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A la métropole, c’est fromage pour tout le monde (ou presque)

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le 17 Mar 2016
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La bataille politique autour de la métropole Aix-Marseille Provence qui élit à nouveau son président ce jeudi a fait monter les enchères politiques. Métropole, conseils de territoire : à l'arrivée, ce sont environ 6 millions d'euros par an qui pourraient être versés en indemnités.

Une photo du marché de Rognes en 2012- Crédits photo : Nadine via Flickr.
Une photo du marché de Rognes en 2012- Crédits photo : Nadine via Flickr.

Une photo du marché de Rognes en 2012- Crédits photo : Nadine via Flickr.

Qu’on les appelle gamelle, fromage ou tout autre sobriquet culinaire, les indemnités des élus forment le fond sonore de bien des discussions politiques. L’élection à la métropole illustre à merveille cet adage. Il faut “essayer de servir les uns et les autres”, résume un élu proche de Jean-Claude Gaudin, hyperfavori de la nouvelle élection métropolitaine ce jeudi. A la clé, un chauffeur, des collaborateurs et une indemnité gonflée. Appréciable notamment pour les élus de communes peu peuplées.

Sur le papier, fusionner six intercommunalités (Agglopole Provence, Marseille Provence métropole, SAN Ouest Provence, pays d’Aix, pays d’Aubagne et de l’Étoile, pays de Martigues) en une seule offrait la garantie de charrier son lot de mécontents et d’édiles défroqués. Le mot d’ordre était clair : simplification. Mais la loi a considérablement compliqué le mécanisme à mesure que la fronde contre la création de la métropole se faisait de plus en plus insistante. Les postes et les honneurs à distribuer se sont multipliés. La responsabilité en revient essentiellement au gouvernement et au législateur qui a petit à petit ouvert les vannes d’argent public mais aussi à Jean-Claude Gaudin qui, au gré des négociations a tenté de satisfaire les uns et les autres.

“Nombreux à vouloir y aller”

Dernier arrangement en date, pourtant limité par la loi à vingt postes de vice-présidents, le président bientôt élu va créer des postes de conseillers métropolitains délégués, sorte de secrétaires d’État de la métropole là où les vice-présidents seraient des ministres. Eux ne souffrent d’aucune limite de nombre : ils seront au moins huit dans le futur exécutif. Et, par un habile coup politique, Jean-Claude Gaudin les rémunèrera à la même hauteur que les vice-présidents : environ 2000 euros par mois (brut comme tous les montants que nous indiquons ici). La manœuvre est claire : contenter le plus possible de conseillers métropolitains et en convaincre certains de rentrer dans le rang moyennant un petit coup de pouce.

“Depuis qu’ils ont appris cela, ils sont nombreux à vouloir y aller”, s’amuse un élu socialiste peu friand de l’alliance gauche-droite qui se prépare pour gérer la métropole. “Mettre tout le monde au même niveau, ça permet d’éviter les ennuis, justifie l’élu LR Yves Moraine. Je le vois bien en tant que président du groupe à la mairie de Marseille. Le conseiller délégué avec un gros portefeuille vient me voir pour me demander pourquoi il est moins bien payé que tel ou tel adjoint.”

Alors, à la fin, on lisse, même si la loi limite l’enveloppe globale et contraindra le président, les 20 vice-présidents et les huit conseillers délégués à se partager le gâteau. En bon cumulard, le sénateur-maire Gaudin crève déjà le plafond indemnitaire de 8 272 euros applicable à tout élu : il ne touchera rien de plus comme président. Les vice-présidents et les délégués toucheront eux 2000 euros par mois.

462 élus, 116 postes à distribuer

Le législateur a en revanche été bien plus coulant pour permettre aux autres élus de conserver leurs traitements au sein des conseils de territoire. Ces organes intermédiaires entre les communes et la métropole devaient à l’origine regrouper les conseillers métropolitains issus du même territoire (Marseille, Aix, Aubagne etc.). Mais le gouvernement a accepté que tous ceux qui étaient élus entre mars 2014 et janvier 2016 dans les anciennes intercommunalités correspondantes demeurent conseillers de territoire. Cet ajout porte le total d’élus à 462. En novembre dans Le Monde qui se penchait alors sur le millefeuille métropolitain, le préfet Laurent Théry avait justifié l’action de l’État par la volonté de “ne pas créer d’inégalités pour ces personnes élues en 2014 par le suffrage universel”.

Cela concerne a minima 150 d’entre eux, qui conserveront leurs indemnités. Parmi eux, les anciens vice-présidents reconduits à leur poste garderont leurs indemnités jusqu’en 2020. Les mieux payés (2700 euros mensuels pour ceux de Marseille Provence métropole et d’Aix, éventuellement cumulables avec l’indemnité de 1000 euros proposée à tout conseiller métropolitain. ) toucheront donc davantage que leurs homologues de la métropole, ce qui risque de faire quelques jaloux.

