UNE CAPITALE DE LA MER

Billet de blog
le 24 Fév 2024
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L’Association « Marseille capitale de la mer » célébrait, le jeudi 21 février, son installation à l’ancienne Consigne sanitaire Capitainerie, à l’entrée du Vieux Port. Réfléchissons aux mots de son nom.

Marseille et la mer

La mer est, depuis toujours, dans l’histoire de la ville : elle fonde, même, cette histoire. Rappelons-nous que la ville de Marseille a été fondée par des Grecs venus sur le site par la mer. Pythéas et ses amis se sont installés là et ont entrepris de faire de ce site un lieu de vie : une cité, de commerce et de relations avec les autres. Mais cette installation a donné naissance, peu à peu, à un grand port, le premier port de France et un port important de l’espace méditerranéen. Ces aventures ont suscité une relation complexe entre Marseille et « sa » mer, une relation faite de séduction et de reconnaissance d’un côté, et, de l’autre, de peur et, parfois, presque de rejet. La ville s’est construite autour de la ville, mais, en même temps, on pourrait dire que le Lacydon, aujourd’hui, entre dans la ville, en transgresse les limites, ouvrant l’espace urbain et se faisant comme avaler par lui. N’importe quel plan de Marseille nous le montre.

 

La mer : une économie politique de la ville

L’économie de la ville est une économie de la mer. Elle est devenue une économie politique, c’est-à-dire, avant tout une économie de la polis, de la ville, grâce à la mer et à ses apports, à ses métiers, à ses fonctions. Ce sont les échanges avec la Méditerranée qui ont façonné l’économie de la ville et de la métropole. Cette économie politique de la mer a institué ainsi un marché international structuré autour de Marseille et des installations de son port autonome, mais, aussi, comme à Noailles, par exemple, ou au Capitaine-Gèze, un marché local pour les habitantes et les habitants de la ville. L’économie politique marseillaise de la mer est une médiation : elle tient les deux bouts, d’un côté le collectif et l’international, celui des échanges entre l’Europe et les pays de la Méditerranée, de l’autre le singulier et le local, notre activité économique de personnes, la consommation, et l’économie de notre habitation et de nos pratiques de l’espace de la ville.

 

Métropole de la mer

Marseille ne serait pas devenue une métropole si ce n’était pas au bord de la mer qu’elle s’était instituée. Marseille est une métropole, car, autour d’elle, vivent de nombreuses villes qui se sont inscrites dans un réseau de relations fondées sur des échanges, du commerce, de la politique, des métiers, une vie culturelle. Mais c’est bien l’importance méditerranéenne de Marseille qui lui a permis d’être la capitale de ce réseau. En même temps, c’est toute une forme de ville qui s’est ainsi instituée, une forme de ville et d’urbanisation qui se définit par l’importance des transports et des échanges. C’est ainsi la circulation entre ses lieux qui fait de Marseille une métropole, circulation générée et structurée par la circulation maritime.

 

Capitale de la mer

Dans le réseau des villes françaises, Marseille est la capitale des villes de la mer, car elle est le premier port français. Cela lui donne une importance particulière. La France est entourée d’eau dans une grande partie de ses bords, de ses frontières : il s’agit de l’Atlantique à l’Ouest et de la Méditerranée au Sud-Est, mais c’est l’ouverture sur la Méditerranée a renforcé son importance dans le monde de la mer. C’est aussi la Méditerranée qui a donné à la France l’importance d’un pays colonial majeur à partir de Marseille, devenue une capitale coloniale. Le débat doit s’ouvrir sur la légitimité de la colonisation car elle est née, à Marseille, de l’exploitation de pays africains et du trop long refus de reconnaître leur indépendance, mais cela constitue le mauvais côté de la capitale de la mer : une capitale a toujours un côté légitime et un côté politiquement condamnable, et c’est le cas de Marseille. C’est, ainsi, ce rôle de capitale de la mer qui a donné son identité à Marseille.

 

Qu’est-ce qu’une capitale ?

Une capitale est, d’abord, une métropole culturelle. Toutes les cultures de la Méditerranée sont présentes à Marseille, grâce, notamment, au Musée des cultures méditerranéennes, le MuCEM. Les cultures des pays méditerranéens se donnent à lire, à voir et à entendre à Marseille, dans le tissu sonore des voix qui se parlent et d’échangent dans la rue. C’est ainsi qu’à Marseille sont installées des autorités culturelles et universitaires, qu’une activité de recherche ont lieu à Marseille sur l’anthropologie de la Méditerranée. Marseille est devenue une capitale universitaire et culturelle de la Méditerranée. Mais, au-delà, Marseille est une capitale politique de la Méditerranée, car elle est l’une des villes les plus importantes du réseau des grandes villes de la Méditerranée. À Marseille, s’est  instituée une importante activité de recherches transméditerranéennes en lettres, en sciences humaines, ou en sciences de l’information et de la communication.

 

Marseille entre le continent et la mer

Marseille est à la fois en France et en Méditerranée : cette ville est à la limite du continent. De ce fait, elle est un lieu où se situe une sorte de choc des autorités et des pouvoirs de la mer et de l’Europe. Comme Marseille est la ville du lien entre l’Europe et la Méditerranée, elle forme une limite, et, comme toutes les limites, elle ne sait pas toujours de quel côté elle se trouve. De nouveau, le recto et le verso : d’un côté, cela donne à Marseille une ouverture culturelle et politique considérable, mais, de l’autre, cela donne à la ville des faiblesses : à Marseille, le contraste est saisissant entre les quartiers Sud et les quartiers Nord, entre la richesse et la pauvreté. La ville est le lieu d’une véritable confrontation entre les classes comme entre les pays du Nord du monde et les pays du Sud. Il nous faut apprendre, à Marseille, à vivre avec cette lutte qui, elle aussi, fait de l’économie marseillaise une économie politique. La ville a aussi conçu son architecture et son urbanisme autour de la mer, comme on peut le voir par les bâtiments des « Arcenaulx », sur la rive Sud du Vieux-Port, qui ont pris la place de l’Arsenal des galères du temps de Louis XIV ou, sur l’autre rive, ceux des Docks de l’ancien port, construits au XIXème siècle. La ville est ainsi ce que l’on peut appeler une « ville de mer ».

 

Marseille, une ville de rencontre

Marseille est porteuse de l’histoire de la Méditerranée, à la fois parce que son port a toujours été là, lors de tous les événements et de toutes les transformations qui ont façonné et transformé l’espace méditerranéen. L’histoire de la ville est celle d’une confluence entre l’histoire urbaine de Marseille, l’histoire de France et l’histoire du monde méditerranéen. Lieu de cette histoire et de cette mémoire, Marseille est aussi une ville où se rencontrent la relation, à l’échelle mondiale, entre le monde du Sud et celui du Nord, et la relation entre le monde de l’Est et celui de l’Ouest. La relation entre l’Europe et l’Afrique figure la relation entre le monde du Nord et celui du Sud, et c’est ainsi que les migrants passent par Marseille ou s’y arrêtent, tandis que la relation entre l’Est et l’Ouest est la relation entre l’Europe et le Proche-Orient, espace des marchés et des cultures qui est aussi l’espace des guerres. Toutes ces rencontres ont donné à Marseille le rôle d’une véritable capitale politique et culturelle.

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