Le conseil municipal s’épuise dans son premier marathon démocratique

Actualité
le 6 Oct 2020
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Prévu pour durer une demi-journée, le premier vrai conseil municipal de la nouvelle équipe en place a duré huit heures. Entre gestion du temps par groupes et libre parole laissée aux conseillers, le nouvel hémicycle rode encore son fonctionnement.

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L'hémicycle Bargemon où se tiennent les assemblées municipales. (Photo : BG)

L'hémicycle Bargemon où se tiennent les assemblées municipales. (Photo : BG)

Benoît Payan s’agace. Sa main tape nerveusement, passe dans ses cheveux, monte et descend comme pour couper un fil. Le conseiller municipal RN, Bernard Marandat commente, longuement, l’avis de la Ville sur le plan de déplacements urbains (PDU). Le temps de parole du groupe RN est dépassé depuis longtemps et le conseil prévu pour durer une demi-journée est en train de se transformer en course de l’extrême.

Le vétéran du groupe RN au conseil municipal en est au point “idéologie dogmatique” concernant “l’obsession” du Printemps marseillais sur le développement du vélo. “Au fait, monsieur Marandat, sur le rapport”, encourage Benoit Payan qui préside le conseil, en l’absence de la maire Michèle Rubirola, dont le retour de convalescence est attendu dans la semaine.

D’interruptions en protestations, le premier adjoint coupe définitivement la parole à l’orateur frontiste, dans un geste qui rappelle singulièrement le précédent maire à ce poste, qui s’agaçait des mêmes débordements de ses oppositions. Benoît Payan lui-même, alors président du groupe socialiste, s’efforçait sous les huées du groupe majoritaire de rappeler que le code général des collectivités protège la liberté d’expression des élus dans l’enceinte municipale.

Question de partage

Le parallèle dans l’attitude avec Jean-Claude Gaudin, une fois lui-même assis au perchoir, est évident. “Benoît prend goût au conseil municipal, je ne crois que cette convalescence ne le dérange pas trop. il est dans un mimétisme avec Gaudin et dans ce mimétisme, il était très à l’aise”, observe un conseiller municipal de la majorité. L’intéressé fait mine de s’étonner. Lui, le premier opposant, pris dans un jeu mimétique avec le maire historique ? Il balaie l’idée même s’il ne nie pas l’agacement. Au bout d’un conseil de huit heures, cette question du partage de paroles dans et entre les groupes politiques illustre parfaitement le point de rodage de cette nouvelle assemblée.

Après Bernard Marandat, Laure-Agnès Caradec pour le groupe LR verra également son temps de parole écourté par le président de séance, tout aussi agacé par ces digressions. Depuis le perchoir, Benoît Payan tente de faire respecter deux règles à la fois : celle du temps de parole fixe offert à chaque groupe politique en fonction de son poids dans l’hémicycle et la règle générale, issue du code général des collectivités qui permet à chaque conseiller de pouvoir s’exprimer si son propos porte sur un rapport soumis au vote. “On sait que nous sommes potentiellement attaquables sur ce point du règlement intérieur, reconnait Joël Canicave, le président du groupe du Printemps marseillais. Un conseiller qui n’aurait pas pu s’exprimer pourrait faire annuler les délibérations”.

Ce sont les présidents de groupe qui ont fait le choix du maintien du temps de parole en conférence du président, note Benoit Payan, alors qu’il rejoint son perchoir, après l’interruption de séance. Nous avons mis en place un groupe de travail pour réformer le règlement intérieur. Si on laisse la parole à chaque conseiller, cela suppose une police plus stricte de l’assemblée”. En ce premier conseil qu’il préside, c’est donc lui qui rappelle à l’ordre, coupe, remet un orateur dans le droit chemin de son propos.

