Marseille l’hospitalière ?

Billet de blog
le 7 Fév 2024
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Marseille l’hospitalière ?
Marseille l’hospitalière ?

Marseille l’hospitalière ?

A l’heure où Marseille, membre de l’association nationale des villes et territoires accueillants, récupère la compétence tourisme, nous appelons le maire à faire de Marseille une « ville hospitalière ».

Une coalition d’organisations de la société civile marseillaise et de professionnels du tourisme demande au maire de Marseille d’organiser des assises marseillaises de l’hospitalité pour concilier hospitalité, justice sociale et lutte contre le réchauffement climatique.

Peut-on penser un accueil digne de toutes les personnes de passage à Marseille ?

La ville de Marseille a récupéré depuis un an la compétence tourisme et réfléchit à sa réorientation à travers l’organisation de débats publics, la commande d’études et la saisine de l’assemblée citoyenne du futur sur ce sujet. Alors que le tourisme devient un sujet de préoccupation croissant en termes de pollutions et de pression foncière, la ville annonce sa volonté de promouvoir un tourisme durable et populaire.

De quels outils dispose la Ville pour penser le tourisme comme un levier bénéfique pour la société ? Cela ressemble souvent à un casse-tête tant le tourisme se révèle un véritable pharmakon pour les décideurs publics, à la fois un remède économique capable de relancer l’économie locale et, s’il est mal géré, un poison social source de conflits.

Ce premier texte propose de changer de perspective, c’est-à-dire de regarder attentivement et autrement l’ensemble des personnes de passage à Marseille en termes de données disponibles, de pratiques et de dispositifs d’accueil, touristes inclus.

Toutes les personnes sont-elles bien accueillies ?

Marseille est l’une des villes de France qui a connu la plus forte montée en gamme de son offre d’accueil touristique ces dix dernières années. Alors qu’en 2010 la ville comptait un millier de chambres une étoile et autant de chambres quatre étoiles, à nombre d’hôtels constant, les chambres une étoile ont quasiment disparu et le nombre de chambres quatre étoiles a triplé.

En dix ans le nombre de touristes a doublé (4 millions), tout comme les arrivées aéroport, le nombre de restaurants étoilés a quadruplé (92), le nombre de résidences secondaires a doublé (15.000), les locations meublées ont augmenté de 50% sur la métropole (32.000) et le nombre d’hôtels affiliés à des groupes a plus que doublé (60% des hôtels).

Dans le même temps, l’accueil des autres personnes de passage semble avoir plutôt connu une descente en termes d’hospitalité. Plusieurs rapports alertent sur une précarisation des conditions d’accueil dans la métropole des étudiants, des saisonniers et des mises à l’abri. Les acteurs de l’hospitalité hors tourisme produisent des rapports sur la situation de l’accueil à Marseille, développent des dispositifs d’accueil, proposent des pistes d’action et nous alertent sur la dégradation des conditions d’accueil.

La ville compte 20.000 logements vacants depuis plus de deux ans, aucun camping, de nombreux squats et une seule aire d’accueil des voyageurs datant de 1972.

Nous avons constaté que l’accueil de toutes les personnes de passage à Marseille, du touriste à l’aidant en passant par les stagiaires n’est pas facilité : manque d’informations, de connaissance des dispositifs et des tiers de confiance, de données et de possibilités d’être mis en relation avec ces passagers.

Les fausses bonnes idées de la transition touristique

La difficulté à bien gérer l’accueil touristique n’est pas propre à Marseille comme en témoigne l’actualité médiatique. L’hospitalité dans plusieurs destinations serait menacée périodiquement par une surfréquentation touristique au-delà des capacités d’accueil. L’expérience d’hospitalité des visiteurs serait altérée tout comme le cadre de vie des habitants dont les espaces publics seraient envahis et les espaces d’habitation accaparés par de la location courte durée et des résidences secondaires.

Un Collectif National des Habitants Permanents a été créé en 2023 par une trentaine de collectifs dont des acteurs de Marseille pour documenter et réguler l’expansion de la location courte durée comme des résidences secondaires et des logements vacants.

