Le Printemps marseillais remet ses ambitions à plus tard dans un premier budget contraint

Décryptage
le 2 Avr 2021
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La nouvelle majorité municipale présente son premier véritable budget au conseil municipal ce vendredi matin. L'équipe du Printemps marseillais réussit à dégager des marges de manœuvre en termes d'investissement, mais opère des arbitrages prudents plutôt qu'une véritable révolution.

Le groupe du Printemps marseillais au conseil municipal du 4 juillet 2020. (Photo : LC)
Le groupe du Printemps marseillais au conseil municipal du 4 juillet 2020. (Photo : LC)

Le groupe du Printemps marseillais au conseil municipal du 4 juillet 2020. (Photo : LC)

Le Printemps marseillais promettait de renverser la table. Mais il prend, avant toute chose, soin de débarrasser la vaisselle et l’argenterie. Si le premier véritable budget façonné par la nouvelle équipe municipale dévoilé ce vendredi lors du conseil municipal cherche à porter les objectifs visés par les nouveaux élus – une ville plus démocratique, plus verte, plus juste – il le fait par petites touches, dans un exercice fortement contraint.

“Dans une situation financière délétère, on a quand même réussi  à construire un budget équilibré et, cela, sans augmenter les impôts”, se satisfait Joël Canicave (PS), adjoint au maire en charge des finances. Durant la conférence de presse de présentation du conseil municipal, il tapote à plusieurs reprises le gros tas de feuilles posé devant lui. Plus de 1000 pages de cet épais rapport n° 5, “absolument indigeste”, convient-il, que les conseillers auront à ausculter aujourd’hui.

Écoles, travaux d’urgence et budgets participatifs

À parcourir ces kilomètres de tableaux et de chiffres en enfilade, un premier enseignement se fait jour : ce budget-là est un premier pas plutôt qu’une franche révolution. “Il pose les bases et permet d’illustrer nos priorités”, synthétise Sébastien Barles, adjoint au maire en charge de la transition écologique, issu des rangs d’EELV. Quand Pierre-Marie Ganozzi, adjoint au maire de Marseille en charge du plan école, voit là “le premier étage de la fusée”. “On réussit à engager le plan écoles, à démarrer les travaux d’urgence sur le patrimoine et à lancer des budgets participatifs”, crédités d’1,5 million d’euros, souligne aussi Jean-Pierre Cochet (Place publique), adjoint en charge charge de la sécurité civile.

Pas d’effet “waouh” dans ce millier de pages. Dans le rapport de présentation, plus politique, les rares exemples concrets sont fortement marqués de l’empreinte de l’ère Gaudin, continuité de l’action publique oblige. On retrouve le “big data de la tranquillité publique” ou la hausse du financement des écoles privées. La patte de la nouvelle majorité s’y ajoute ici et là plus qu’elle la remplace.

Les équipements structurants remis à plus tard

Au prix d’un report de la dette et d’un recours important à l’emprunt, ce budget global d’1,525 milliard est toutefois marqué par l’important volume d’investissement dégagé : 267 millions d’euros soit un tiers de plus que la moyenne du mandat précédent. Leur répartition confirme les ambitions du Printemps, sans pour autant dessiner des lignes de force qui créent la surprise. 21 % de cette somme, 48 millions d’euros, iront à l’action éducative, 20% à l’économie et l’urbanisme, 14% à l’environnement, 13% à la sécurité et à la salubrité publique. Si tous ces champs sont en augmentation par rapport au budget 2019, les lignes sports et jeunesse et action culturelle, elles, baissent : de 54 à 26 millions d’euros pour la première, de 39 à 23 millions pour la seconde.

Pour Jean-Marc Coppola (PCF), il n’y avait guère d’autres solutions: “Pour se doter de moyens budgétaires supplémentaires soit vous passez  par le recours à l’imposition, nous avons fait le choix de ne pas le faire, soit vous empruntez et il faut évidemment que ça reste très contenu… Au final, cela donne malheureusement ce résultat.” L’élu communiste a beau se satisfaire d’une ligne budgétaire “stable” pour la culture (investissement et fonctionnement cumulés), il ne lui échappe pas non plus que ce budget-là n’ouvre pas la porte à la réalisation rapide de nouveaux grands équipements. Le Printemps marseillais défendait pendant sa campagne l’éclosion d’une bibliothèque digne de ce nom par secteur. Faut-il oublier cette promesse? “Pas du tout !, rétorque Jean-Marc Coppola. Il y a des projets possibles, des innovations à mettre en place pour favoriser l’accès à la culture en général et à la lecture publique en particulier, nous le ferons.”