Benoît Payan, premier adjoint, a présidé la séance en l’absence de Michèle Rubirola. (Image BG)

Pléthore d’interventions au Printemps

“C’est compliqué parce qu’on leur a dit que c’était le moment de prendre leurs marques, de donner l’impulsion au sujet qu’ils portent, constate un cadre de la majorité. Mais, en même temps, cela ne peut pas durer jusqu’à la nuit. Cela crée de la frustration, on va se roder au fil des conseils”. En face, le groupe “une volonté sur Marseille” cherche aussi son mode d’expression entre Martine Vassal, figure tutélaire vite partie et Catherine Pila qui intervient plus comme présidente de la RTM que comme celle du groupe LR. Sur le sujet de la sécurité, ils sont trois à s’exprimer dont les deux maires de secteur, Julien Ravier et Lionel Royer-Perreaut, après David Galtier.

Dans le groupe du Printemps, les élus veulent parfois parler d’où ils partent plutôt que d’où ils sont. Ainsi, en début de conseil, Sophie Guérard, intervient sur les écoles et “les cadeaux faits au privé”, plus avec sa casquette de directrice d’école que celle d’élue aux crèches. “C’est pour cette raison que moi, simple citoyenne qui n’était encartée nulle part, je me suis engagée dans le printemps marseillais. Nous n’allons pas corriger 25 ans de retard en 90 jours“. Pierre Ganozzi à son tour mettra la sienne à propos du PPP des écoles, comme Hervé Menchon sur la villa Valmer qui rappelle son engagement dans un collectif dans ce dossier.

Benoît Payan saute sur l’occasion pour saluer l’engagement “citoyen” qui vient ainsi nourrir la nouvelle équipe. Et, au-delà du temps de rodage, du jeu de chiens de faïence entre ceux qui veulent faire entendre leur différence, il y a aussi une question très politique de définition de la démocratie, dans cette assemblée élue dans un contexte d’abstention record.

Participative ou représentative ?

Elle s’exprime notamment en début de conseil autour de la création d’une “assemblée citoyenne du futur”, visant à associer des citoyens dans une réflexion prospective sur l’avenir de la cité, portée par Sébastien Barles. En réponse, Jean-Michel Turc, nouvel élu du groupe LR, doute de la capacité absolue et prompte “de la démocratie participative ou délibérative de venir au secours d’une démocratie représentative en crise”.

Lui-même défend plutôt la voie “pragmatique et durable d’une nouvelle gouvernance” qui naîtrait du rapprochement des institutions, à l’instar de “l’union sacrée entre notre maire Michèle Rubirola et notre présidente Martine Vassal” en ces temps de Covid. “Sans oublier, ajoute-t-il, les chercheurs, les citoyens, les associations et les CIQ qui ont une grande expérience de ce jeu d’interface“. L’élu, parce qu’il y a urgence, veut plutôt s’appuyer “sur une union sacrée sur les grands dossiers” autour des institutions déjà existantes.

Poulet ou quinoa

Sans avoir prévu de parler, Lionel Royer-Perreaut y va de son “analyse politique”. Il moque sous la mélodie d’une belle histoire de Fugain, celle du Printemps marseillais où en paraphrasant l’analyse posée par Olivia Fortin pour la fondation Jean-Jaurès, pour réussir “il faut être nombreux, déterminés avec du poulet à manger en fin de soirée”. “Pour continuer à écrire cette belle histoire, avec cette nouvelle assemblée, c’est “déterminés, nombreux et quinoa””, moque Lionel Royer-Perreaut. Le maire des 9/10 dénonce le tropisme écolo et citoyen qui cache la “grande désillusion, la supercherie du Printemps marseillais” habile à “manier les concepts” mais inapte, selon lui à “apporter des réponses concrètes aux Marseillaises et Marseillais”.

“Vous venez de vous apercevoir, 90 jours après, que vous avez perdu, fustige Benoit Payan, en réponse. Il ne faut pas avoir peur de la démocratie qu’elle soit participative ou représentative”. L’élu aux écoles, Pierre-Marie Ganozzi évoque lui une régénération de la démocratie dont la nouvelle équipe ferait l’expérience. En attendant ce sont aussi de nouvelles générations, à gauche comme à droite, qui prennent leurs marques dans l’hémicycle. Et ça prend du temps…

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Commentaires

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  1. Calamity J Calamity J

    erratum: olivia fortin plutôt qu’olivier?

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    • Lisa Castelly Lisa Castelly

      Absolument, nous avons corrigé, merci de votre attention, et nos excuses pour cette coquille regrettable.

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  2. FM84 FM84

    Ayant suivi le déroulement de ce conseil municipal, je trouve que les élus d’opposition ont tout de même pu, à plusieurs reprises, s’exprimer de façon complète sur les différents sujets à l’ordre du jour.

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  3. Alceste. Alceste.

    Bon , soyons un peu indulgeants pour ce premier conseil mené par un intermittant du spectacle . Sous l’ancienne majorité, la gérontocratie régnait accompagnée non pas d’autorité mais d’autoritarisme et où l’expression de l’opposition était impossible. Que LR ou RN s’expriment est une trés bonne chose , mais ces derniers ne doivent pas confondre expression et temps de parole. Faire des phrases pour faire des phrases n’est pas pertinent et totalement improductif sauf à flatter son ego et se prendre pour plus important que ce que l’on est.
    Pour le prochain conseil , faisons confiance à RUBIROLA pour ménager les temps de parole de chacun , sa spécialité n’étant pas la gériatrie, sans transformer le dit conseil en dernier salon où l’on cause. Il en va de sa crédibilité sur le changement de mode de fonctionnement de cette mairie.

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    • RML RML

      Votre commentaire désobligeant sur le président par intérim l associe a un “intermittant” du spectacle. Peut être ne le savez vous pas, mais un intermittent n est pas un intérimaire. Un intermittent du spectacle n occupe pas la place de quelqu’un qui n est pas là. Il fait son travail et comme il est est engagé en contrat a durée déterminée, il a souvent plusieurs employeurs, pôle emploi considère qu au regard du chômage, il bénéficie d un régime spécial, l intermittence du spectacle, c est a dire l intermittence de l emploi dans le spectacle. L intermittence n est pas un statut social.
      D autre part, il s agit bien d un intermittent et non d un “intermittant “, participe présent du verbe ” intermitter” qui n existe pas.

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  4. Zumbi Zumbi

    Beaucoup d’agitation pour éviter la question de fond, insoluble dans l’état actuel de fonctionnement de cette institution : est-il possible de délibérer raisonnablement de 285 dossiers en une demi- journée ? en 8 heures ?

    L’essentiel du pouvoir est concentré au cabinet du/de la Maire, qui seul/e décidé si un peu d’autonomie sera concédée aux adjoints délégués. Et le conseil municipal se réduit à un théâtre pénible.

    C’est la Veme République, monarchie élective depuis la Nation jusqu’à la commune. Le combat pour la VIeme devrait être d’actualité plutôt que l’adjonction de conseils et autres théâtres “participatifs”.

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    • kukulkan kukulkan

      bien vrai ! vive la démocratie réelle par tirage au sort d’une assemblée citoyenne, seule manière pour le peuple d’être représenté fidèlement et ainsi de pouvoir par cet échantillon trouver et arbitrer les bonnes solutions au problèmes.

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  5. Manipulite Manipulite

    Il y a des séances de conseils municipaux (ici ou ailleurs) qui sont beaucoup plus chahutées et peu respectueuses de la démocratie locale. Bien pour la séance d’hier à Marseille.

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  6. Alceste. Alceste.