Face à ces préoccupations croissantes, les professionnels du tourisme proposent de désaisonnaliser le tourisme, de mieux le répartir sur les destinations en développant de nouvelles attractivités et de verdir l’offre. Leur intérêt est évident : un tourisme quatre saisons augmente leur chiffre d’affaires, l’ajout d’attractivités touristiques allonge la durée des séjours et le verdissement de leur offre permet de capter de nouvelles clientèles. Leur économie s’en voit renforcée avec de nouvelles clientèles, un rallongement de la saison touristique et de la durée des séjours. Quid des résidents?

Aucune étude à notre connaissance n’a montré que ces stratégies de quatre saisons, de redirection et de responsabilisation n’avaient eu un impact sur la fréquentation des villes touristiques. L’exemple de Venise semble confirmer le peu d’impact de ces stratégies, voire leur effet contre-productif. L’allongement de la durée de la Biennale d’art et du Carnaval ainsi que leur programmation sur l’ensemble de la ville n’ont pas limité les pics de fréquentation. Au contraire. C’est un peu comme lorsque l’on ajoute une voie supplémentaire pour fluidifier le trafic autoroutier pour in fine voir sa fréquentation augmentée.

Le demarketing touristique n’a pas non plus démontré sa pertinence et la fixation de quota ne fonctionne que pour les lieux isolés comme les îles ou les calanques escarpées. Concernant un éventuel ticket d’entrée des villes touristiques surfréquentées, la ville de Venise n’a eu de cesse de reporter sa mise en œuvre depuis son adoption en 2018.

Et aucune de ces stratégies, à notre connaissance, ne prend en compte son impact sur l’accueil des autres personnes de passage malgré les difficultés croissantes qu’elles rencontrent en particulier dans les zones touristiques tendues : étudiants, saisonniers, mise à l’abri, …

Que nous manque-t-il pour être hospitaliers ?

Nous avons pu identifier de nouvelles perspectives dans le cadre d’une étude menée fin 2022 par la SCIC Les oiseaux de passage, des acteurs locaux et des universitaires pour le réseau AviAction. Ce réseau réunit une douzaine de collectifs qui souhaitent limiter le développement de nouvelles capacités aéroportuaires, celles existantes étant déjà plus que suffisantes au regard du contexte climatique.

Le réseau AviAction souhaite proposer des alternatives crédibles aux projets d’extension aéroportuaires notamment en matière de retombées touristiques. En effet, ces retombées touristiques marchandes sont mises en avant par les promoteurs des projets d’extension et rendent difficiles les décisions de plafonnement comme à Amsterdam ou de fermeture comme à Bromma en Suède. A Paris, le vœu de la municipalité de réduire de 12% le trafic des aéroports franciliens est resté sans suite pour l’instant.

Cette recherche AviAction a pris comme cas d’étude le projet d’extension de l’aéroport d’Aix-Marseille qui vise à faire passer le trafic passager entre 2017 et 2045 de 9 à 14 millions avec des retombées économiques estimées à 5 milliards d’euros sur 28 ans.

L’équipe qui a mené cette étude a cherché à mieux connaitre les autres personnes de passage à Marseille, peu prise en compte dans l’étude de l’aéroport et dans les stratégies touristiques actuelles, pour savoir si cela représentait une alternative possible qui impacterait peu le climat et le cadre de vie.

Elle a réalisé ce travail à partir des données fournies par l’étude du projet d’extension de l’aéroport Aix-Marseille, par l’observatoire du tourisme de la ville de Marseille et par l’expérience de la coopérative d’habitants Hôtel du Nord qui propose l’hospitalité et la découverte de Marseille par son Nord. Nous avons poursuivi ce travail avec les signataires de cet appel et complétés les informations collectées.

Cela nous semble ouvrir de nouvelles perspectives réalistes sur l’évolution des conditions d’accueil des personnes de passage à Marseille à partir des pratiques d’accueil déjà bien établies et des demandes institutionnelles comme sociales qui se multiplient. Nous proposons des premières pistes de travail pour se donner les moyens de penser ensemble les conditions économiques, sociales et institutionnelles dans lesquelles être hospitalier.

