La petite magouille contre Mennucci finira-t-elle en petit procès ?

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le 31 Mar 2016
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En 2012, le député Patrick Mennucci portait plainte face à des accusations d'achat de votes le visant. Après une procédure où ont été interrogées Lisette Narducci et sa directrice de cabinet, la juge a choisi de ne pas les mettre en examen. Le parquet vient en revanche de requérir un procès contre un petit candidat et un auteur d'attestations.

Patrick Mennucci en meeting sur la Canebière lors des municipales 2014.
Patrick Mennucci en meeting sur la Canebière lors des municipales 2014.

Patrick Mennucci en meeting sur la Canebière lors des municipales 2014.

L’affaire des fausses attestations dénonçant des pratiques d’achat de voix en 2012 par le député PS Patrick Mennucci touche à sa fin. Fin janvier, la juge d’instruction Patricia Krummenacker, a signifié la fin de son instruction. Selon nos informations, le parquet de Marseille a rendu son réquisitoire définitif sans demander d’actes supplémentaires. Il a en revanche requis le renvoi en correctionnelle de deux mis en examen dans cette affaire, un auteur d’attestation bidon Abdourazak B. et un petit candidat de l’Alliance écologiste indépendante, Farid Soilihi, soupçonné de l’avoir sollicité.

La procédure d’instruction touche donc à sa fin même si les personnes mises en examen tout comme Patrick Mennucci, partie civile, peuvent encore demander des actes supplémentaires. La maire des 2e et 3e arrondissements Lisette Narducci (PRG) et sa directrice de cabinet devraient ne pas être inquiétées dans cette affaire alors que leurs noms sont pourtant revenus avec insistance durant trois ans et demi de procédure. Au point que les deux femmes, déjà entendues une première fois, ont été convoquées pour une ultime confrontation fin janvier, révélée par La Provence. Mais pas de mise en examen réclamée à l’issue. “Entre la vérité judiciaire et la vérité policière il y a souvent un pas. Pour une mise en examen, il faut des indices graves et concordants”, justifie une source proche du dossier. Retour sur une affaire très politique.

Une bataille électorale rude

A l’origine, il y a l’histoire d’une guerre fratricide dans une circonscription acquise à la gauche. En redécoupant les terres d’élection des députés en 2010, la droite a pris soin de bien regrouper les bureaux de vote de gauche du centre-ville de Marseille dans la quatrième circonscription. Mais, en 2012, deux élus de gauche, le socialiste Patrick Mennucci et la divers gauche Lisette Narducci, proche du président du département d’alors, Jean-Noël Guérini, s’affrontent pour le siège au palais Bourbon. Le premier en sortira vainqueur, la seconde ayant été éliminée de justesse au premier tour par le Front national.

Le conflit politique se transformera au-delà du 2e tour le 17 juin en une bataille administrativo-judiciaire. Ses principaux initiateurs ne compteront pas parmi les têtes d’affiche de la campagne mais parmi les candidats les plus modestes, de ceux dont on ne parle guère dans les journaux. Certains sont devenus des habitués au fil des scrutins. Ils postulent sans parti ou alors avec une formation méconnue, font régulièrement moins de 1 % des voix et oublient de temps à autres de déposer leurs comptes de campagne. Cela leur vaut une inéligibilité qu’ils purgent puis reviennent pour certains dans le jeu politique.

Prétendus achats de voix

Cette situation est celle de deux candidats de 2012, Farid Soilihi et Omar Djellil, tous deux sanctionnés par le Conseil constitutionnel. S’ils n’ont pas respecté les règles pour leur propre compte, ils se sont aussi penchés sur le respect de celles-ci par le vainqueur, Patrick Mennucci. Au lendemain de l’élection, Omar Djellil a déposé un recours contre son élection en produisant deux attestations d’électrices, l’une d’entre elle expliquant que le candidat faisait campagne en distribuant des billets de 50 euros.

Mennucci, ne supportant pas ses accusations, déposera rapidement plainte contre les auteurs d’attestation et dès le mois de septembre, Djellil, convoqué, ajoutera trois attestations supplémentaires. L’enquête, fouillée, fera défiler devant les enquêteurs de la sûreté départementale les auteurs des cinq mises en cause.

