Première fronde contre la ligne électrique stratégique entre le Gard et Fos-sur-Mer

Actualité
le 12 Fév 2024
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Une concertation publique démarre ce lundi pour la création d’une ligne électrique de 400 000 volts entre Jonquières, dans le Gard, et Fos-sur-Mer. Un ouvrage essentiel pour alimenter les futurs besoins en énergie, en grande partie liés aux projets industriels, mais qui se heurte aux refus des maires concernés par le potentiel tracé.

Lignes et pylônes électriques au niveau du lotissement du clos des Santolines à Port-de-Bouc, 7 février 2024. Photo : RB
Lignes et pylônes électriques au niveau du lotissement du clos des Santolines à Port-de-Bouc, 7 février 2024. Photo : RB

Lignes et pylônes électriques au niveau du lotissement du clos des Santolines à Port-de-Bouc, 7 février 2024. Photo : RB

Fos-Marseille sous haute tension. “L’approvisionnement en électricité est une difficulté majeure”, ne cache pas Hervé Martel. Le président du directoire du grand port maritime de Marseille (GPMM) alerte depuis un long moment déjà sur les besoins énergétiques des bassins Ouest, ceux de Fos, où la zone industrialo-portuaire (ZIP) est appelée à accueillir de nombreuses implantations d’entreprises. Toutes veulent se brancher au réseau électrique. “À l’échelle de la ZIP, il nous manque cinq gigawatts de puissance installée”, indique-t-il. La mesure brute, ne dit pas grand chose, pour se faire une idée la consommation actuelle de toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur oscille entre cinq et huit gigawatts. Ces chiffres correspondent à la puissance demandée, pas à une consommation globale sur l’année.

Pour garantir un accès à l’électricité, RTE, dont le rôle est de transporter l’électricité, va construire une ligne dite de 400 000 volts. Un projet dont la concertation publique démarre ce lundi, mais sur lequel des concertations ont déjà eu lieu depuis plusieurs mois pour préparer le terrain auprès d’élus qui y sont opposés. Consciente qu’il s’agit “d’un sujet délicat”, Isabelle Campagnola-Savon, conseillère régionale (Renaissance) déléguée à l’économie, parle “d’un travail de dentelle qui va être fait avec les communes”. Car le temps presse. Le projet, qualifié d’intérêt général, “doit vite être acté sinon les projets industriels iront ailleurs” alerte la conseillère régionale. Elle met aussi en avant une ligne qui va répondre “aux besoins du territoire” hors attentes industrielles.

Chez RTE, on rappelle que les besoins électriques de la France devraient augmenter de 35% d’ici à 2050 et qu’au-delà des attentes sur la zone industrialo-portuaire, le réseau a effectivement besoin d’être renforcé. “C’est une autoroute de l’électricité”, résume Christophe Berassen, directeur du centre développement ingénierie Marseille chez le gestionnaire de réseau, à propos de la ligne de 400 000 volts. Et comme pour une autoroute, les communes qui risquent de se retrouver sur le tracé n’y sont pas favorables.

Huit parcours possibles

Aire d’étude du projet. Image : RTE

Pour l’instant, le chemin exact de cette ligne d’environ 68 kilomètres n’est pas encore précisément déterminé, mais une chose est sûre : elle arrive sur un terrain miné. La ligne doit relier le poste situé à Jonquières, dans le Gard, à celui de la Feuillane, à Fos, et l’aire d’étude englobe les parcs régionaux des Alpilles et de la Camargue, des sites Natura 2000 ou encore des monuments patrimoniaux. Chez RTE, on parle d’ailleurs de déterminer le “faisceau avec le moindre impact”. Une formulation qui en dit long.