Un observatoire de l’hospitalité

Il s’agit de connaitre l’état de l’hospitalité à Marseille afin de savoir quelles sont toutes les personnes de passage à Marseille, qui les fait venir et qui les accueillent, dans quels cadres et quelle est la tendance, voire l’urgence. Des études spécifiques et des connaissances sectorielles qui existent gagneraient à être mieux partagées. La mission de l’observatoire du tourisme à Marseille pourrait être élargie en ce sens afin de collecter les données disponibles et les actualiser régulièrement.

Un répertoire des dispositifs d’accueil

Les nombreux dispositifs d’accueil gagneraient à être mieux connus : hôpital hospitalier (femmes enceintes), médiation locative (jeunes travailleurs), lokaviz (étudiants), dispositif zone tendue (accès au logement), cohabitation intergénérationnelle (jeunes actifs), convention d’occupation précaire (mise à l’abri) et accueil solidaire (demandeurs d’asile) pour en citer quelques-uns.

Des cartes ENRICHIES

Marseille est riche de cartes produites spécialement pour les étudiants, les réfugiés et les jeunes travailleurs par ceux qui les accueillent. Sans oublier les nombreuses cartes sensibles méconnues qui mettent en avant la diversité des lieux, des personnes et des récits.

Concernant l’accueil, le minimum serait d’avoir une carte touristique qui comprenne enfin les quartiers nord de la ville pour pouvoir la remettre aux nombreuses personnes de passage et valoriser de la sorte les dits quartiers, leur patrimoine et initiatives tout autant que le reste de la cité.

Des récits partagés

Les personnes de passage peuvent aussi être intéressées par la découverte de nouveaux lieux et récits à découvrir au-delà des seuls sites incontournables. C’est l’occasion de multiplier et de valoriser les récits de cette ville outre ceux promus touristiquement. Les sociétaires d’Hôtel du Nord proposent à leurs passagers de découvrir « Marseille par son Nord ».

Il est possible d’aller « Manger la colline » avec Safi, de faire un « Toxic-tour » avec Hôtel du Nord, de partir à la découverte de « Marseille, terre d’accueil » avec Ancrages ou « Des grecs à Marseille » avec Migrantour, de découvrir « la cascade des Aygalades » à la Cité des arts de la rue ou la « fabrique du savon de Marseille à Marseille » dans les espaces muséaux des savonneries du Midi et du Fer à Cheval, de partir en balade sur le sentier métropolitain « GR2013 » avec les artistes marcheurs du Bureau des guides et de se balader en écoutant une des quarante « promenades sonores » de Radio Grenouille.

Et Marseille est riche de dizaines d’autres propositions tout autant qualitatives et originales sur l’ensemble de ses quartiers, sans oublier celles des guides touristiques qui exercent à Marseille.

Le Musée d’histoire de Marseille pourrait inclure davantage la diversité des récits afin de renforcer son engagement sur l’histoire contemporaine de Marseille, comme il l’a expérimenté dans l’Espace 13 et sa salle d’embarquement avec l’association Noailles Debout!

Un accompagnement à l’hospitalité

Les hébergeurs professionnels comme particuliers pourraient être accompagnés pour renforcer et développer une offre d’accueil adaptée à la diversité des personnes de passage, des travailleurs, aux aidants en passant par les mises à l’abri comme lorsque le maire a fait appel à eux après le drame de la rue Tivoli.

Les guides conférenciers pourraient élargir leurs offres à ces lieux et récits, pour ceux qui ne le font pas déjà. Le programme européen Migrantour pourrait être relancé à Marseille pour accompagner des migrants et réfugiés à créer des parcours sur l’histoire des migrations d’hier et d’aujourd’hui, pourquoi pas en coopération avec les étudiants en médiation culturelle des arts de l’université d’Aix-Marseille.

La fédération française de randonnée et l’Association départementale des éducateurs ADDAP13 pourraient à nouveau lancer les ateliers de révélation urbaine, une formation de jeunes à devenir guides sur le GR2013.

