Pour la cour d’appel d’Aix-en-Provence, Axa doit indemniser les restaurateurs fermés

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le 26 Fév 2021
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Le numéro un mondial de l’assurance a été condamné pour la première fois en appel à prendre en charge les pertes d’exploitation d’un restaurateur marseillais causées par la fermeture pendant le confinement. Une décision qui risque de bousculer tout le secteur. Un article paru dans Mediapart.

Le restaurant L
Le restaurant L'espigoulier qui vient de gagner devant la justice face à Axa pour obtenir une indemnisation, situé sur le Vieux port. photo : VA

Le restaurant L'espigoulier qui vient de gagner devant la justice face à Axa pour obtenir une indemnisation, situé sur le Vieux port. photo : VA

Axa, le numéro un mondial de l’assurance, vient d’essuyer un sérieux revers dans sa bataille contre les restaurateurs français lui demandant de prendre en charge les pertes d’exploitation dues à la fermeture de leur établissement durant les périodes de confinement. Ce jeudi 25 février, la cour d’appel d’Aix-en-Provence vient de confirmer un jugement du tribunal de commerce de Marseille qui datait du 15 octobre. L’assureur devra bien indemniser le propriétaire d’un restaurant marseillais, à qui il devra verser 23 000 euros pour la période de fermeture du 15 mars au 2 juin 2020, comme l’avait décidé le tribunal de commerce.

La cour d’appel a ajouté 27 000 euros d’indemnisation pour compenser les pertes d’exploitation subies pour les fermetures allant du 28 septembre au 4 octobre (où seuls les restaurants marseillais avaient été fermés), puis du 30 octobre au 31 décembre. Ces indemnisations ne sont que provisoires, le montant exact des pertes d’exploitation sera évalué par une expertise qu’Axa devra mettre en œuvre dans les deux mois. Me Jean-Pierre Tertian, l’avocat du restaurateur se réjouit auprès de Mediapart.

“C’est le premier arrêt de cour d’appel qui porte sur le fond. Il s’agit d’une étape importante dans le combat des restaurateurs, et des autres professions, contre Axa, qui a décidé d’emblée, dès le début du premier confinement, de refuser de payer les indemnités qu’il doit à ses assurés.”

“Nous allons étudier attentivement les motivations de la décision. Nous rappelons que ce même contrat est actuellement l’objet de débats devant plusieurs autres juridictions d’appel dans le pays”, a réagi Axa dans un communiqué.

15 000 contrats semblables

Le coup est rude pour l’assureur, qui estime avoir fait signer quelque 15 000 contrats semblables à des restaurateurs. En première instance, le débat juridique fait rage autour d’une clause précise qui lui permet de refuser toute indemnisation aux restaurateurs. Certains tribunaux lui donnent raison, mais ils sont de plus en plus nombreux à lui donner tort, et la vague de condamnations semble s’accélérer.

Comme nous le détaillions en mai dernier, de très nombreux restaurateurs ont eu la mauvaise surprise de découvrir que leur contrat d’assurance, censé les couvrir en cas de fermeture “par une autorité administrative compétente” en cas de “maladie contagieuse, épidémie, meurtre, suicide ou intoxication”, n’était pas protecteur en temps de Covid. En effet, une clause suspensive précise que “sont exclues les pertes d’exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement fait l’objet sur le même territoire départemental […] d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique”

Bref, Axa couvre une épidémie seulement si ce n’en est pas une, enragent les restaurateurs. La compagnie d’assurance a toujours assuré qu’en fait, son contrat était pensé pour protéger les professionnels dont l’établissement est victime d’une “épidémie isolée”, “comme les salmonelloses ou les légionelloses”, et non les pandémies mondiales.

Un argumentaire balayé par la cour d’appel, pour qui cette fameuse clause d’exclusion  “doit être réputée non écrite”. « L’exclusion ainsi définie n’est nullement limitée puisqu’elle vise tout autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, faisant l’objet d’une fermeture administrative pour une cause identique, sur un territoire particulièrement vaste », détaille la décision judiciaire, ce qui reviendrait “à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie”.