Les pylônes nécessaires font entre 45 et 60 mètres de haut avec une emprise au sol de 50 à 100 mètres carrés et sont espacés entre eux de 350 à 500 mètres environ. RTE estime qu’environ 180 pylônes devraient être implantés. Le gestionnaire d’infrastructure identifie actuellement huit parcours qui concernent dix communes, cinq dans chaque département : Jonquières-Saint-Vincent, Beaucaire, Vallabrègues, Bellegarde, Fourques, Tarascon, Arles, Saint-Martin-de-Crau, Port-Saint-Louis et Fos-sur-Mer.

Les cartes ci-dessous représentent les huit combinaisons identifiées. La partie en violet correspond à l’hypothèse Est, celle en orange à l’hypothèse Ouest, les zones vertes sont des transversales qui permettent de traverser le Rhône.

Image : RTE

La menace d’actions en justice

Si le parcours passe par Tarascon, nous attaquerons l’arrêté au tribunal administratif “, prévient Lucien Limousin, maire (DVD) de la commune. Un discours que porte également l’édile de Beaucaire, Julien Sanchez (RN) pour sa ville. Les deux hommes dénoncent une atteinte au paysage, pointent la présence de terres agricoles et s’étonnent d’habituelles restrictions administratives qui, pour cette ligne, seront balayées. “Nous avons beaucoup de contraintes qui nous sont imposées par la directive territoriale d’aménagement ou le schéma de cohérence territoriale, nous ne pouvons rien construire et là, on veut mettre des pylônes“, expose Lucien Limousin.

La position est aussi très ferme au parc naturel régional des Alpilles. Son président Jean Mangion indique avoir voté une délibération pour s’y opposer et invoque notamment la charte du parc, un document qui détermine les orientations des actions à mener sur 15 ans. “Elle a été signée en fin d’année dernière par la première ministre et c’est écrit que les lignes à haute tension ne peuvent pas passer par le parc“, défend celui qui est également maire de Saint-Étienne-du-Grès. “Nous attendons de connaître le tracé, mais si nous sommes impactés, nous irons en justice”, prévient-il. Le maire (DVG) de Fos-sur-Mer René Raimondi ne cache pas son agacement face à ces oppositions : “Des élus ne sont pas contents d’avoir des pylônes ? Mais qu’est-ce qu’on devrait dire nous ? Il faut garder raison, tout le monde doit faire sa part pour la décarbonation.

Affiner les tracés

Du côté du parc régional de Camargue, une délibération pour s’opposer au projet a aussi été votée. Mais sa présidente (Renaissance) Anne Claudius-Petit montre néanmoins des signes d’ouvertures. “RTE nous a tendu la main, nous allons essayer de hiérarchiser les impacts que cela pourrait engendrer pour au moins avoir notre mot à dire“, explique celle qui est également présidente de l’Agence régionale de la biodiversité et de l’environnement ainsi que conseillère régionale dans la majorité de Renaud Muselier. Une casquette politique qui pourrait rendre difficile une opposition ferme à un projet soutenu par la collectivité. “C’est surtout qu’en tant que présidente de la commission transition énergétique à la région, je connais les enjeux de décarbonation”, réfute-t-elle.

Camargue, Alpilles, Tarascon ou Beaucaire… Le tracé va se préciser au fil des semaines. Les six rencontres ou ateliers prévus jusqu’au 7 avril prochain dans le cadre de la concertation promettent d’être mouvementées. “Tout l’objet de ces rencontres est de collecter des informations supplémentaires avec les habitants et les associations pour identifier des éléments qui auraient pu nous échapper ainsi qu’à affiner les lieux de passage“, présente Pascale Hénaff, cheffe de projet chez RTE. S’agissant d’un projet d’intérêt général, les “avis seront plus ou moins intégrés”, reconnaît toutefois Christophe Berassen, et il y aura forcément des mécontents. Tout ça met sous haute tension.

