La raffinerie Total La Mède doit-elle pousser son étude environnementale jusqu’en Malaisie ?

Actualité
le 12 Mar 2021
2

Ce jeudi, le tribunal administratif de Marseille se penchait sur la raffinerie Total de La Mède. Des associations demandent l’annulation de l’arrêté permettant à l’industriel d’importer massivement de l’huile de palme. Chargé d'éclairer les magistrats, le rapporteur public a appuyé certains de leurs arguments et demandé que l'étude d'impact environnemental soit approfondie.

Le site Total de la Mède, à Châteauneuf-les-Martigues, a basé sa reconversion sur l
Le site Total de la Mède, à Châteauneuf-les-Martigues, a basé sa reconversion sur l'huile de palme. (Photo Emilio Guzman).

Le site Total de la Mède, à Châteauneuf-les-Martigues, a basé sa reconversion sur l'huile de palme. (Photo Emilio Guzman).

“Le volet climatique pose problème.” La phrase est courte mais l’affirmation est forte, de la part du rapporteur public. Lors d’une audience jeudi, le magistrat dont l’avis est consultatif, mais souvent suivi par le tribunal, a détaillé son analyse dans une affaire concernant la bioraffinerie de Total La Mède. Il se penchait sur le recours porté par plusieurs associations environnementales qui demandaient à la justice l’annulation de l’arrêté de 2018 autorisant l’industriel à exploiter sa raffinerie.

S’il n’est pas allé jusque-là, il a tout de même a suggéré au tribunal une annulation partielle. Pour lui, l’étude d’impact environnemental du projet devrait être approfondie, avant une mise en débat avec la population par le biais d’une enquête publique. Cela pourrait amener à définir une limitation dans l’importation de l’huile de palme, qui est la matière première centrale de ce projet de reconversion, après l’arrêt de la raffinerie fonctionnant au pétrole.

Au cœur du débat ce jeudi, une question, donc : jusqu’où mesurer l’impact environnemental de cette usine ? “L’étude d’impact ne traite pas des questions concernant les gaz à effet de serre. Il y a certes des microclimats, mais le réchauffement climatique est planétaire”, a jugé le rapporteur public, Pierre Giraud. Selon lui, la question d’une éventuelle déforestation en Indonésie et en Malaisie est intrinsèquement liée au projet de l’industriel à La Mède.

“Rendre une image plus juste”

“Les opérations d’exploitation forestières participent au même programme, a-t-il rappelé. L’étude d’impact ne fait pas état de l’utilisation en grande quantité de l’huile de palme, de ses effets directs et indirects sur le climat.” Et Pierre Giraud de considérer ainsi que Total n’apporte pas “un éclairage public et institutionnel” suffisant et que la prise en compte de cet aspect de son activité permettrait de “rendre une image plus juste” afin de ne pas “laisser croire que le projet est très positif”.

Le lien est établi avec la déforestation en Indonésie et Malaisie. S’il n’y a pas d’exploitation d’huile de palme, il n’y a pas de bioraffinerie.

L’avocate des associations

Un discours qui rejoint celui des associations requérantes Greenpeace, France nature environnement (FNE), Les amis de la terre et la Ligue de protection des oiseaux (LPO). “Cette décision [l’arrêté de 2018, ndlr] viole le droit de l’Union européenne sur ce qui doit être pris en compte pour évaluer l’impact, a plaidé Me Victoria pour Greenpeace, FNE et la LPO. Le lien est établi avec la déforestation en Indonésie et Malaisie. S’il n’y a pas d’exploitation d’huile de palme, il n’y a pas de bioraffinerie. Peu importe que la production soit lointaine, que l’activité soit distincte, l’impact est important, il doit être analysé.”

Mais l’avis du rapporteur ne satisfait cependant les associations qu’en partie. Celles-ci ont rappelé souhaiter l’annulation totale de l’arrêté d’exploitation. “On ne peut pas vouloir une régularisation [de l’étude d’impact, ndlr] et en même temps demander d’être précis sur les limitations” concernant la quantité et le taux d’huile de palme importée, commente Louis Cofflard pour Les amis de la terre. “Comment le préfet va faire ça ? Au doigt mouillé ?”, interroge-t-il. Car tout l’enjeu de cette affaire est aussi une question de quantité. À ce jour, la bioraffinerie Total La Mède est autorisée à importer 450 000 tonnes d’huile de palme par an. Or, cette limitation est censée être bientôt revue à la baisse. Les associations souhaitent que cela soit fait en connaissance de cause, et donc, à partir d’une étude d’impact complète.

“Vous n’avez pas la compétence pour rajouter des critères”

Des arguments que l’avocat de la défense a balayé d’un revers de la main. En donnant un petit cours de droit à la présidente. Pour Jean-Pierre Boivin, l’État français n’est pas en mesure de questionner Total sur son impact environnemental à l’autre bout de la terre. L’Union européenne le fait déjà très bien, a-t-il rappelé. “Je ne suis pas là pour vous dire que nous sommes autistes, que nous ne nous préoccupons pas du climat, mais ce sujet est traité par la communauté, par l’Europe, a-t-il défendu. Quand l’Europe a décidé de s’investir dans ce domaine, les états ont perdu la compétence. Vous n’avez pas la compétence pour rajouter des critères, ni même poser des questions à l’exploitant, sauf en matière fiscale.” Une référence à la décision du Conseil d’État de février dernier, défavorable pour Total, qui a décidé d’exclure les produits dérivés de l’huile de palme des biocarburants bénéficiant d’une fiscalité avantageuse.

Autre décision de justice, rappelée cette fois-ci par le représentant de l’État dans cette affaire, celle concernant l’approvisionnement en bois de la centrale biomasse de Gardanne. “Si la question est de savoir si l’on doit mesurer quels sont les effets indirects, elle a déjà été tranchée par la cour administrative avec la centrale de Gardanne. La seule différence était la zone géographique”, a-t-il tenté avant de se faire reprendre par la présidente : “Et qu’elle ne concerne pas le climat.”

Pour défendre l’arrêté préfectoral de 2008, il a également argué de l’impossibilité pour ses services de contrôler un impact environnemental à l’autre bout de la terre : “Je vois mal comment le prendre en compte. Cela parait contradictoire, d’un côté on nous dit que ce n’est pas dans le cadre du projet, que ce n’est pas le même programme et d’un autre, qu’il faut étendre la notion d’effets indirects.” De quoi faire sourire la présidente qui devra trancher la question : “C’est tout le sujet”, a-t-elle conclu. Elle rendra son délibéré d’ici à trois semaines.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. BRASILIA8 BRASILIA8

    ce type d’étude a été refusée par le Tribunal pour la fourniture de bois brésilien à l’usine de Gardanne !

    Signaler
  2. Sentenzza Sentenzza

    C est bio du moment qu on pollue ailleurs qu en France !bravo !🤦‍♂️

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire