À Fos, un industriel prévoit de poser 500 hectares de panneaux solaires sur deux étangs

Décryptage
le 8 Mar 2024
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Un projet de production d’hydrogène au niveau des étangs de Lavalduc et d’Engrenier est porté par l’exploitant des lieux, Géosel. Les opposants dénoncent une installation au sein du dernier grand espace vert de Fos-sur-Mer.

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L'étang de Lavalduc à Fos-sur-Mer. (Photo : HyVence)

L'étang de Lavalduc à Fos-sur-Mer. (Photo : HyVence)

Un espace boisé, plusieurs étangs colorés et même un site archéologique en lisière, le paysage ne ressemble pas au portrait habituellement dépeint de Fos-sur-Mer. Pourtant, il s’agit bien de la ville surtout connue pour sa zone industrialo-portuaire. Car à l’Est, à la frontière avec Saint-Mitre-les-Remparts et Istres, les espaces sont verts. Un lieu étonnant qui n’est toutefois pas totalement déconnecté de la réalité industrielle du coin. Un coup d’œil à l’horizon suffit pour voir les grandes cheminées des usines, toutes concentrées en bord de mer, à un peu plus de cinq kilomètres à l’Ouest. Dans ce coin de nature, les étangs qui oscillent entre le rose et le violet témoignent d’une activité qui n’a rien de naturel. “Ils ont cette couleur parce que dans les années 60-70 ils ont été vidés, creusés et du sel de Manosque y a été amené“, rembobine René Raimondi, le maire (DVG) de Fos.

Les étangs Lavalduc et d’Engrenier sont en effet exploités par Géosel. Cette entreprise les utilise pour gérer les réserves d’hydrocarbures enfouies dans des cavités salines près de Manosque, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Des tuyaux relient ces espaces de stockage aux étangs afin d’utiliser la saumure présente pour remplir ou vider les cavités et ainsi éviter tout contact de l’oxygène avec les hydrocarbures. Le site est donc très en lien avec le passé industriel : l’exploitation du sel et le stockage des dérivés du pétrole.

Mais alors que le site de Fos se prépare à négocier le virage de l’énergie verte ou renouvelable, Géosel met aussi son grain dans le monde de la décarbonation avec le projet HyVence. Le but est d’installer des panneaux photovoltaïques sur les deux étangs afin de produire sur place l’électricité nécessaire à la fabrication d’hydrogène grâce à une usine posée entre les deux étangs, sur le plan d’Aren. Un lieu où se trouvait au début du 19ᵉ siècle une grande usine de soude et aujourd’hui en friche.

Les étangs sont le dernier endroit où l’on peut se retrouver dans la nature.

Philippe Maurizot, élu d’opposition (LR)

Le retour des habitants que j’ai, c’est qu’ils ne veulent pas de ce projet pour ne pas être pris en sandwich par l’industrie. Les étangs sont le dernier endroit où l’on peut se retrouver dans la nature”, avance Philippe Maurizot, membre de l’opposition (LR). Il veut faire voter une motion pour le prochain conseil municipal, le 18 mars, pour que chaque élu s’exprime clairement sur ce projet. Même position chez Nicolas Maury, secrétaire de section du PCF à Fos, qui explique vouloir conserver des espaces verts et souhaite “que la concertation se fasse sous les meilleurs auspices pour que la population sache ce qu’il en est“. Un avis qu’il a déjà fait connaître fin février auprès de La Marseillaise.

Les abords boisés de l’étang de Lavalduc. (Photo : Collectif sauvons nos étangs)

Une mairie plutôt favorable au projet

Le projet, chiffré à 700 millions d’euros sans que l’on sache exactement à quoi correspond cette somme, doit couvrir 80% des étangs de panneaux photovoltaïques et permettre une production de 15 000 tonnes d’hydrogène. Il a été évoqué publiquement pour la première fois en octobre dernier lors d’un rendez-vous entre professionnels organisé par la mairie de Fos. Depuis, Géosel a organisé plusieurs réunions avec les différents acteurs du territoire, notamment des associations, pour préparer la concertation publique préalable, sous l’égide de la commission nationale du débat public (CNDP), qui se déroulera du 27 mars au 20 mai.

Nous avons travaillé notamment avec un bureau d’études sur les enjeux de biodiversité, l’École nationale supérieure du paysage et le CPIE [le label centre permanent d’initiatives pour l’environnement regroupant des associations qui mènent des actions de formation notamment sur l’environnement, ndlr] sur les questions de nature et de paysage. Nous avons mené des ateliers de pré-concertation avec certaines associations du territoire. (…) Ces ateliers avaient pour objectif d’écouter les participants sur leurs attentes en termes d’usage et de paysage, de respect de l’environnement et de la biodiversité et de sécurité industrielle“, nous détaille l’entreprise dans une réponse par écrit.

Ce n’est pas moi qui décide, si tout le monde est contre, je n’ai aucun intérêt là-dedans.