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Commentaires

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  1. pierre b pierre b

    Les échanges électriques entre pays (France, Espagne, RFA me semble t il) sont réalisés par des cables enterrés.
    Une telle solution n’est elle pas envisageable? Certainement plus couteuse…

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  2. BRASILIA8 BRASILIA8

    Et donc les belles éoliennes de Mr Castaner ne vont pas suffire !
    Il est vrai qu’en plus de l’industrie il va falloir alimenter tous les transports: autos, vélos, camions, tracteurs, bateaux ……

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    • jacques jacques

      La “salle de shoot” a encore frappé. Sur que Bruno Gilles est à la manœuvre !

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      Jacques qui vous a permis de m’insulter !

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  3. Pascal L Pascal L

    Les lignes à haute tensions enterrées posent des problèmes de couplage avec le sol (pour les électriciens, c’est comme un gros condensateur entre la ligne et la terre) et cela provoque d’importante chutes de tensions entre le départ et l’arrivée. A tel point que pour traverser la Manche (milieu encore plus conducteur que le sol) et assurer le couplage des réseaux entre la Grande Bretagne et l’Europe continentale, on passe par 3 intermédiaires : convertisseur alternatif -continu, transfert en continu, convertisseur continu-alternatif avec toute les pertes et la complexité de gestion que cela entraine.

    Le transfert de la puissance reste une difficulté malgré les progrès réalisés. Quand c’est possible, il est toujours préférable d’utiliser l’électricité au plus près de l’endroit où elle est produite.

    C’est pourquoi, pour rebondir sur un autre sujet, les data-center, il serait avantageux de les placer 60 km plus près des centrales nucléaires tout en restant en bord de mer donc sur le site des bassins “Ouest” du GPMM et non sur les basins “Est” car il y a très peu de pertes sur les fibres optiques, et beaucoup moins de danger, et donc de contraintes pour les zones traversées. Alors qu’amener l’énergie nécessaire sur Marseille va coûter très cher soit en pylône soit en lignes enterrées avec les travaux nécessaires.

    En revanche assurer la sécurisation des approvisionnements d’énergie sur PACA par une deuxième ligne est certainement une bonne chose. Et selon moi, qu’elle transite par Fos est une bonne idée , effectivement, le solaire et l’éolien, intermittents, ne suffiront pas.

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      Il s’agit surtout de fournir de l’électricité à l’industrie .
      Pour industrialiser il faut des matières premières et/ou de l’énergie le problème c’est qu’à Fos il n’y ni l’un ni l’autre. Donc la strart’up nation reprend la vieille recette giscardienne quand a été crée le site de Fos on importe les deux

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  4. julijo julijo

    je me posais la même question que @pierre b : pourquoi pas souterrains ?
    on peut comprendre les explications de pascal L sur le sujet, mais même si c’est probablement plus couteux, et plus complexe techniquement, ces pylones sont énormes ! pourquoi dénaturer -définitivement- certains paysages….il est peut être possible d’enterrer certains tronçons ?

    ( au portugal, ces pylones supportent les nids des cigognes, c’est rigolo de les voir vivre à cet endroit…pas forcément bien intégré au paysage pour autant.)

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  5. Patafanari Patafanari

    Il suffit de peindre en bleu ciel le haut des pylônes et de camoufler le bas en affûts de chasse. Ainsi, nous perpétuerons le paysage provençal traditionnel. Quant au bourdonnement électrique , un modulateur bon marché pourra le transformer aisément en chant des cigales.

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  6. Marie José justamond Marie José justamond

    Bien sur que la ligne peut être enterrée. Mais cela nécessite, une “petite usine” au départ et à l’arrivée. Cela coute donc plus cher. Est ce que notre territoire ne le vaut pas ? La Terre d’Argence, Arles et le Pays d’Arles, la Crau, la Camargue, les Alpilles ? C’est un projet monstrueux. En effet il dénature définitivement nos paysages, mais aussi les terrains agricoles. Et au travers du tourisme aussi notre économie. Pour une fois il pourrait bien réunir chasseurs et écolos.

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