LA GARE SAINT-CHARLES

Billet de blog
le 17 Fév 2024
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« Vous êtes arrivés à Marseille Saint-Charles, tous les voyageurs descendent de voiture » : qui n’a pas entendu ces mots issus d’un haut-parleur sur le quai de la gare ? Réfléchissons un peu à ce site important de Marseille

La gare : un édifice

Une première gare Saint-Charles fut inaugurée en 1848. C’était l’époque où le chemin de fer faisait son apparition dans notre pays (il faudrait, d’ailleurs, réfléchir à ce que signifient ces mots, chemin de fer, mais c’est une autre histoire). Après que cette première gare fut démolie parce qu’elle ne répondait plus aux besoins qu’on attendait d’elle, la gare que nous connaissons fut, elle, ouverte en 1894. Cette gare se caractérise, d’abord, par ses volumes. Il s’agit d’une gare gigantesque, qui marque la puissance du rail à l’époque de son ouverture, mais cette importance se manifeste aussi par l’escalier monumental, que nous connaissons tous, qui fut, lui, inauguré en 1927. Les dimensions de la gare, l’orgueil que manifeste son escalier, représentent l’importance du déplacement et du transport dans l’économie de la ville : le chemin de fer est associé à la mer dans les projets du développement urbain. La gare est, ainsi, en quelque sorte, associée au port dans la croissance de la deuxième ville de notre pays.

 

La gare Saint-Charles : un but, une destination, une impasse ?

Quand la gare est construite, Marseille est un but, un terminus, celui de la ligne Paris-Lyon-Marseille, qui est l’ossature du réseau Paris-Lyon-Méditerranée, le fameux réseau désigné par ses initiales, le « P.L.M. », qui constituera un des réseaux majeurs du chemin de fer français. Si la gare est un terminus, cela a deux significations. La première, c’est que, pour les trains, il s’agit d’un but, mais aussi d’une sorte d’impasse : pour poursuivre leur chemin, les trains doivent repartir en sens inverse. L’autre signification de ce caractère terminal de la gare Saint-Charles est son ancrage dans la ville. Comme les gares de Paris, la gare Saint-Charles met tout de suite les voyageurs qui s’arrêtent dans l’espace urbain : elle n’est pas à côté de la ville ni à son extrémité, elle est plongée dans la mer de la ville. On se rend bien compte, au sujet de la gare Saint-Charles, du fait qu’un but est toujours aussi une limite, la fin d’un parcours. 

 

Une gare est une frontière

Comme toutes les gares de chemin de fer, une gare est une frontière : en montant dans le train sur le quai de la gare, on quitte la ville, et, en en descendant, on y arrive. La gare articule l’intérieur de la ville et son extérieur. C’est en ce point que l’escalier monumental prend toute sa signification : le temps que nous mettons à le descendre ou à le monter est, en quelque sorte, un sas : ce temps est le temps que nous mettons à relier l’espace de la ville à celui de nos destinations ou de nos provenances. Toutes les marches jalonnent l’espace de l’entre-deux, l’espace intermédiaire entre Marseille et les villes que le chemin de fer met en relation avec elle.

 

Un lieu de passage et de rencontre

C’est aussi en ce sens que la gare est un lieu de passage et de rencontre. La gare est à la fois une destination et un lieu de passage, un lieu de transit. Ces deux dimensions d’une gare sont celles d’un carrefour, qui donne à Marseille un des lieux de son activité économique en rendant possibles à la fois le commerce et l’échange et la migrance des populations qui passent à Marseille, s’y installent ou y habitent. Ce sont ainsi en même temps le passage et la rencontre qui sont exprimés par l’espace de la gare, mais aussi par son site. La gare est la jonction entre deux réseaux : celui des chemins de fer et celui des parcours et des déplacements intérieurs à la ville.

 

L’emprise de la gare sur le quartier

L’emprise de la gare sur l’espace de la ville consiste, d’abord, dans l’étendue de ses constructions et de ses voies.  Il s’agit aussi des systèmes architecturaux d’accès à la gare, le grand escalier, mais aussi les autres accès à la gare situés dans d’autres lieux. Mais, au-delà, c’est tout le quartier qui a été remodelé par les activités liées à la gare. Les hôtels et les lieux de restauration, les commerces de toutes sortes dont les usages s’articulent au voyage, ont modelé le quartier en raison de l’importance de la gare. La gare Saint-Charles n’est pas seulement une gare de chemin de fer, mais elle est aussi le site emblématique d’un quartier et de tout un domaine d’activités marquant l’inscription de la ville dans un ensemble de réseaux dont elle est, en quelque sorte, un nœud. Par la gare Saint-Charles, Marseille retrouve les significations de son histoire. 

 

Le nom de la gare : celui d’un quartier de la ville

Parlons du nom de cette gare. Dans d’autres villes de France, le nom de la gare est celui d’un saint : par exemple, à Bordeaux, la gare importante est la gare Saint-Jean, à Paris, la gare Saint-Lazare est le terminus des lignes destinées à la Normandie. Si les gares de chemin de fer ont été implantées dans des quartiers de ville désignés par un nom de saint, c’est aussi qu’il s’agit de quartiers anciens, aménagés à l’époque où les noms de lieux de culte et les noms de saints étaient ceux de quartiers de ville. À Marseille, c’est en 1614 qu’est construite une chapelle consacrée à Saint-Charles Borromée (encore un lien entre Marseille et l’espace méditerranéen). Ensuite, à partir de cette église, le nom « Saint-Charles » a été celui d’un grand quartier situé de la rue Jules-Ferry au quartier de l’Observatoire. Ce quartier a, ainsi, toujours existé et a toujours abrité des constructions et des aménagements manifestant l’identité urbaine. Le chemin de fer n’a pas donné naissance à un nouveau quartier, comme, à Lyon, celui de la Part-Dieu, mais il manifeste l’ancrage du chemin de fer dans l’espace de la ville et la relation entre l’espace de Marseille et l’ailleurs. Il s’agit, ainsi, comme le port, d’un quartier qui manifeste une identité urbaine fondée sur une logique de relation et d’échange sur une logique d’ouverture à l’autre.

 

Le boulevard d’Athènes

Disons un mot, enfin, sur le boulevard d’Athènes, la grande artère qui, au pied du grand escalier, relie le chemin de fer à la ville. Nommé ainsi en 1899, pour rappeler les origines grecques de Marseille, il fut supprimé en 1928, en raison, justement, de la construction du grand escalier, pour redevenir un boulevard portant toujours ce nom, en 1938. Le boulevard d’Athènes symbolise dans l’aménagement de la ville ce lien entre la culture, l’histoire et l’identité de Marseille et l’univers des réseaux, des transports et des échanges. C’est ainsi que tous les sites et toutes les voies de la ville qui sont le lien avec les voies du chemin de fer organisent un espace ouvert sur le monde.

 

Les informations servant de base à cet article sont, pour l’essentiel, issues du « Dictionnaire historique des rues de Marseille », d’Adrien Blès (éditions Jeanne Laffitte)

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