DE NOUVELLES HOSPITALITÉS

Des « tiers lieux hospitaliers » pourraient voir le jour à Marseille en s’inspirant notamment de ce que met en œuvre Habitat et Humanisme partout en France. La ville pourrait inciter à l’installation de projets de campings, d’aires d’accueil, d’auberge de jeunesse, de colonies de vacances et de maison des hospitalités comme à Martigues pour ne citer que quelques exemples.

De l’information pour les personnes de passage

Ces hospitalités, récits, lieux et personnes pourraient être mis en avant par la ville de Marseille sur son portail d’accueil touristique et par l’équipe de l’office du tourisme. Des pages ad hoc de bienvenue pour les différentes personnes de passage pourraient être développées avec l’appui des tiers de confiance comme les maisons des aidants, les maisons de répits, les ONG, les foyers de jeunes travailleurs et les associations comme l’Association Nationale des Gens du Voyage Citoyen (ANGVC).

Une place pour décider ensemble

La place des habitants pourrait être renforcée au sein de l’office du tourisme, comme à l’époque des syndicats d’initiatives, tout comme celle de l’ensemble des personnes qui accueillent et des représentants des travailleurs et travailleuses du secteur – ce serait un début de réponse à la grande démission qui touche particulièrement le secteur touristique.

Une première collecte de données

Nous partageons ci-après les premiers résultats concernant le nombre et la diversité des personnes accueillies et accueillantes à Marseille, la pluralité des dispositifs mobilisés et leur réelle importance à Marseille que ce soit en termes économiques, écologiques et simplement humains.

Prendre en compte les touristes jusque là ignorés ?

A Marseille, les touristes séjournent en moyenne 1,6 jour d’une année sur l’autre. Au niveau national, la durée moyenne d’un séjour hôtelier est de 1,8 jours. Ce touriste d’un jour semble majoritaire.

Un touriste qui vient pour la première et unique fois dans une destination veut voir les incontournables de la destination, et ce, qu’il vienne hors saison, de manière responsable ou pour voir aussi d’autres attractivités. Les incontournables restent incontournables. Et le tourisme reste concentré sur les spots touristiques.

Au-delà des touristes d’un jour, qui sont les touristes qui sont déjà venus à Marseille et qui reviennent?

A priori leurs motifs de visite à Marseille ne sont pas les incontournables touristiques de la ville, à commencer par des touristes peu pris en compte, voire ignorés des stratégies touristiques.

Nos voisins qui partent loin

Ce sont tout d’abord ces résidents et résidentes qui choisissent de partir ailleurs. Sur les 10 millions de passagers de l’aéroport d’Aix-Marseille, cela représente les deux tiers des passagers, soit 7 millions de passagers. Ce sont a priori des classes aisées dans la mesure où les cadres sont proportionnellement 5 fois plus nombreux que les ouvriers à prendre l’avion. Leur choix de voyager hors de leur région a représenté sur l’année 2017 l’équivalent de 472 millions d’euros d’export. Pourquoi ne pas les inviter pour partie à voyager local?

Nos voisins en visite

Ce sont aussi les personnes habitant à proximité, nos voisins et voisines, qui sont déjà revenus après la pandémie et ont permis à l’économie marseillaise de retrouver en 2021 un niveau de retombées économiques proche de celui de 2019, avant même le plein retour de l’international. L’office du tourisme de la Ville de Marseille a d’ailleurs intégré les loisirs dans sa stratégie. Par contre leur retour a moins bénéficié à l’offre haut de gamme.

Les séjours non-marchands

Ce sont les personnes qui voyagent en étant hébergées dans le non-marchand dans leurs résidences secondaires, chez des proches ou encore en échangeant leurs maisons. Ils représentent les deux tiers des voyages des français avec une durée moyenne de séjour de 9 jours. A Marseille le nombre de résidences secondaires a doublé ces dix dernières années.

Ceux qui ne partent pas

Ce sont les personnes qui ne partent pas, soit la moitié de la population à l’échelle nationale. L’important, ce n’est pas les kilomètres parcourus mais le fait de partir en vacances. Depuis des dizaines d’années, le centre de vacances Léo Lagrange sur l’île du Frioul à Marseille accueille en colonie de vacances les enfants marseillais. En 2022, la ville de Marseille s’est associée avec l’État et la CAF pour faire partir 1.500 enfants des quartiers prioritaires en colonies de vacances. Les derniers campings de Marseille ont fermé leurs portes dans les années 1990 exception faite d’une expérience éphémère à l’Estaque pour l’année 2013.