René Raimondi, maire de Fos (DVG)

Les doutes des opposants ne semblent pas atteindre le maire. “Il y a déjà de l’industrie à l’Est de Fos avec Imerys [au sud des étangs le long de la route nationale, ndlr] et pour la biodiversité les étangs ont une salinité 25 fois supérieure à la mer Morte”, balaie-t-il, avant d’insister : “Elle s’appelle la mer Morte ça veut dire quelque chose“. René Raimondi dit cependant attendre la concertation pour s’exprimer clairement sur le projet, mais ne cache pas qu’il voit HyVence s’inscrire dans la dynamique de Fos d’accueillir des industries dites “vertes”, c’est-dire en lien avec la production d’énergies renouvelables. “Ce n’est pas moi qui décide, si tout le monde est contre, je n’ai aucun intérêt là-dedans“, ajoute-t-il invitant le plus grand nombre “à venir s’exprimer pendant la concertation, c’est le bon endroit pour poser des questions, le projet n’est pas figé”. Reste que la communication de la mairie laisse penser qu’elle est déjà sous le charme en parlant d’une “initiative ambitieuse” ou encore d’un projet “novateur“.

un lieu de promenade à préserver

Un chemin à travers le plan d’Aren (en vert clair sur la carte) permet de passer entre les deux étangs.

Pour ce qui est de la biodiversité, des études précises doivent être menées, mais les premières réalisées montrent un impact “très limité” assure Géosel. “Il y a des espèces qui se sont développées autour des étangs“, défend Jean-Louis Sanial, qui a créé le collectif Sauvons nos étangs pour s’opposer à ce projet. Une marche citoyenne est prévue le 17 mars en ce sens. Au-delà de la biodiversité, les questions de la concertation devraient tourner autour de l’accès à l’espace situé entre les deux étangs.

Le plan d’Aren permet aujourd’hui de se promener dans une prairie aux allures lacustres, il est aussi le seul accès direct depuis la ville grâce à un exutoire pour l’eau de pluie qui passe sous la voie ferrée. “L’installation d’une usine veut dire qu’il y aura une zone de sécurité et nous ne pourrons plus passer”, s’inquiète Georges Schembri, président de Fos Rando et habitué à emprunter ce parcours. Daniel Moutet, de l’association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos, se montre catégorique. “Si le passage est coupé, je serai contre“, tranche-t-il. Des réticences entendues par Géosel qui assure avoir comme “volonté de maintenir une circulation piétonne”.

Du côté de France nature environnement 13, on se dit “surpris” par le projet. Stéphane Coppey, le président de l’association, voit aussi le sujet de l’accès pour les promeneurs comme un “point de blocage“, mais s’interroge sur des aspects un peu plus techniques comme les besoins en eau ou l’alimentation électrique pendant la nuit. Sur ce dernier point, Géosel assure que “HyVence ne“prendrait” pas d’énergie au réseau” en distribuant le surplus produit, ce qui compenserait l’électricité prise pour fonctionner 24 heures sur 24. Un autre volet qui sera probablement largement abordé à l’heure où les besoins en électricité de la zone explosent pour… alimenter l’industrie.

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Commentaires

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  1. Piou Piou

    Industrialiser plus pour pouvoir consommer toujours plus.

    Ce site est peut-être le seul endroit qui compense la laideur des autres paysages fosséens. Les habitants (et les flamants roses qui s’y nourrissent, car oui, il y a de la biodiversité) ne méritent pas ça. Tout ça pour 40 emplois… mais des millions de bénéfices au profit de la Compagnie des Salins du Midi, propriétaire, et de Geosel.
    Les contributeurs du Collectif Sauvons Nos Etangs (sur facebook) expliquent et détails les enjeux bien mieux que moi.

    La loi Climat et résilience (article 194) a bien aidé à l’émergence de ce genre de projets, puisqu’elle a exclu par principe les installations de production d’énergie photovoltaïque dans la comptabilisation de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. Aberration qu’on retrouve aussi dans le projet de PLUI de la métropole d’Aix-Marseille.

    Une marche de contestation est organisée le 17 mars et une pétition a été lancée : https://www.change.org/p/opposez-vous-%C3%A0-l-installation-de-panneaux-photovolta%C3%AFques-sur-les-%C3%A9tangs-de-fos-sur-mer

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    • AlabArque AlabArque

      MERCI pour le lien de la pétition …

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  2. Make OM Great Again Make OM Great Again

    La décarbonation des sociétés entrainera des changements de paysages dont il faut prendre conscience. Ce type de projet ne doit pas être réfuté au prétexte qu’il l’enlaidirait. Il faudra trouver les lieux d’accueil des systèmes de production d’énergie et typiquement ce genre d’étang ultra salins est, pour moi, un lieu approprié. Cela limitera par ailleurs l’évotranspiration des etangs.

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    • Piou Piou

      Certes il ne faut pas se contenter d’arguments “Not In My Backyard”. Mais là on sacrifie les habitants du territoire qui subissent déjà beaucoup de projets industriels existants et à venir (contournement, ligne à haute tension etc.). Et pour ma part je ne suis pas convaincue que ce genre de projets fera baisser notre consommation en énergie, au contraire…
      Par ailleurs le fait que ces étangs soient très salins n’empêche pas des écosystèmes d’y vivre (on y voit notamment des flamants roses), c’est juste une biodiversité différente de celle des autres étangs.

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    • Piou Piou

      Certes il ne faut pas se contenter d’arguments “Not In My Backyard”. Mais là on sacrifie les habitants du territoire qui subissent déjà beaucoup de projets industriels existants et à venir (contournement, ligne à haute tension etc.). Et pour ma part je ne suis pas convaincue que ce genre de projets, ici ou ailleurs, fera baisser notre consommation en énergie, au contraire…
      Par ailleurs le fait que ces étangs soient très salins n’empêche pas des écosystèmes d’y vivre (on y voit notamment des flamants roses), c’est juste une biodiversité différente de celle des autres étangs.

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