La majeure partie témoigne d’une connaissance limitée de la chose politique. Très vite, les enquêteurs s’intéressent au commanditaire potentiel de ses attestations quand il apparaît qu’une conjonction d’intérêts a pu servir le recours d’Omar Djellil. Il déclare lors d’une audition que c’est Farid Soilihi qui lui a transmis des attestations. Ce dernier était notamment présenté comme le “négociateur politique” de la communauté comorienne lors des municipales 2014. Quand Soilihi est entendu, Abdourrazak B. a déjà admis avoir commis un faux. “Je n’ai jamais vu ou entendu qu’il y avait des échanges d’argent contre des votes. J’ai écrit cela sous la pression de Farid Soilihi”, a-t-il dit aux enquêteurs. Il leur a expliqué avoir retrouvé Farid Soilihi rue de la République “près du Mac Do” et signé “dans le tram” l’attestation sous la dictée de Soilihi. Malgré les dénégations de Soilihi, tous deux ont vite été mis en examen comme l’avait expliqué Le Monde pour faux et usage de faux. Lui aussi lié à Farid Soilihi, un troisième homme, Mohamed S., a subi le même sort.

Une attestation “dans le bureau de Narducci”

Et c’en a été terminé des mises en examen dans ce dossier. Pourtant, les curieux témoignages comme celui d’un second Mohamed S., oncle d’une élue municipale de l’époque, ont afflué. Celui-ci a témoigné avoir rempli une attestation “dans le bureau de Lisette Narducci” lors d’une réunion en mairie des 2e et 3e arrondissements. Il explique :

“Au cours de ce pot, […] Farid nous a demandé s’il y avait des rumeurs disant que Patrick Mennucci donnait de la monnaie pour que l’on vote pour lui. J’avais entendu cela à Félix-Pyat et j’ai dit oui […] Farid m’a donné une attestation vierge et m’a demandé de la remplir.”

Soilihi admettra l’existence de la réunion mais niera la distribution d’attestation. Autre passage troublant, le récit fait par Khadidja E., sa mère Bahia O. et son beau-père Lahouari Z. de l’écriture de leur attestation dont la rédactrice, Khadidja E. admettra qu’elle ne connaît pas ni n’a jamais vu Patrick Mennucci. Entendus le 2 octobre 2012 à une heure d’intervalle, les deux parents, étrangers qui ne savent ni lire ni écrire le français livrent un récit semblable à celui de la jeune femme. Cette famille de sept personnes attend désespérément un logement social plus grand que les 60 mètres carrés dans lesquels elle vit. C’est la raison de leur venue à la mairie du 2/3 à l’été 2012.

“Nous devions remplir le dossier, explique le père, et juste à côté du bureau du logement on a vu une dizaine de personnes en train de remplir des papiers. […] On s’est assis et on a rempli l’attestation. En fait une dame qui remplissait l’attestation nous a dit qu’il fallait être français pour la remplir et que c’était pour avoir un logement. Seule Khadidja est française. […] On m’a dit : « est-ce que vous connaissez Mennucci », j’ai dit oui, que je l’avais vu une fois au boulevard National, que j’avais même fait une photographie avec ma petite-fille et lui”. Sa compagne complète : “Ma fille a accepté de la remplir pour m’aider. Et comme elle ne savait pas quoi écrire, la dame qui travaille à la mairie lui a écrit sur un morceau de papier ce qu’il fallait mettre et Khadidja a recopié le texte de la dame. Elle a signé. La dame lui a dit qu’il fallait aussi donner la photocopie de la carte d’identité française.”

“Jamais de la vie”

A l’arrivée, la famille “qui ne pensait pas à mal” a commis un faux. “La dame” n’est pas nommée, juste décrite par la mère comme “une femme de type européen, 45/50 ans, blonde, qui présentait bien”. La description est sans doute trop vague pour arriver à une conclusion. Mais la chargée de communication puis directrice de cabinet Michelle Azoulay de Lisette Narducci étant blonde, les enquêteurs lui ont demandé si ce pouvait être elle. “Jamais de la vie”, a-t-elle répondu lors de son audition.