Les visiteurs invisibles

Ce sont aussi les touristes qui sont invisibles dans les stratégies du tourisme. Les retombées économiques des passagers aéroportuaires venus du Maghreb dépassent celles des Américains ou d’autres pays d’Europe. Leur durée de séjour et leur niveau de dépense sont supérieurs à la moyenne des autres visiteurs étrangers arrivant par l’aéroport. Ils fréquentent cependant peu l’office du tourisme de la ville et les hôtels (moins de 1% de leur clientèle).

De manière générale, à l’échelle nationale, les touristes étrangers résidant en Afrique sont hébergés principalement chez un membre de leur famille. Concernant l’aéroport d’Aix-Marseille, pour l’année de référence en 2017 cela représentait 123 millions d’euros de retombées économiques. Et Marseille connaît bien ce tourisme qui jusque dans les années 80 contribuait à l’économie de plus de 400 commerces et hôtels à Belsunce et attirait jusqu’à 700.000 touristes.

Ces touristes de proximité, invisibles, hors marchand ou ne pouvant pas partir sont loin d’être anecdotiques ou minoritaires. Cela ne vaut-il pas la peine de chercher à en prendre la mesure?

Compter sur toutes les personnes de passage?

Au-delà des touristes, qui sont les nombreuses autres personnes de passage à Marseille pour des motifs autres que touristiques?

Plus que d’être considérés comme des « touristes dans leur ville », de nombreux marseillais et marseillaises accueillent ou ont besoin d’abord d’accueillir dignement leurs proches, un ou une apprentie, des travailleurs temporaires, un stagiaire, une mise à l’abri, des aidants, des artistes en résidence ou en tournée, … La seule expérience de la coopérative d’habitants Hôtel du Nord nous permet d’identifier une partie de ces personnes de passage à Marseille pour des motifs autre que simplement touristiques.

Pour raison sanitaire

Ce sont celles et ceux qui viennent dans les centres hospitaliers marseillais de loin pour un examen médical, pour travailler temporairement, afin d’étudier comme internes et apprentis infirmiers tout comme les aidants qui accompagnent un proche.

Depuis 5 ans la coopérative Hôtel du Nord a une convention avec l’Hôpital Nord pour que ses hébergeurs accueillent les aidants, les apprentis infirmiers et les femmes enceintes dans le cadre du programme Hôpital hospitalier.

Au niveau de Marseille, l’APHM accueille chaque année 120.000 patients dont certains viennent avec leurs proches d’autres régions comme la Corse. Sans oublier toutes les cliniques privées qui elles aussi ont besoin d’accueillir des patients éloignés, des aidants, des internes et des contrats temporaires.

Pour le travail

La vingtaine d’hôtes d’Hôtel du Nord accueille dans ses chambres d’hôtes et ses gîtes urbains des personnes qui viennent travailler sur place, dans les entreprises de la zone franche, dans les chantiers, dans les lieux culturels en résidences ou en tournée, dans le milieu associatif en stage ou service civique et en formation comme le font plus d’un millier de personnes au Centre de Formation d’Apprentis Corot.

Ces passagers séjournent régulièrement dans les quartiers nord, parfois dans le cadre de conventions pluriannuelles signées avec des hébergeurs, et reviennent parfois avec leurs proches. Ils sont intéressés par la découverte de Marseille au-delà de ses seuls incontournables.

Pour étudier

La métropole accueille plus de 100.000 étudiants et étudiantes dont la moitié n’habite plus le domicile parental et un sur dix est international. Leur nombre ne cesse d’augmenter tout comme le nombre de demandes de colocations estudiantines. 40% rencontrent des difficultés pour trouver un logement.