Augmenter les effectifs

On savait bien qu’on n’allait pas faire des stades et des gymnases partout. On va déjà maintenir en vie les équipements existants qui sont au bord du gouffre.

Sébastien Jibrayel, adjoint aux sports

L’attente est forte, aussi, du côté des infrastructures sportives, notamment, des piscines dont le manque, cruel et chronique, n’est plus à démontrer. Sébastien Jibrayel, adjoint aux sports, élu au côté de Samia Ghali sur la liste “Marseille avant tout”, ne devrait pas couper le ruban d’inauguration d’une piscine tout de suite. Il en nourrit “peut-être un peu d’amertume”, d’autant que comme il le dit “ici, les piscines, elles datent de quand j’étais petit”. Mais l’élu de 42 ans tempère: “On savait bien qu’on n’allait pas faire des stades et des gymnases partout. On va déjà maintenir en vie les équipements existants qui sont au bord du gouffre.”

La feuille de route budgétaire de la majorité emmenée par le socialiste Benoît Payan est aussi économe en matière de dépenses de personnels. “Nous avons l’ambition d’augmenter les effectifs”, glisse Joël Canicave. Car, dit l’élu, contrairement à une idée reçue, Marseille “est dans la fourchette basse concernant le ratio d’employés municipaux par rapport aux habitants”. Embaucher, donc. Mais pas tout de suite. “On va le faire, en planifiant. Dans les écoles, mais pas que. Les bibliothèques sont aussi notre priorité. Le sport aussi. On va avancer posément. Parce qu’on n’a pas de baguette magique“, reprend le grand argentier municipal.

Vingt agents en plus pour la culture

L’imposant rapport fait état de 11 928 agents au 31 décembre 2020. Il cible un “ajustement maîtrisé” pour 2021 avec “une prévision de 550 départs (définitifs et temporaires) et 547 recrutements”. Au jeu des perdants et des gagnants, la police municipale voit ses troupes augmenter de 85 agents. Les services culturels, eux, bénéficient d’un renfort d’une vingtaine de postes. Concernant les agents des écoles maternelles (ATSEM), pour lesquelles la pression monte, ce sera la reconduction à l’identique.

En février dernier, l’adjoint à la culture déclarait dans Marsactu qu’il lui fallait 40 agents supplémentaires, “minimum du minimum”, pour faire fonctionner les 9 bibliothèques de la ville et permettre la réouverture celles fermées depuis des lustres. Un peu marron, sur ce coup-là, Jean-Marc Coppola ? “Non, je ne me sens pas marron. J’aurais eu 40 agents, je les aurais pris ! Il faudra se satisfaire de ces premiers recrutements. Mais c’est déjà un signe fort, je ne lâcherai pas le morceau !”

Ressources humaines sans anticipation

Comme d’autres adjoints, l’élu communiste pointe “une gestion des ressources humaines catastrophique et sans anticipation” sur les dernières mandatures. Un conseiller de la majorité insiste : “On a un problème là, c’est clair. On gagnera en rationalisant, en clarifiant les modalités d’engagement des uns et des autres. Le constat est un peu cruel : il nous faut des gens compétents.

Ils sont nombreux à décrire ce paquebot de l’administration municipale qui, s’il n’est pas échoué sur un banc de sable du canal de Suez, manœuvre poussivement. Ce budget qui avance à pas de sénateur, en serait aussi la conséquence. “L’administration, oui c’est un gros bateau. Et ça fait 20 ans qu’il n’est pas piloté. Il faut lui donner un nouveau cap. Et ça prend du temps”, note Sébastien Barles.

Avant, à part le maire et son directeur de cabinet, les élus ne mettaient pas les mains dans le cambouis !

Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture

Samia Ghali, maire adjointe en charge de la stratégie municipale sur les projets structurants de la ville, qui connaît fort bien la machine municipale s’en étonne: “Quand j’ai vu arriver les premières orientations budgétaires, les services avaient tout préparé comme si le politique n’avait pas le dernier mot. C’est nous qui avons été élus et moi je ne signe rien avant de l’avoir validé politiquement !” La faute à des habitudes enkystées depuis des décennies décrit encore Jean-Marc Coppola. “Avant, à part le maire et son directeur de cabinet, les élus ne mettaient pas les mains dans le cambouis !

Et chacun, dans ces débats d’élaboration budgétaire, a défendu pied à pied son champ de compétence. “C’est toujours comme ça, chacun veut que sa ligne tienne la route et espère toujours avoir un peu plus. Moi le premier”, souffle un adjoint. “Les écolos avaient tous des délégations qui n’existaient pas au préalable. Du coup ces lignes budgétaires partaient de zéro. C’est forcément plus compliqué”, relève Christine Juste, adjointe EELV en charge de l’environnement. “Il a fallu arbitrer et le maire l’a fait. Ligne par ligne”.

Pas d’arbitrage collectif

Un travail ardu, dit-elle encore. Mais que tous n’apprécient pas à la même échelle. Les discussions ont parfois “un peu tangué”, reconnaît un conseiller municipal. Ces arbitrages budgétaires mettent aussi en exergue la pluralité du Printemps. Un conseiller rit jaune : “C’est sûr que moi, j’aurais pas mis 300 000 boules sur le réarmement des policiers municipaux…” Chacune des couleurs du prisme du Printemps, selon qu’elle tire plus vers le rouge, le rose ou le vert, aurait imaginé des variantes à ce budget.
Un regret affleure, par endroits. Il concerne les arbitrages. “On a eu deux séminaires budgétaires où on a pu s’exprimer. Mais on n’a pas été associés au choix final. Chacun aurait pu défendre ses projets”, pose un élu. “On n’a pas eu d’arbitrage collectif. On déplore la culture en silo de l’administration, ce n’est pas pour la reproduire dans nos prises de décisions. C’est dommage parce que ça génère un traitement individuel. Ça donne l’impression que c’est celui qui parle le plus fort qui l’emporte… “, déplore un autre.

C’est une première feuille de route, on sera ambitieux en 2022.

Christine Juste, adjointe à l’environnement

Face à cette feuille de route, la majorité balance entre compréhension des contraintes et impatience. Un des cadres l’admet : “On a forcément envie que nos ambitions se traduisent en actes, par des recrutements et en termes d’investissement. Ces signaux-là, il faudra les montrer vite. Si possible dès l’année prochaine.” Car en creux se lit pour ces nouveaux élus la crainte d’une gestion étriquée qui offre peu de projection.

C’est un budget d’équilibre, cadre Samia Ghali. Pour la construction, il faudra attendre l’an prochain.” Sur une ligne jumelle, Christine Juste complète: “C’est une première feuille de route, on sera ambitieux en 2022.”< Pour l'instant, on défend cet “exercice de transition après des années d’inaction”, selon les mots de Jean-Marc Coppola. Il le sait, l’argument du bilan Gaudin ne tiendra pas des décennies: “J’espère que c’est la dernière année où je vais dire ça”. Il sera alors temps de voir si la table a valsé.

Avec Julien Vinzent

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Commentaires

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  1. Hde mars Hde mars

    C est bon nos enfants iront à l’école mais pas au théâtre ni au sport .Je pense que pas simple mais pourrions nous savoir à quoi correspond la baisse de 16 et 28 million des budgets et qui va en subir le;s conséquences .
    Vous allez pouvoir faire un article sur les changements de la ville depuis l’arrivée du pm car pour le moment c est comme avant .Il y a toujours les memes cadres pour certains incompétents mis la par l’ancienne mairie et ils gèrent comme avant aucune volonté de changement . Les nouvelles promotions nous confirmerons si FO gère toujours la ville et si oui le pm aura perdu tout ses partisan dans l’institution .

