Noailles, dans le ventre de Marseille

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le 30 Août 2012
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Noailles, dans le ventre de Marseille
Noailles, dans le ventre de Marseille

Noailles, dans le ventre de Marseille

Récits de vie, témoignages cocasses, émouvants, laconiques, fleuves. Souvenirs d'un parcours, d'une itinérance, d'un métier, appris ou transmis, d'une arrivée à Marseille, d'un quartier bouillonnant soumis à l'épreuve du temps. Histoire d'un métissage où Comoriens, Algériens, Tunisiens, Marocains, Vietnamiens, Sénégalais, Arméniens et autres bigarrent la cité.

Réalisé conjointement par Marie d'Hombres, Blandine Scherer et par la photographe reporter Anna Puig Rosado, Le ventre de Marseille est un livre portrait des commerçants de Noailles et de la rue d'Aubagne, "une photo du quartier en 2011", selon Blandine Scherer. Ces hommes et ces femmes qui font palpiter les flancs de la vieille ville. Coiffeurs afro, épicerie vietnamienne, bric-à-brac sénégalais, hammam, boucherie Halal, herboristerie familiale du père Blaise, boutique de tenues bollywoodiennes, les commerçants s'épanchent sur leurs produits, leur quotidien, leur attachement viscéral au lieu, mais aussi sur leur sentiment d'un âge d'or perdu, de l'insécurité parfois, de la désertion des classes moyennes voilà vingt ans.

"Quelque-chose de ventral"

 A l'origine du projet, il était question à la fois de découvrir Marseille à travers différents quartiers mais aussi d'écrire autour des lieux de croisement, d'interculturalité de la ville. Pour Marie d'Hombres, les petits commerces marseillais racontent au mieux l'histoire de l'immigration. Le titre, le ventre de Marseille, s'est imposé naturellement : "C'est un lieu où il y a énormément de choses à manger, et puis il y a quelque chose de ventral dans ce quartier d'assez évident. ça bourdonne, il y a des bruits, des odeurs…" Et on aime ça, contrairement à d'autres.

L'Oum el nass, la maman du monde : une pierre que tu mets dans ton sac, dès que tu as une mauvaise pensée ou que tu dis bonjour à quelqu'un que tu soupçonnes d'être mauvais, alors tu la serres très fort ; au fil des jours, elle va noircir ; et quand elle est vraiment noire, tu la fais brûler, tu prends les cendres, tu les jettes dans les toilettes et tu fais pipi dessus pour te purger de l'intérieur. Oh ma soeur, si tu écris ça, on va penser que je suis un sorcier !
[Extrait de "l'Univers d'Ali", Le ventre de Marseille]

"Un lieu qui mêle tout"

Le regard de l'auteur sur Noailles a changé : "Je suis allée dans le quartier avec une idée préconçue sur le bazar qui pouvait y régner. Mais ce n'est pas seulement cela. C'est un lieu qui mêle tout, à la fois un voyage dans l'espace avec l'interculturalité qui y règne et un voyage dans le temps avec des boutiques anciennes comme Empereur ou le Père Blaise qui racontent l'histoire de la ville". Marie d'Hombres, elle, trouvait intéressant de se confronter "à un quartier qui a mauvaise réputation, même si beaucoup de gens de différents milieux sociaux s'y rendent de manière quotidienne. Il y a une vraie richesse sous-jacente dans ces lieux de passage. J'ai pu le découvrir en prenant le temps d'aller à la rencontre des commerçants, en allant dans des boutiques où je ne serais pas allée spontanément."

Des dialogues saisis au vol sur un trottoir ou imaginés entre marchands de sommeil, entre commères à l'oreille affûtée et à la gouaille impitoyable parsèment le livre. Le recours, exceptionnel, à la fiction, se justifiait pour Marie d'Hombres, dans le sens "nous étions confrontées à des rumeurs que l'on ne pouvait pas identifier à une seule personne. Ces petits échanges correspondent à ce qui se dit sur le palier des immeubles, des échanges pas tout rose, pas magnifiques." Blandine Scherer enchérit : "Ces petites histoires de vie sans phare permettent de donner des bribes d'information sur le quartier, de ne pas fermer les yeux sur les marchands de sommeil, sur des tensions existantes, sans pour autant insister là-dessus. "