Les deux-tiers des demandes de logement en résidences étudiantes CROUS ne sont pas satisfaites, soit plus de 10.000 en 2021. Et un étudiant sur cinq passe une heure trente dans les transports pour aller et revenir de son lieu d’étude. L’accès au logement est le premier frein à leur mobilité et découragerait les familles précaires à poursuivre des études supérieures dans la métropole.

Le nombre d’apprentis a doublé en deux ans dans la métropole pour atteindre plus de 35.000 dont la moitié exerce dans une très petite entreprise. Cela accentue la demande d’accès au logement, sans oublier celle des personnes qui leur rendent visite, que ce soient leur famille, leurs proches ou leurs enseignants.

Les nouveaux venus

A cela s’ajoutent les personnes en transit qui viennent s’installer à Marseille, dans une ville qui se repeuple depuis les années 90, en grande partie suite à l’installation dans les quartiers centraux de familles monoparentales, d’étudiantes, de jeunes ménages et d’étrangers.

Marseille héberge la seconde plus grande plate-forme d’accueil de demandeurs d’asile après la région parisienne et plus de 4.000 demandeurs d’asile vivent sans toit, à la rue ou dans des squats. Marseille comptait en 2022 une quarantaine de squats dont les trois-quarts abritaient plus de 50 personnes.

Les mises à l’abri

Ce sont enfin les personnes qui doivent être mises à l’abri, en grande partie à l’hôtel, sans domicile fixe, en squat faute de logement et souvent de papiers, parfois avec de jeunes enfants ou comme mineurs isolés, … à propos desquels des associations et des collectifs tirent la sonnette d’alarme au vu de leurs conditions de vie de plus en plus dégradées et de la suspension croissante des conventions d’accueil d’urgence par des hôtels le temps de la saison touristique.

Ces dix dernières années le nombre de sans abri a augmenté de plus de 10% et reste sous-estimé (14.000 personnes). Entre 2016 et 2019 la part des mineurs à la rue a doublé tout comme le nombre de personnes ayant recours à un hôtel. Un projet de Maison de l’hospitalité est toujours dans l’attente d’un lieu à Marseille.

Depuis février 2021 la ville de Marseille est adhérente à l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants (ANVITA). Mme Audrey Garino, adjointe en charge des affaires sociales, de la solidarité, de la lutte contre la pauvreté et de l’égalité des droits, est également membre du Conseil d’Administration de l’association. Cette association regroupe de 80 collectivités territoriales en France, toutes signataires de la Charte fondée sur une autre vision des migrations à promouvoir, un accès inconditionnel aux droits à favoriser et une citoyenneté locale inclusive à animer.

Dans ce cadre la Ville a soutenu la création de nouveaux lieux d’accueil inconditionnel pour des familles en grande précarité telles que l’Auberge Marseillaise (accueil de femmes isolées avec enfants), le CADA autogéré de demandeurs d’asile de Saint Basile porté par l’Association des Usagers de la PADA (AUP) ainsi que d’autres tiers lieux et associations qui œuvre à la défense des droits des personnes en situation d’exclusion. Ces initiatives sont importantes et il nous semble nécessaire d’en développer davantage.

Les gens du voyage

Pour accueillir les gens du voyage – voyageurs, forains, … – Marseille ne possède qu’une seule aire d’accueil de 48 places créée en 1972 et, comme trop souvent, mal située en zone inondable, à proximité d’une usine classée Seveso, entre la voie SNCF et l’autoroute. Selon l’association Rencontre Tziganes, il existe dans le département seulement 112 places pour 1.300 places prévues par la Loi de 2000.

De par leur nombre, leur durée de séjour et leur pluralité, les autres personnes de passage à Marseille représentent des enjeux sociaux et économiques qui dépassent ceux du seul secteur touristique et sont déjà pour partie accueillies par ce dernier.

Mais est-ce durable ?

Tout d’abord, l’étude des données publiées par l’aéroport d’Aix-Marseille nous a amené à relativiser les modalités de calcul des retombées économiques annoncées.

