones de l’Estaque sont soumises à la concertation publique jusqu’au 31 janvier 2024. Pour Laure-Agnès Caradec, conseillère métropolitaine déléguée à l’urbanisme, il est difficile de savoir aujourd’hui ce qu’il adviendra de la carrière du Vallon, les Riaux et le chemin de la Nerthe : “C’est parfois complexe de projeter un avenir immédiat sur certaines zones “à urbaniser” qui pourraient rester en zone “à urbaniser”, le temps que des projets murissent.” En clair, tout semble encore possible.
Actualisation le 2 janvier à 11h : ajout du projet de réhabilitation de l’ancienne halte ferroviaire à l’entrée de Marseille
Commentaires
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Quel avenir en pays occupé ?
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Enfin les marinas vont se faire (revendication des années 1960)
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Les Marinas … Pour quoi faire ?! Parquer des pauvres bateaux qui ne voient la mer que 5 fois par an ?
Laissons plutôt le littoral aux baigneurs et autres plagistes, bien plus nombreux que les heureux propriétaires de “Yatchs”.
Pour les voileux amoureux de la mer, les vrais, des clubs de voile, oui.
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Ce genre de perspectives doit se penser d’une manière globale : usages du foncier, transport, environnement …
Question usages, on peut exploiter la mer en contrebas pour du loisir (il y a les plages de Corbière, à étendre car elles reçoivent toute la population des quartiers Nord l’été), et la base nautique (à renforcer également, à l’image de celle du Roucas Blanc au Prado). On peut envisager également de l’activité économique, donc de l’emploi, avec du tertiaire sur la zone en cours de dépollution.
Côté transport, contrairement à M. Mery, je crois plutôt qu’il y a le triptyque idéal : chemin de fer avec ligne rentrante dans Marseille, espace pour parking, et route d’accès (depuis la Côte Bleue et Marignane). On peut donc créer des parkings relais à côté d’une gare. Lesquels parkings serviront au loisir et à l’activité, en mode alterné (usage travail en semaine, loisir en weekend et soir).
Les idées ne manquent pas, tant le potentiel est vaste, avec cette vue, avec le littoral disponible, et avec la voie ferrée.
Voilà du travail pour les urbanistes. Encore faudra-t-il qu’ils reçoivent des commandes par les politiques. Étrange que ces derniers ne soient pas plus motivés. A leur place, je m’exciterait plus. Laisser “mûrir”, ça risque de prendre du temps …
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