Une facture à 6 millions d’euros

Le conseil de territoire aura lui aussi son président et ses vice-présidents. Dans un ultime cadeau, la loi a même permis que les conseils de territoire les plus petits aient le droit à davantage de vice-présidents que les intercommunalités qu’ils remplacent, alors même que leurs compétences ont diminué.

A l’arrivée, 116 élus auront une fonction supplémentaire à inscrire sur leurs CV et le petit bonus qui va avec. La facture s’annonce plus que salée : selon nos estimations encore à affiner, c’est un demi million d’euros par mois qui devrait être versé par la métropole ou ses avatars en indemnités, soit une douloureuse de six millions d’euros par an. Le prix de l’apaisement politique.

Sources principales : préfecture des Bouches-du-Rhône, Association des maires de France.

Actualisation le 5 avril : les anciens vice-présidents des intercommunalités doivent exercer une fonction au sein des conseils de territoire pour conserver leurs indemnités.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Ben voyons ! C’est la crise, mais pas pour tout le monde. Mais ce n’est sans doute pas grave : à la fin, c’est le contribuable qui paie.

    On attend maintenant de cette pléthore d’élus, si elle veut échapper à divers sobriquets dont celui de “gamellards”, qu’elle se montre à la hauteur de son coût dans son action de construction de la métropole. Il y a eu ce qu’il faut d’études préparatoires, il faut passer aux actes : au travail !

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  2. Laurent Lhardit Laurent Lhardit

    Bonjour,
    Intéressant mais les 6 millions annoncés n’ont pas grand intérêt en soi si vous ne donnez pas en référence ce que représentait ce cumul d’indemnités avant l’arrivé de la métropole.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous : le cumul des indemnités d’avant la métropole concerne des instances qui avaient de réels pouvoirs, les conseils des six EPCI disparus. Désormais, nous allons indemniser jusqu’en 2020 plus de 200 membres de Conseils territoriaux dont les prérogatives seront pour le moins réduites.

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    • Laurent Lhardit Laurent Lhardit

      @Electeur du 8e : c’est exactement pourquoi je pense intéressant d’avoir un comparatif de manière à ce que ces 6M€/an prennent un autre sens qu’un chiffre posé là.

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  3. reuze reuze

    J’attends la réaction de Roland Blum: “On trouve toujours que c’est salé quand il s’agit de la politique, mais quand l’Opéra nous coûte 18 millions et le Vélodrome 8 millions, on ne dit pas la même chose. Si vous voulez, le noeud du problème est idéologique.” …

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    • hervechik hervechik

      Oui c’est vrai que la valeur de l’action de ces personnes se pose. S’ils sont capable de faire une super gestion et de faire des économies, ou d’optimiser les services, bref s’il y a retour sur investissement, alors pourquoi pas. Mais les valent-ils ces 6 millions…? Je suis plutôt pessimiste, là…

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  4. julijo julijo

    6 millions en indemnités pour les élus……c’est à gerber !
    Elle coûte cher la “simplification” C’est honteux !
    La plupart de ces élus, sont vieux, usés, grattent à tous les râteliers disponibles et n’ont que très peu, fait la preuve d’une efficacité quelconque….HONTEUX !

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  5. rach rach

    Voyez-vous quelque part une différence entre les élus depuis l’extrême gauche jusqu’à l’extrême droite dans la façon de vouloir se “baffrer” de gâteau ? A part peut-être dans les oligarchies des multinationales !

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  6. leravidemilo leravidemilo

    Merci bien, Marsactu de bien vouloir nous indiquer, à partir d’un exemple concret, à quel point les réformes territoriales mitonnées en coin de table par l’improbable équipe hollande/valls/lebranchue (aujourd’hui enfin débranchue), ont largement contribué à : – Une bénéfique simplification de cet abominable mille- feuilles (mot valise) voué aux gémonies, des mois et des mois durant, par nos éditocrates des média main stream, en service commandé. – D’heureuses “économies” en argent public bienvenues pour les équilibres budgétaires de notre pays. – La suppression des “baronnies” et autres cumulards et l’entrée de notre beau pays dans une prometteuse modernité démocratique… Ceux qui n’en croyaient pas un mot et ne cessaient de le dénoncer (j’en fus) étaient le plus souvent considérés comme d’incorrigibles pisse- vinaigre, opposants systématiques, négatifs à priori et autres joyeusetées…Ils ne vont pas tarder à commencer d’avoir raison (on a les consolations qu’on peut!). Encore notre belle région a t elle échappée à la fabuleuse loi Lenotre concernant les nouvelles régions, où la fameuse “simplification”, et les “économies ” correspondantes se jouent aujourd’hui à table ouverte. Le pire n’est jamais certain!

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  7. CAN. CAN.

    Ce qu’il serait pertinent de savoir c’est si les administrés en ont pour leur argent.

    D’une part, une pléthore de plans d’actions concoctés par les sachants que sont le fonctionnaires territoriaux, plans d’actions fréquemment redondants
    D’autre part, une pléthore d’élus délégataires territoriaux.
    Au final, des déclarations d’intention
    Un exemple ? Les objectifs du PDU 2013 -2023)

    Il serait judicieux de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats.

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