Reprise de La Marseillaise : un “ouf !” et du flou
L'offre de reprise du journal La Marseillaise, portée par Maritima Médias devrait, sauf surprise, recevoir l'accord du tribunal de commerce. Le groupe parapublic martégal et les mairies de gauche qui le soutiennent seront toutefois minoritaires, derrière de discrets "partenaires privés". Si cette nouvelle gouvernance reste floue, les salariés sont convaincus de pouvoir conserver l'identité du journal.
Reprise de La Marseillaise : un “ouf !” et du flou
L'enjeu
L'offre prévoit le maintien d'un quotidien dans les Bouches-du-Rhône et du niveau d'effectifs actuel (53 salariés). Le projet porté un temps par La Provence a finalement a été retiré.
Le contexte
Après des difficultés récurrentes depuis une dizaine d'années, La Marseillaise revendiquait un retour à l'équilibre depuis 2019. L'impact économique de la crise sanitaire l'a fait replonger.
La Marseillaise a fini par y installer sa rédaction. Ce mardi, le quotidien avait de nouveau rendez-vous au tribunal de commerce. Pendant les longues heures de l’audience à huis clos, alors que le tonnerre gronde à l’extérieur, les salariés reprennent progressivement leurs activités dans le hall. La conférence de rédaction terminée, les coups de fils s’enchaînent, les stylos courent sur les carnets, entre deux interviews accordées par le rédacteur en chef Léo Purguette sur l’avenir du titre.
Reprise en 2014 par les Éditions des fédérés, un groupe d’associés membres ou proches du Parti communiste, de nouveau en redressement judiciaire en 2016, La Marseillaise a connu une rechute en juillet 2020, durement frappée par les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 auxquelles s’est ajoutée une grave crise dans la distribution de la presse papier. Mais cette fois encore, le journal devrait passer l’orage, à la faveur d’une offre de reprise portée par le groupe Maritima médias. “Le président du tribunal a déclaré que malgré le fait qu’il nous voit souvent, on ne peut pas laisser mourir ce journal”, rapporte à ses collègues Émilie Parente, déléguée syndicale CGT qui représentait les salariés lors de cette audience. Assortie d’“un avis favorable du procureur malgré quelques réserves”, cette déclaration est saluée par des applaudissements, même si le rendu de la décision est fixé au 7 octobre.
Le “pluralisme” face à la “bouillie”
Au deuxième étage, où la salle des grandes occasions a été affectée à cette affaire – la seule de la matinée – il y a foule. Représentants des différents repreneurs, dirigeants actuels, partenaires, créanciers, assortis de leurs avocats : difficile de s’y retrouver. Costume bleu, lunettes rondes, Thierry Debard est la tête de pont, l’interlocuteur identifié. Directeur général de Maritima Médias, une société d’économie mixte détenue par la mairie de Martigues (PCF) diffusée aujourd’hui sur les ondes et en ligne, c’est lui qui “porte l’offre”.
Derrière, ou à côté, la reprise doit être accompagnée par une coopérative (une SCIC) dont les futurs membres sont au rez-de-chaussée (les salariés et l’association des Amis de la Marseillaise, qui a réuni plus de 50 000 euros de dons) ou absents (plusieurs mairies dont celles de Marseille, Martigues, Port-de-Bouc, le Rove et Fos, toutes marquées à gauche). Listes non définitive. Certaines n’ont pas encore avalisé leur participation financière par une délibération du conseil municipal, c’est le cas de Marseille. À Martigues, qui apporte près de 300 000 euros à la SCIC, le débat a été vif. Face aux critiques de l’opposition, le maire Gaby Charroux s’est lancé dans une étrange défense du “pluralisme” avec une attaque peu dissimulée envers l’autre quotidien régional :
“Vous savez bien ce que ça veut dire pluralisme : un courant de pensée qui est défendu dans un journal et qui ne laisse pas la place aux autres courants de pensée. Le Figaro par exemple ne partage pas les valeurs de La Marseillaise et exprime ses valeurs et uniquement ses valeurs. (…) S’il n’y a plus La Marseillaise, alors il n’y a plus d’expression différente de cette bouillie qui transparaît aujourd’hui dans la presse depuis Menton jusqu’à Perpignan.”
À droite, la région, présidée par Renaud Muselier (LR), a préféré abonder via une ligne publicitaire de 100 000 euros par an pendant trois ans et la mairie d’Aix est encore “en discussion”, indique Thierry Debard.
Des “partenaires privés” majoritaires
Dans les colonnes du titre et dans les déclarations publiques, les présentations s’en tiennent là, si ce n’est la mention de “partenaires privés”. Selon le document de présentation de l’offre, consulté par Marsactu, ces derniers détiendront pourtant la majorité du capital de la future société éditrice, la SCIC plafonnant à 10 % et Maritima médias à 20 %.
Le retour de l’ancien PDG, pour une part minoritaire, est défendue au nom de ses résultats avant la crise
Parmi eux, on trouve… l’actuel patron des Éditions des Fédérés, Jean-Marc Béhar. Ou plus précisément le groupe Médias et publicités, dont il est le président. En temps normal, la possibilité pour un ancien dirigeant de participer à une reprise en liquidation est fortement encadrée, pour ne pas permettre aux actionnaires à se délester à bon prix des dettes de leur société – plusieurs millions d’euros en l’occurrence. Mais une ordonnance prise par le gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire a ouvert un champ, dans lequel s’est par exemple engouffrée la famille Mulliez avec Alinea. À la différence notable que la reprise ne prévoit pas de réduire le volume d’emplois – 53 salariés aujourd’hui – malgré des licenciements liés à des changements de postes.