 Ce quartier a toujours été sale. Arêtes de poissons, os, restes de légumes, tout a toujours traîné. Une panoplie d'odeurs… Et de vieux immeubles, conçus à l'ancienne : toilettes sur le palier, appartements étroits et nombreux. Avec le temps, les plafonds s'effondraient, les toilettes devenaient hors d'usage…Des cafards par milliards. Et des rats, de gros rats. Y'en a, ça les arrange bien, ils en font leur affaire (…).
[Extrait, "Les marchands de sommeil", Le ventre de Marseille]

"Plusieurs villes dans la ville"

Les témoignages sont accompagnés des clichés d'Anna Puig Rosado. Reporter globe-trotter, elle en est ressortie "dépaysée. Ça m'a rappelé beaucoup de choses, notamment le Yémen où j'ai vécu, les pays arabes, les Comores où j'ai voyagé. Ce quartier donne l'impression d'avoir plusieurs villes dans la ville." Les détails d'un objet, d'une devanture de boutique ou d'une personne émaillent le livre. "On est submergé par beaucoup de petites choses éparses. J'aime chercher le petit détail qui va symboliser le lieu, quelque chose d'insolite. Les objets racontent des histoires. Tenez, par exemple, le chat, chez l'Arménien [ndlr, Murat, épicier à Noailles]  est peut-être là pour combler la solitude d'une vie… Noailles est un lieu chargé en émotion, et pour la transmettre, il faut la vivre, rester, revenir dans chaque endroit, créer des liens, se fondre dans cet univers."

La couleur, omniprésente, a fait l'objet d'une recherche permanente pour la photographe, qui n'a retouché aucune photo : "J'ai tenté de recréer ce que je ressentais. Pour de nombreux endroits, très vieillots, aux couleurs passées, il fallait attendre une lumière douce. Chez Ali, au contraire, je voulais montrer le côté très coloré de toutes ses épices". Pour découvrir le livre et ses photos, rendez-vous est donné vendredi 7 septembre, 18 h, à L'Equitable Café, 54, cours Julien, Marseille 6e.

Le ventre de Marseille, commerçants de Noailles, Editions Gaussen et association Récits, 2012. Prix : 19,50 €.

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    Pour connaître l’arménien, son chat est surtout un bon moyen de lutter contre les souris et les rats….désolée de casser le mythe! 🙂

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  2. GM GM

    j’adore trainer dans ce quartier !! je vais acheter ce bouquin ………..

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  3. Marseillais indigné Marseillais indigné

    Quartier sympathique où on peut acheter des fruits exotiques ,des épices, de la galette kabyle, de la viande halal (et moins chère) Eh puis il y a « Le Femina »tenu depuis 85 ans par une famille d’Azazga Le couscous à l’orge méchoui préparé avec talent par les soeurs de Mous ,qui gére la salle avec brio est délicieux On arrosé bien sur ce plat,d’un vin de là-bas

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  4. Marseillais indigné Marseillais indigné

    Quartier sympathique où on peut acheter des fruits exotiques ,des épices, de la galette kabyle, de la viande halal (et moins chère) Eh puis il y a « Le Femina »tenu depuis 85 ans par une famille d’Azazga Le couscous à l’orge méchoui préparé avec talent par les soeurs de Mous ,qui gére la salle avec brio est délicieux On arrosé bien sur ce plat,d’un vin de là-bas

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  5. Simon L Simon L

    Ce Marseille, insupportable à certains, les arêtes de poissons, les odeurs … mais immuable et mythique à d’autres. Sans céder au romantisme, ni à l’angélisme c’est un quartier extraordinaire dans le vrai sens. La Méditerranée bats dans ce quartier, ce Marseille qui n’est ni les quartiers nord et ses kalach; ni les quartiers sud et ses résidences chics et ses immeubles bourgeois. C’est l’authentique Marseille où bien des Marseillais ne vont plus depuis longtemps et qui résiste à sa manière à la standardisation des centres villes.

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  6. Anonyme Anonyme

    besoin d’un sacre cout de nettoyage avant 2013 Ceux qui se pament de se representer un ventre ne vivent pas ses inconvenients au quotidien ni les trafics de toutes sorte

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  7. Anonyme Anonyme

    … et pourquoi ne pas parler de ce lieu de spectacles unique à Marseille: le DAKI LING ! festival , stages de théâtre, expo aussi,
    dans la rue d’Aubagne, une équipe incroyable qui a su s’implanter dans ce quartier ! bravo à eux

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