Axa a déjà corrigé ses contrats

La cour d’appel souligne d’ailleurs qu’Axa a adressé un avenant à ses assurés au mois d’octobre. L’assureur y définit cette fois avec précision les termes “épidémie”, “épizootie” et “pandémie”, pour les exclure de ses indemnisations. Manière de reconnaître que la précédente version de son contrat était trop floue. “La cour a aussi donné raison à notre argument selon lequel Axa, qui commercialise ce type de contrat depuis 15 ans, n’a pas été capable de démontrer qu’elle avait indemnisé un restaurateur une seule fois en vertu de cette clause”, note Jean-Pierre Tertian.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence semble avoir mis Axa au pied du mur. Bien sûr, l’entreprise n’est pas la seule à rechigner à indemniser ses clients, comme Mediapart l’avait raconté ici. De nombreux assureurs prétendaient se contenter d’un geste commercial, en leur évitant de payer quelques mois de primes, pour économiser quelques centaines d’euros.

Et leurs arguments sont similaires : une pandémie, au même titre qu’une guerre, ne serait pas assurable. La crise, en touchant tout le monde en même temps, risque de remettre en cause le principe même de la mutualisation, qui veut que ceux qui vont bien paient pour la minorité qui subit un sinistre. Difficile à avaler pour les artisans, commerçants, hôteliers ou restaurateurs qui paient des centaines voire des milliers d’euros par an pour protéger leur activité…

En juin, l’ACPR, l’autorité de contrôle des banques et des assurances, a estimé que 93 % des assurés à titre professionnel n’étaient pas couvert pour leur perte d’exploitation due au confinement. « Soit cette garantie est subordonnée à la survenance d’un dommage aux biens garanti (de type incendie ou dégât des eaux), soit, plus rarement, une exclusion explicite des effets de la pandémie a été prévue dans les contrats garantissant la fermeture administrative », indique l’ACPR.

Au contraire, « près de 3 % des assurés couverts par les contrats analysés peuvent prétendre à une indemnisation ». Et pour environ 4 %, soit des milliers de professionnels, existent des « clauses contractuelles ne permettant pas de conclure avec certitude à une absence de garantie » et nécessitant « une interprétation du juge ».

Des condamnations de plus en plus nombreuses

Et les condamnations qui tombent, de plus en plus nombreuses, se ressemblent, et valent pour tous les assureurs : elles sont très souvent favorables aux assurés. Ainsi, dans une ordonnance de référé du 11 février, le tribunal judiciaire de Paris a condamné Groupama à indemniser 3 restaurants, entre 40 700 et 112 000 euros. Il faut dire que leurs polices d’assurance indiquaient qu’elles prenaient en compte la fermeture de l’établissement “sur ordre des autorités administratives lorsqu’elle est motivée par la seule survenance” d’une maladie contagieuse ou d’une épidémie…

En octobre, c’était le CIC qui était condamné à Annecy, puis en décembre, MMA à Orléans, et Groupama encore en janvier, à Rennes. Axa, elle, a pu bénéficier de quelques décisions favorables : en août, trois restaurateurs toulousains avaient été déboutés, dont le très médiatique Michel Sarran, et un autre de Bourg-en-Bresse. En octobre, c’était le tribunal de commerce de Bordeaux qui donnait raison à l’assureur.

Mais pour des centaines de cas, Axa a préféré transiger. Le cas le plus éclatant est celui de Stéphane Manigold. Bénéficiant d’un contrat ancien modèle, négocié par un courtier, qui ne mentionnait aucunement d’épidémie, le propriétaire de quatre restaurants parisiens avait gagné en première instance, en mai.

Gros embarras d’Axa, qui estime que 1 700 contrats similaires ont été signés. Après avoir fait appel, l’assureur a finalement négocié avec Stéphane Manigold, et signé un accord avec lui en juin. Axa assure avoir trouvé un arrangement avec au moins 1650 signataires de ces types de contrat, dans lesquels toute mention des épidémies avait été oubliée.

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Commentaires

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  1. Jacques89 Jacques89

    Sais pas si le secteur est bousculé, mais hier l’action AXA montait toujours. A croire que cette affaire lui a fait plus de pub que de tort.

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  2. Minh Derien Minh Derien

    Un vrai régal ! Qu’Axa soit condamné… ils se sont largement gavés depuis des années.

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