Michelle Azoulay a en revanche admis avoir accompagné vers le commissariat des 2e et 3e arrondissements une autre auteure de dénonciation, Zouliha A., qui a précisé durant la procédure ne pas savoir écrire. Elle l’aurait accompagnée après que celle-ci s’est présentée, spontanément selon ses dires, en maire des 2e et 3e arrondissements après avoir traversé le centre-ville. Entendue, Zouliha A. maintient ses propos mais parle de “présidentielle” et se trompe de date.  “Cette dame est venue pour dire qu’elle avait touché de l’argent de M. Mennucci. Je lui ai dit que ce qu’elle disait était grave et que, si c’était vrai, il fallait qu’elle aille le dénoncer au commissariat. Elle m’a dit qu’elle avait peur car elle avait subi des pressions donc je lui ai proposé de l’accompagner”, s’est-elle défendue le 28 janvier.

En mai 2014, dans une lettre au parquet que nous avons consulté à la suite de La Provence, Omar Djellil, connu pour ses multiples dénonciations au procureur, expliquait avoir reçu ses attestations supplémentaires par Michelle Azoulay. “Elle m’informait que Lisette Narducci avait contribué à les collecter”, écrit-il. Il précise avoir réfléchi à retirer son recours mais avoir été supplié par Lisette Narducci de ne pas le faire.

Narducci “pas concernée par ces attestations”

Lors de la confrontation le 28 janvier, la maire des 2e et 3e arrondissements comme sa directrice de cabinet se sont défendues de toute implication. “Je ne suis rentrée à la mairie qu’en octobre 2012. Mon contrat de travail part de cette date. Je ne comprends pas comment j’aurais pu fournir des documents, a expliqué Michelle Azoulay. Il m’est arrivé de passer occasionnellement à la mairie pour prendre le relais de la directrice de cabinet. Je connais Omar Djellil mais je ne lui ai pas fourni d’attestations comme il le prétend.”

Lisette Narducci s’est elle aussi défendue avec vigueur dans le bureau de la juge. “Si j’avais voulu déposer un recours, je l’aurais fait moi-même, je n’avais besoin de personne, ni de Omar Djellil ni de Farid Soilihi, note-t-elle. […]  On a eu une campagne compliquée, j’avais des éléments aussi mais le recours n’était pas mon but. Je reçois beaucoup de monde, j’ai déjà reçu Omar Djellil mais il n’a jamais été question des attestations. […] Je ne me sens pas concernée par ces attestations.” Elle ajoute : “Je ne supporte pas qu’on mette un doute, aussi minime qu’il soit, sur mon travail et celui qui est fait en mairie.” La position des magistrats semble lui donner raison.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Lisette tripatouillette ?

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  2. Happy Happy

    Incroyable et ridicule, des enfantillages de barbouzes ! Si marsactu pouvait aussi enquêter sur les motivations et les ressources financières de ces candidatures parasites, djellil, écologistes indépendants et consorts… On devine qu’elles servent à faire perdre des voix aux candidats plus institutionnels, dans des elections qui se jouent a quelques centaines voire dizaines de voix pres, mais quel bénéfice en retirent les petits candidats et qui finance leur campagne ? Et que représentent ces candidats pour leur soi-disant communauté ?

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    • JL41 JL41

      Suffit-il de distribuer des billets de 50 €, sortis d’où, pour être élu ? Il en faudrait beaucoup. Le maximum que l’on puisse faire est quand même ce que Sylvie Andrieux a fait avec l’argent de la région.

      On sait aussi que des élus, quels qu’ils soient, peuvent mentir effrontément. Ici il n’y a guère d’éléments matériels de preuve, mais un univers un peu glauque où tout est possible mais où il reste difficile de prouver quelque chose.

      Merci à Thomas d’avoir fait preuve de davantage de curiosité que les journalistes (j’ai lu l’article de la Provence), qui ne savaient pas ou qui n’ont pas voulu évoquer ce parrainage. A moins que ça vienne encore ?

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  3. Trésorier Trésorier

    La politique au niveau du caniveau.

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