Le modèle de calcul d’impact économique du projet d’extension aéroportuaire ne prend pas en compte les résidents qui partent en avion dépenser ailleurs et la monétisation de l’impact sur le climat des vols supplémentaires. Dans le cas du projet d’extension de Marseille-Provence, il est possible d’estimer que les départs représentent l’équivalent de 4 milliards d’euros d’export sur 28 ans et l’augmentation du trafic aérien l’équivalent Co2 de 5 milliards d’euros (25 000 vols supplémentaires pour 6 millions d’équivalent tonnes Co2). La simple réintégration de ces coûts rend le projet d’extension déficitaire.

Au delà des biais de calcul qui ignorent autant les partants que les gaz à effet de serre des vols supplémentaires, le tourisme généré par l’aéroport s’avère concentré géographiquement sur les spots touristiques, socialement sur les classes sociales aisées et économiquement sur le haut de gamme.

L’ADEME a exprimé clairement que le meilleur scénario actuel pour respecter les accords de Paris est de favoriser un tourisme de proximité plus sobre : un touriste consomme en moyenne deux fois plus d’eau qu’un résident et son mode de transport représente les trois quarts de l’impact climatique du tourisme.

La montée en gamme pose question dans la mesure où la clientèle des hôtels haut de gamme, 4 et 5 étoiles est majoritairement internationale et que le mode de classement actuel incite au suréquipement et prime les grandes surfaces. De faite un lit en auberge de jeunesse a un impact quatre fois moindre sur le climat qu’un lit d’hôtel parce que les espaces et équipements sont partagés et plus sobres, que les passagers contribuent à la vie collective et que les tarifs sont accessibles.

Avec la pandémie, des hébergeurs touristiques ont été amenés à accueillir ces autres personnes de passage : mise à l’abri, quarantaine, personnel hospitalier, touristes régionaux. D’autres les ont toujours accueillies, comme souvent les acteurs du tourisme social.

Ces personnes de passage peu considérées dans les stratégies touristiques contribuent à l’économie locale (artisans, entreprises, services publics, …) ainsi qu’au commerce de proximité. Elles proviennent majoritairement de la proximité et (re)viennent sur l’ensemble de la destination et de l’année pour des séjours longue durée.

A Hôtel du Nord, les personnes accueillies sont nommées “passagers” et sont des randonneurs, des étudiants, des travailleurs, des aidants, des pèlerins, des mises à l’abri, des vacanciers, des artistes, …

Ces personnes consomment dans les mêmes commerces que les habitants et contribuent peu à la montée en gamme des restaurants, des commerces et des hébergements. Elles représentent une alternative à un modèle touristique qui s’est jusque-là essentiellement concentré avec succès sur une part réduite des personnes de passage à Marseille : les congressistes, le tourisme marchand et l’évènementiel. Faut-il poursuivre dans cette seule voie ou bien changer de perspective?

Quelle serait la prochaine étape ?

Il faudrait poursuivre le travail esquissé afin d’y voir plus clair sur l’hospitalité marseillaise. Des assises marseillaises de l’hospitalité permettraient de réunir l’ensemble des personnes concernées pour partager les connaissances sur la situation actuelle, son évolution, ses dispositifs et les impacts sur notre cadre de vie des différents accueils.

Cela nous permettrait  de construire ensemble une stratégie qui ne laisse de côté aucune personne, du résident au touriste, en passant par le vagabond. C’est un enjeu de transition écologique (un accueil moins carboné et plus local) et d’humanité (un accueil digne).

Nous sommes disponibles pour poursuivre ce travail avec celles et ceux qui souhaitent s’y associer et pour en discuter avec le maire et l’équipe municipale.

Vous pouvez librement rejoindre cet appel comme collectif, organisations ou professionnels.

Agnès, Alexis, Bruno, Caroline, Charlotte, Chloé, Florence, Françoise, Jean-Christophe, Jean-Pierre, Julie, Laure, Mami, Margot, Prosper, Romain, Samanta, Vincent, membres de l’appel à des assises marseillaises de l’hospitalité.

Mail de contact : hospitalite-marseille@proton.me

[1] Lien vers l’étude : https://lesoiseauxdepassage.coop/blog/3041-avion-et-tourisme-des-liaisons-dangereuses

Image : Stéphanie Nava, Bel Vedere, 2013 ©

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