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    • toto toto

      Ils iront à l’école… mais dans quelles conditions ? Aucun recrutement supplémentaire en 2021 alors que Marseille a le taux d’encadrement le plus pas de France. C’est une honte !

      Vous pouvez toujours signer la pétition à ce sujet:
      http://urgence-marseille.fr/

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  2. kukulkan kukulkan

    il serait intéressant de faire un article sur l’absentéisme à la Ville dans certains services car j’ai entendu que plus de 30% du personnel était parfois absent de manière quasi systématique ! comment est ce possible ? Le PM a hérité d’une pomme pourrie par une gestion calamiteuse de Gaudin et sa clique !

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  3. Pierre12 Pierre12

    Tout était pourtant si simple l’an dernier dans l’opposition…

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    • vékiya vékiya

      C’est vrai pierre12 c’est un scandale !! une ville aussi bien gérée pendant 25 ans, dans une situation nationale aussi clémente. Bravo au PM qui réussit à tout fracasser en 6 mois. Dehors les kmer verts & les islamo gauchistes.

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  4. michel michel

    Je suis surpris de lire que le budget 2021 comporte une hausse du financement des ecoles privées. Pourquoi cet héritage de Gaudin est-il conforté ? Cela paraît pour le moins surprenant Avez vous des explications à ce sujet?
    Michel 13

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    • PromeneurIndigné PromeneurIndigné

      Vous avez raison ! Quid par ailleurs des “investissements” pour les équipements des JO ?

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  5. Pierre12 Pierre12

    Olivia Fortin, adjointe aux RH : “Je suis étonnée, vous sortez des chiffres de leur contexte. Vous demandez où sont les personnels attendus, je vous reprécise que nous avons 836 entrées cette année dans les effectifs de la Ville.” Ce n’est pas ce qu’on lit dans le rapport de présentation (547 recrutements), qui parle aussi et surtout des “550 départs” qui les accompagnent.
    Rien à rajouter !

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    • Alceste. Alceste.

      Vous avez raison, l’on se demande pourquoi l’ancienne équipe c’est fait virée comme des mal propres, y compris votre favorite en première ligne.

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  6. Minh Derien Minh Derien

    Budget du Printemps Marseillais.
    « Si tous ces champs sont en augmentation par rapport au budget 2019, LES LIGNES SPORTS ET JEUNESSE ET ACTION CULTURELLE, elles, BAISSENT : DE 54 À 26 MILLIONS d’euros pour la première, DE 39 À 23 MILLIONS POUR LA SECONDE ».
    Les bonnes recettes de la macronie (et de nombreux gouvernements qui l’ont précédée) : y sont !
    Taper sur LA JEUNESSE ET LE SPORT et sur la CULTURE… et PLUS FORT ENCORE SUR LES DEUX PREMIERS : -52% contre -41% !
    Mais cela n’empêchera pas les élus qui ont voté ce budget d’encenser les bénévoles et les responsables associatifs … et d’appeler à l’engagement de tous.
    Alors les cocus ? Quand direz-vous à nos politiques : “Maintenant, démerdez-vous ?
    Dis, Frédéric, pourquoi tu tousses ? Enfin… j’espère que tu tousses.

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    • Mistral Mistral

      On voit bien dans ce budget que plus les adjoints sont proches du Maire et plus ils ont de moyens, du grand classique dans la politique marseillaise ! On pense aux amis avant de penser aux habitants.

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  7. Tarama Tarama

    “Le constat est un peu cruel : il nous faut des gens compétents”.

    Tout est dit, et l’incompétence, du haut en bas de l’échelle de l’administration municipale est criante, et se traduit dans l’état de la ville au quotidien.

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  8. Mistral Mistral

    “la police municipale voit ses troupes augmenter de 85 agents… Concernant les agents des écoles maternelles (ATSEM), pour lesquelles la pression monte, ce sera la reconduction à l’identique.”
    C’est vrai qu’on a perdu la Maire qu’on a choisi en juin mais je pensais quand même que le programme restait le même !
    Les écoles étaient une priorité du Printemps Marseillais non ?
    Et aujourd’hui on a un budget qui privilégie la police municipale +85 postes au détriment de l’école 0 poste supplémentaire, on se croirait chez Estrosi !

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