    RML , votre précison vient d’éclairer ma journée, et je vous en remercie . Néanmoins je persiste et signe , ces conseils municipaux ne sont qu’un spectacle , comme les questions à l’Assemblée Nationale le Mercredi. On se montre , on se pavane, on cherche le bon mot ou la bonne réplique. Donc Payan en tant qu’intermittent , sa mission étant de remplacer madame la maire lors de ce CDD , il a assuré ce spectacle qu’est le conseil municipal .Quand vous écrivez qu’un intermittent du spectacle n’est pas un statut social au sens de pôle emploi peut être, mais dans la réalité c’est l’inverse.Puis détérminer son statut social par rapport à pôle emploi , c’est un peu “flippan” . Des gens se déclarant intermittents professionnels du spetacle vis à vis des tiers, c’est bien leur activité principale, bien qu’intermittente et il n’y a donc pas confusion avec l’intérim. Etant petitement diplômé de l’école du Vallon des Tuves , je vais quand même jusque là.
    Pour en revenir à Payan , vous trouvez désobligeant certains commentaires à son encontre. Peut être , mais il le mérite. Son anti parisianisme est stupide , son conseil scientifique est idiot, singer Gaudin à la tribune est ridicule , sa croisade anti croisières est insignifiante, son parcours guériniste mine ses positions politiques.Alors pendant huit heures il s’est pris pour le maire à la place de la maire, de beaux rêves onr sûrement agrémentés sa nuit.Bonne nuit les petits !

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  7. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Il est grand temps que le conseil municipal de Marseille fonctionne comme ceux des autres grandes villes : 9 à 11 réunions par an, sur une journée entière, plutôt que, comme à l’époque de Gaudin, 5 à 6 réunions d’une demi-journée où l’on tente de faire passer en force, et avec le minimum de débats, 400 ou 500 dossiers.

    Je lis ici une histoire de “mimétisme” avec Gaudin : c’est pour tout autre chose que le Printemps Marseillais a été élu. Pour une rupture avec l’ère defferro-gaudiniste. J’espère que M. Payan l’a compris.

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  8. Tarama Tarama

    “Benoît prend goût au conseil municipal, je ne crois que cette convalescence ne le dérange pas trop. il est dans un mimétisme avec Gaudin et dans ce mimétisme, il était très à l’aise », observe un conseiller municipal de la majorité.”

    Les cancans de partis, est-ce vraiment intéressant (et est-ce vrai) ?

    En espérant qu’il y ait un conseil municipal mensuel désormais, pour trancher avec l’ère Gaudin.

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    • Alceste. Alceste.

      Nos politiques sont nés avec la science infuse et des compétences multiples , du moins en sont’ils convaincus. A ce titre je souhaite vivement rappeler le rôle de Marsactu qui donne un outil aux commentateurs ( avec leurs qualités et défauts) afin que ces derniers rappellent à nos politiques , un : de se mesurer chaque matin la circonférence de leurs chevilles qui ont tendance à gonfler; deux : qu’ils sont au service de la population dans le sens noble du terme , mais qu’ils ne sont pas là surtout pour gérer uniquement leurs carrières ( porque las pesetas) . En ce sens Marsactu doit être remercié. Ils ne sont pas parfaits , mais qu’elle chance de les avoir.

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    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Merci à vous !

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  9. Sylvie Denoix Sylvie Denoix

    Quel article décevant!
    Uniquement des questions de forme ou des anecdotes et rien sur le fond.
    Quels sont les sujets dont on a parlé?
    Quelles décisions ont été prises?
    Nous, les lecteurs, avons besoin d’être informés, pas de recevoir des potins.
    Merci de faire mieux la prochaine fois.
    Bonne soirée,
    Sylvie Denoix

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    • Alceste. Alceste.

      Il suffit de suivre en différé le conseil à la télévision de l’ordinateur,si vous voulez vous faire une opinion. Marsactu a donné le lien sur le site de la mairie.
      Comme disait l’autre, pensez par vous même.

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    • Julien Vinzent Julien Vinzent

      Bonjour,
      il s’agit effectivement d’un compte-rendu “politique” de la séance et non des “politiques” qui y sont votées.
      Pour chaque séance du conseil municipal, nous consacrons un article aux principales délibérations de l’ordre du jour, publié le lundi matin avant la séance. Vous le retrouverez ici https://marsactu.fr/les-dossiers-chauds-du-conseil-municipal-du-5-octobre-2020/
      Nous assurons également un suivi en direct qui permet de donner écho aux décisions qui font débat et aux arguments des uns et des autres https://marsactu.fr/live/suivez-en-direct-le-conseil-municipal-de-marseille-du-5-octobre-2020/
      J’espère que ces compléments satisferont votre exigence pour un traitement de fond des politiques municipales.

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