À l’Estaque, une ancienne carrière de nouveau utilisée comme décharge sauvage

Actualité
le 25 Mar 2021
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Des habitants ont signalé un ballet de camions chargés de gravats vers une carrière qui avait déjà servi de décharge illégale par le passé. Les exploitants assurent effectuer des travaux d'aménagement, mais les services de l'État estiment qu'il s'agit bel et bien d'un stockage de déchets inertes.

La carrière du Vallon (16e) le 22 mars 2021. (Photo : Rémi Baldy)
La carrière du Vallon (16e) le 22 mars 2021. (Photo : Rémi Baldy)

La carrière du Vallon (16e) le 22 mars 2021. (Photo : Rémi Baldy)

Juste au-dessus de la plage de Corbières, la vue sur la mer en ferait presque oublier les clôtures de l’autre côté de la route. Presque, car elles détonnent dans ce paysage rocailleux. Ces grilles bloquent l’accès à l’une des carrières du vallon, un peu plus enfoncée dans les collines de la Nerthe à l’abri des regards. Le ballet des camions qui franchissent le portail depuis le mois d’août a en tout cas interpelé les comités de quartier du 16e arrondissement qui dénoncent la dépose sauvage de déchets inertes dans ce secteur habitué aux décharges illégales. “Le 2 mars, nous avons compté 75 camions en trois heures, soit 150 rotations”, souligne Dominique Zussy, président de la fédération des CIQ. Trop pour des routes inadaptées à un tel trafic s’inquiètent les habitants. Le sujet est d’autant plus sensible que comme le racontait Marsactu en 2016, la carrière avait déjà servi de décharge sauvage durant quatre ans à une entreprise du BTP.

Cette activité est remontée jusqu’aux oreilles de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) qui indique à Marsactu que ses services “en charge de l’inspection des installations classées ont engagé une enquête administrative sur ces activités à la suite de divers signalements”. Le service de l’État ajoute qu’une “enquête judiciaire est également en cours”. Le dossier est donc désormais sur le bureau de la procureure de la République. Selon nos informations, les propriétaires du terrain devraient par ailleurs recevoir une amende ainsi qu’une mise en demeure de cesser leur activité.

L’un des propriétaires nie les faits

Depuis quelques semaines, les va-et-vient sont plus fréquents, je pense que les propriétaires se doutaient que quelque chose allait se passer”, juge Dominique Zussy. Et à partir de jeudi 18 mars, le passage des poids lourds à la carrière s’est brusquement arrêté. “Nous voulions calmer le jeu”, explique pour sa part Didier Roussel, l’un des deux propriétaires du terrain, qui compte bien reprendre l’activité, “mais en divisant le nombre de camions par cinq”, promet-il.

Le portail d’accès à la carrière du Vallon. Image : R.B

Le dirigeant, également à la tête d’une société de BTP à Châteauneuf-les-Martigues, a acquis ce terrain en juin dernier avec Patrice Rossi, à la tête du port de Corbières. Il n’a quant à lui pas répondu à nos sollicitations. Depuis, deux sociétés avec à leur tête les deux hommes s’y sont installées. Leurs noms s’affichent sur les grilles : Les carrières du Vallon et Espace recyclable méditerranée (ERM). La première, créée en décembre 2019, loue des terrains tandis que la deuxième, née en septembre 2020, est spécialisée dans les travaux de terrassement courants et les travaux préparatoires.

Malgré les observations de la Dreal, Didier Roussel se défend de faire de ce lieu une décharge : “Nous n’enfouissons pas des déchets, les camions arrivent pleins mais repartent aussi pleins. Nous enlevons les gravats, revalorisons les cailloux pour en faire du ballast et avec la terre qui reste nous rendons le terrain plat”, détaille-t-il. Une activité qui ne nécessite pas d’autorisation spécifique selon lui.

“Il n’y a pas d’enquête judiciaire, il y a seulement un procès verbal à la suite de la venue de la Dreal en novembre pour constater ce que nous faisions. Nous discutons avec eux tous les mois depuis”, affirme-t-il, visiblement pas encore informé des derniers développements.

L’exploitant évoque un projet d’installation de panneaux photovoltaïques en lien avec une start-up. Celle-ci dément toute implication.

D’après l’entrepreneur, cet aménagement aurait pour finalité d’installer sur ce site des panneaux photovoltaïques “pour alimenter Marseille” selon le dirigeant. Didier Roussel assure avoir “discuté depuis de nombreux mois avec Engie et Reservoir Sun”, une filiale marseillaise du groupe énergétique, dans cette optique. Contactée, la start-up indique ne pas être liée à ce projet. Concernant les barrières, le dirigeant plaide la maladresse et dit ignorer que leur installation nécessite un permis de construire.

“C’est un dirigeant important, il est à la tête d’une entreprise de BTP qui fait huit millions d’euros de chiffres d’affaires et vous pensez qu’il ne connaît pas ce type de règle ?”, interroge, dubitative, Marie-Blanche Chamoulaud, membre de la fédération des CIQ du 16e.

Lenteur politique

La mise en demeure de la part des services de l’État devrait donc satisfaire les habitants. Avec d’autres associations, Cap au Nord, Action l’Estaque environnement et France nature environnement, les CIQ réclament la fin des travaux dans l’ancienne carrière. Vendredi, tous se sont réunis devant la mairie pour interpeller les élus. “Nous craignons que cela ne se termine qu’avec une simple régularisation, nous voulons être associés aux permis de construire sur ce site”, revendique alors Dominique Zussy micro à la main.

Les déchets ne sont pas dangereux, mais l’activité est tout simplement illégale.

Christine Juste, adjointe à l’environnement

Dans les couloirs de l’hôtel de Ville, on assure avoir découvert la situation tardivement. “La maire des 15e et 16e arrondissements avait signalé la situation à la préfecture en octobre, mais cela n’était pas remonté jusqu’à nous. Grâce à son intervention, la Dreal a pu se saisir du sujet”, justifie Christine Juste, adjointe au maire de Marseille, chargée de l’environnement. “Les déchets ne sont pas dangereux, mais l’activité est tout simplement illégale”, souligne-t-elle, satisfaite que cela prenne fin.

En attendant l’arrêt effectif de l’activité, Sylvain Poirier, de l’association Action environnement l’Estaque, s’agace de voir la situation se répéter inlassablement : “Il y a eu une condamnation en 2018, mais ça ne change rien, trois ans après ça recommence”. Rebelote ?

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Commentaires

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  1. Jacques89 Jacques89

    « Une activité qui ne nécessite pas d’autorisation spécifique selon lui. » Une carrière ce sont des déblais et des remblais et les règles sont là https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-32398-guide.pdf
    « L’enjeu clé pour la définition des exutoires pertinents est la caractérisation physico-chimique des terres et déblais, et notamment leur positionnement par rapport aux seuils définissant les déchets inertes fixés dans l’annexe II de l’arrêté du 12 décembre 2014 suscité. » Rappelons que pour la DREAL, les plastiques sont des déchets inertes. D’ici qu’on en retrouve dans les brousses du Rove…

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  2. petitvelo petitvelo

    La mairie de secteur n a pas alerté la mairie centrale ?

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    • corsaire vert corsaire vert

      si si ! mais l’alerte s’est noyée entre l’Estaque et le Vieux port !!!

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