“On pourrait le voir comme cela, mais il y a une volonté, y compris des salariés, de garder Jean-Marc Béhar dans le tour de table. C’est une part très minoritaire et ce n’est pas lui qui pilotera la structure”, justifie Thierry Debard, qui souligne que sous sa présidence La Marseillaise “avait quasiment été remise à l’équilibre”. Léo Purguette, rédacteur en chef confirme : “Pour lui [Jean-Marc Béhar], c’est un crève-cœur, alors que l’année 2020 devait être légèrement excédentaire.” L’intéressé dit simplement vouloir “transmettre [son] expérience positive”, ce qui “a été accepté par le procureur”.
Un autre cas incarne la continuité, le promoteur immobilier Quartus qui a racheté le siège historique du cours d’Estienne-d’Orves et en louait une partie au journal. Son fondateur et président de son conseil de surveillance, Franck Dondainas doit prendre 25 % des parts de la nouvelle société. “À titre personnel”, insiste Thierry Debard. Autrement dit via sa société foncière Financière de la Ronzière, qui est en train de racheter le crédit-bail de Quartus sur le siège de La Marseillaise.
À ces anciens, s’ajoute HSP (25 %), un groupe basé en région parisienne à l’activité très proche de celle de Médias et publicité, à savoir la régie publicitaire de journaux – notamment édités par des collectivités – le sponsoring sportif et l’événementiel. Autre acteur du tour de table, CCI imprimerie (10 %). Implantée à Marseille, dotée d’une belle santé financière, elle imprimait déjà ponctuellement des suppléments et autres ouvrages des Éditions des Fédérés.
Une feuille de route mais pas de patron
Si les parts respectives ont pu bouger à la marge depuis juillet, à eux quatre, ces partenaires “privés” seraient majoritaires dans la future structure. Léo Purguette préfère y voir une répartition “éclatée” et considère que “le projet a été présenté à tout le monde de la même manière : maintien de la zone de diffusion [un quotidien dans les Bouches-du-Rhône, un hebdomadaire dans le Gard et l’Hérault, ndlr], du niveau d’emploi et bien sûr de la ligne éditoriale, sans laquelle cela n’aurait pas de sens.” Même assurance face à ce contrôle théorique du côté d’Émilie Parente, pour qui “les investisseurs partagent les objectifs”. D’autant plus que, dans la foulée de l’équilibre économique atteint en 2019 avant les difficultés de 2020, il s’agit de poursuivre le redressement plus que de révolutionner. Une base qui suffit à rassurer. Bien loin de l’offre jugée “hostile” à laquelle le groupe La Provence a fini par renoncer. “Je doute qu’il y ait une volonté [des investisseurs] de prendre la main”, écarte Thierry Debard.
Reste que le futur patron qui portera cette feuille de route, et le titre symbolique de directeur de la publication, n’est pas encore connu. “Il n’est pas impossible que j’aie une mission de quelques mois, le temps notamment de mener les recrutements de l’équipe de direction”, pose Thierry Debard qui représente le seul acteur médiatique du tour de table. Passée cette éventuelle transition, ce dernier l’assure : “je ne réclame rien si ce n’est que Maritima doit avoir droit de cité”. Pour Léo Purguette, il ne s’agit d’ailleurs “ni d’un rachat ni d’une absorption par Maritima”, avec qui il est davantage question de “mutualisations”.
La présidence émanera-t-elle alors de la SCIC ? L’hypothèse, au demeurant peu représentative de son poids au sein du capital, ne semble pas avoir été envisagée. Au sein même de cette structure intermédiaire, où journalistes voisineront avec lecteurs et élus, les règles restent encore à construire, justifie-t-on côté salariés. “On nous en parle plus que l’on s’en parle entre nous”, sourit Émilie Parente. La première réunion d’information des salariés sur l’offre de reprise a eu lieu ce lundi, la veille de l’audience au tribunal.
Commentaires
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CCI Imprimerie ou Création Communication Impression, dirigée par M. Malka, est une belle affaire qui appartien(drai)t de fait au PCF
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Peut importe la couleur politique d’un journal ce qui est primordial c’est la diversité de l’information face aux pressions et à la pensée unique distillée aujourd’hui dans la majorité de presse française .
Une main mise de La Provence aurait signé la fin du pluralisme journalistique de notre presse régionale .
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Quid des éditions numériques?
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Bonjour,
quelle est votre question ?
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Le Procureur aurait émis quelques réserves. On aimerait savoir lesquelles ?
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Mon souhait, Que Le Journal continue à vivre tel qu’il a toujours été, avec la même
pensée, le même engouement dans la défense du vulnérable, j’adore ce journal, et il le mérite, . mirella marini
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Oui, saluons tous les journalistes indépendants d’investigation et d’information qui, au delà de la recherche du scoop, suivent leur affaire jusqu’au bout et à terme savourent le fruit de leur travail. L’un des derniers remparts contre les injustices.
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